On pourrait comparer l'échange que vient d'effectuer le Canadien à ce frappeur qui vise la clôture au lieu de se contenter d'un simple ou d'un double.

Le talent de Benoît Pouliot n'a jamais fait de doute. Repêché quatrième au total en 2005, Pouliot était même, aux yeux de certains, le joueur le plus intéressant après Sidney Crosby.

Plusieurs partisans du Canadien se souviendront du visage livide d'André Savard lorsque le Wild a choisi Pouliot tout juste avant que le Tricolore ne repêche Carey Price.

Mais quatre ans plus tard, on attend toujours. Pouliot, 6 pieds 3 pouces et 200 livres, n'a jamais pu s'établir dans la Ligue nationale de hockey de façon permanente. Il a connu sa saison la plus productive l'an dernier, 11 points, dont cinq buts, en 37 matchs. C'est maigre.

Pendant ce temps, Guillaume Latendresse marquait 16, 16 et 14 buts à ses trois premières années dans la LNH sans même évoluer au sein d'un trio offensif ni participer aux supériorités numériques. Mais il semblait se chercher depuis le début de la saison sous Jacques Martin.

Le Canadien et le Wild s'échangent des joueurs qu'ils n'arrivaient pas à faire fonctionner. Deux joueurs bien différents. Pouliot, 23 ans, possède plus de potentiel que Latendresse. Plus habile, meilleure vision, nettement plus rapide. Il peut aussi jouer au centre, une position où le Canadien ne possède pas beaucoup de relève. Il a d'ailleurs connu du succès brièvement lors du camp d'entraînement au centre de Martin Havlat et Petr Sykora. Latendresse est plus robuste et possède de meilleures mains. Les deux ont leur tort et devront travailler plus fort s'ils veulent lancer leur carrière.

Pouliot est un joueur élégant. On pouvait presque le confondre avec Martin Havlat cette saison tellement son coup de patin est fluide. Mais malgré tout son talent, la nouvelle acquisition du CH n'a jamais pu s'accrocher à la LNH, contrairement à Latendresse. Jacques Lemaire, ni son successeur Todd Richards, n'aura réussi à lancer sa carrière. Il semblait y mettre plus d'effort cette saison, mais, de toute évidence, pas assez aux yeux de Richards.

Pouliot reconnaissait lundi lors d'un appel conférence avec les journalistes de Montréal qu'il avait lui aussi ses torts. «Il y a des choses que j'ai fait ou que je n'ai pas fait que je regrette d'avoir fait ou pas fait. Dans le temps, à 18, 19, 20 ans, je me serais donné à 100 pour cent à chaque jour encore plus comme je le fais actuellement. Mais j'ai 23 ans aujourd'hui et j'ai hâte de commencer à Montréal.»

Parmi un incident qu'il voudra oublier, Pouliot a été déclaré coupable de conduite en état d'ébriété il y a quelques années. Il avait été arrêté vers 2 heures du matin en août 2006, alors qu'il avait 19 ans, après qu'il ait fait demi-tour en arrivant à un barrage policier. Son taux d'alcool dans le sang était de 0,14 alors que la limite légale est de 0,08. Il a refusé de donner un deuxième échantillon d'haleine une fois rendu au poste de police, ce qui lui a valu une deuxième accusation et une autre amende de 1000$.

J'ai demandé lundi soir à un dépisteur professionnel son avis sur l'échange. Le recruteur, dont on ne peut décliner l'identité parce que les clubs ne tolèrent pas que leurs recruteurs commentent publiquement les échanges, était mitigé. «Pouliot a beaucoup de talent, un gros gabarit qu'on compare à Joe Thornton, mais il manque d'intensité. Ça a toujours été son problème. Il peut dominer dans un match puis ensuite s'endormir. Latendresse, le Canadien avait perdu confiance en lui. Ils ne lui ont jamais trouvé de rôle spécifique au sein de l'équipe. Son manque de vitesse va toujours le suivre, mais il y a des gars comme Parrish, Sheppard et Andreychuk qui ont eu de belles carrières sans posséder beaucoup de vitesse. Il ne faut pas lui demander de traverser les gars dans la bande ou de se battre. Il ne l'a jamais fait dans les rangs juniors. Mais il a quand même une certaine vitesse. Les gars qui ne sont pas rapides ne sont pas capables de frapper. Pourtant, il frappe. J'ai l'impression que ça va bien aller pour lui au Minnesota si (Pierre-Marc) Bouchard peut revenir. Pour l'instant, c'est changer une piastre pour quatre trente sous.»

Peut-être qu'avec la complicité d'un entraîneur qui le connaît bien (Jacques Martin et lui viennent du même coin en Ontario), Pouliot pourra enfin répondre aux immenses attentes placées en lui. Mais jusqu'à maintenant, ses trois premières années dans les rangs professionnels n'ont pas encore permis de conclure qu'il appartenait à la LNH.