Un jour, Bob Sirois a réalisé qu'il en avait assez de se contenter de paroles en l'air lorsque venait le temps de commenter les incidents de discrimination à l'égard des hockeyeurs francophones. Il a décidé de passer aux actes, ce qui a donné le livre Le Québec mis en échec: la discrimination envers les Québécois dans la LNH, qui se retrouvera en librairie mardi.

Le déclic s'est fait il y a trois ans, quand l'ancien joueur des Flyers de Philadelphie et des Capitals de Washington était agent de joueurs. L'incident impliquant Shane Doan, qui avait prétendument insulté un quatuor d'arbitres qui avait officié au Centre Bell, venait d'éclater.

«Mon associé m'avait lancé, 'ça existe encore, des attaques verbales comme ça?'. J'ai dit oui, ça existe encore, a raconté Sirois, lundi, lors du lancement de son livre. Je lui ai lancé que c'est la Ligue nationale de hockey des Canadiens anglais, c'est leur ligue et ils permettent aux autres nations d'y jouer - et, quand ils ne sont plus contents, ils utilisent ce genre de langage.

«Du même coup je lui avais lancé: 'je ne serais pas surpris qu'on soit seulement une soixantaine de Québécois à avoir joué 200 matchs dans la Ligue nationale'. Il ne me croyait pas. La discussion s'est arrêtée là, mais mon associé m'a rappelé quelques jours plus tard et m'a mis au défi de lui prouver cette affirmation.

«Je me suis mis au travail en pensant qu'une demi-journée sur Internet suffirait pour trouver ce que je cherchais. Mais ce n'était pas si évident que ça. De fil en aiguille, je me suis retrouvé trois ans plus tard, et ça donné ce livre.»

À écouter parler Sirois, il est évident qu'il croit dur comme fer qu'il y a de la discrimination dans la LNH. «À talent égal, un traitement inégal», utilise-t-il comme expression. Mais il n'a pas voulu que ses opinions se retrouvent dans son livre. Il a simplement colligé des chiffres et des statistiques dans le but de combler un vide criant, soit l'absence de données concrètes. Seulement quelques-uns des tableaux de son livre sont commentés. Les conclusions qu'il tire des données amassées n'occupent qu'une faible partie des 288 pages du bouquin.

«Je voulais laisser le lecteur décider par lui-même, a indiqué Sirois. Je voulais simplement mettre les cartes sur la table, en disant aux amateurs et aux médias, 'les voici et débattez, débattez autant que vous voulez, mais au moins tout est là'.

«On entendait souvent dire en coulisses: «c'est un Québécois, c'est pour ça qu'ils ne l'ont pas pris'. Alors j'ai décidé de tout vous sortir.»

Bien des chercheurs ne cherchent qu'à prouver, coûte que coûte, leur thèse de départ lorsqu'ils entreprennent un travail de ce genre. Sirois n'a pas dirigé ses recherches à ce point, mais il se doutait bien des conclusions qu'il allait en tirer.

«Je savais déjà, à l'intérieur de moi, que la culture n'avait pas évolué. À cause du langage utilisé par certains joueurs de la Ligue nationale de hockey à mon époque, qui occupent maintenant des positions stratégiques dans la LNH. Cette culture qui fait qu'à talent égal, ces gens-là ne choisiront pas un Québécois francophone (dans leur équipe).»

Sirois dit avoir lui-même été bien traité par ses entraîneurs durant son séjour de six saisons et 286 matchs dans la LNH de 1974 à 1980.

«Les entraîneurs sont là pour gagner, alors ils n'ont pas de problème avec les meilleurs joueurs et ceux qui vont donner leur 110 pour cent, a souligné Sirois. La discrimination se fait au moment de la sélection des joueurs par les équipes (au repêchage universel), et lorsque vient le temps de composer l'alignement final d'une équipe.»

L'auteur souligne dans son livre que les clubs de la LNH sont menés par une confrérie anglophone qui exclut les francophones de leur réseautage, mis à part quelques exceptions comme les Sabres de Buffalo, les Flyers de Philadelphie et les Penguins de Pittsburgh. Selon lui, la seule façon de venir à bout de cette façon de faire, c'est en agissant de la même manière, par exemple en ramenant un club professionnel à Québec et en créant une équipe Québec junior. Ce qui permettrait de donner une visibilité aux francophones comme cela a été le cas à l'époque de la rivalité Canadien-Nordiques.

«Pendant les 16 ans qu'il y a eu la rivalité entre Montréal et Québec, il y a eu 124 Québécois qui ont porté l'uniforme des deux équipes. Ce qui a donné une très grande visibilité aux hockeyeurs québécois, qui ont pu poursuivre leur carrière avec d'autres équipes dans la Ligue nationale de hockey par la suite, a noté Sirois. On n'a pas la visibilité, alors (les anglophones) se basent seulement sur les stéréotypes et les préjugés quand vient le temps du repêchage.»

Sirois s'est dit conscient que malgré sa tentative de présenter des faits objectifs, plusieurs tenteront de discréditer les chiffres qu'il avance.

«Le pape ne plaît pas à tout le monde, alors je suis pas mal certain que Bob Sirois ne plaira pas à tout le monde non plus.»