Entraîneure-chef de l'équipe olympique médaillée d'or à Salt Lake City, en 2002, première femme analyste à La soirée du hockey, directrice générale des Carabins de l'Université de Montréal, la nouvelle formation du circuit universitaire canadien, Danièle Sauvageau est le gourou du hockey féminin au Canada. Femme de caractère, généreuse de ses conseils et de ses opinions, elle exerce une grande influence sur son sport à tous les niveaux.

Q Quel est votre engagement avec les Carabins?

R Je savais que je ne pouvais y travailler à temps plein en raison de mes obligations avec l'Association olympique canadienne et ailleurs. Je ne voulais donc pas être entraîneure-chef, mais j'étais prête à mettre sur pied le programme avec l'aide de France St-Louis et Isabelle Leclaire, une jeune technicienne passionnée avec qui j'avais déjà travaillé par la passé. Nous avons pris plus d'un an et demi pour former cette équipe, et je crois que ses bases sont très solides.

 

Q Quelle est votre première évaluation?

R Nous sommes satisfaites du recrutement et de la préparation de l'équipe. Nous voulons être compétitives, rivaliser avec McGill un jour, et nous nous donnons de trois à cinq ans pour y arriver. Au hockey universitaire, c'est important d'avoir une bonne première unité: un gardien, deux défenseurs et trois attaquants qui peuvent affronter les meilleures des autres équipes. Les Carabins ont déjà cette bonne première unité et l'enthousiasme est là.

Q En quoi l'arrivée des Carabins est-elle importante pour le hockey féminin québécois?

R Cette équipe offre aux joueuses québécoises, les francophones et toutes les autres, la possibilité de jouer au hockey tout en étudiant en français. Elle montre aussi qu'il n'est vraiment pas nécessaire d'aller étudier aux États-Unis pour jouer au hockey. C'est un aspect très important de notre mission.

Q Quelle est votre évaluation du hockey mineur féminin au Québec? Devrait-on obliger les filles à jouer entre elles, comme en Ontario?

R Pour l'instant, on ne peut obliger les filles à jouer entre elles car il n'y a pas assez de joueuses dans plusieurs régions. Cela obligerait à mélanger des filles d'âges et de niveaux différents, et ce serait pire que de les laisser jouer avec les garçons. Il faut poursuivre la promotion du hockey féminin, trouver des façons d'amener plus de filles dans les arénas, augmenter le nombre de joueuses, et on pourra alors penser à des ligues exclusivement féminines partout au Québec.

Q Les médias ont un rôle important dans la promotion du sport. Croyez-vous qu'on parle assez du hockey féminin?

R Évidemment non! Les gens me parlent encore de la médaille d'or de 2002 comme si ça avait été la dernière du Canada. On en avait beaucoup parlé à l'époque - 7,2 millions de téléspectateurs avaient suivi le match - et cela a beaucoup aidé au développement du hockey féminin. Mais on a beaucoup moins parlé de la médaille d'or de 2006 et on ne parle presque jamais de nos championnats du monde. Le hockey féminin a beaucoup évolué depuis 2002, mais les gens ne le savent pas. C'est dommage.

Q Justement, les Canadiennes viseront encore l'or dans quelques mois à Vancouver. Vous êtes l'un des mentors de notre équipe olympique. Que pensez-vous de ses chances?

R Les Américaines ont bien fait récemment, mais nous aurons encore une bonne équipe. En 2002, nous avions perdu plusieurs matchs avant les Jeux, mais nous avions gagné le match qui comptait vraiment. L'équipe est réunie à Calgary depuis plusieurs mois et les filles se préparent bien. Elles peuvent encore gagner le match important.

Q On rêve d'un circuit élite «professionnel» féminin. Vous y croyez?

R On en parle depuis longtemps et les tentatives récentes n'ont pas été très concluantes. Des joueuses se sont beaucoup investies, mais j'ai l'impression que beaucoup d'argent s'est perdu là-dedans. J'ai toujours dit qu'il faudrait une participation de Hockey Canada pour former des centres régionaux - au Québec, en Ontario, dans l'Ouest et en Colombie-Britannique - avec des équipes qui s'affronteraient dans une ligue, qu'on pourrait même ouvrir aux Américaines et aux Européennes. On aurait ainsi un vrai circuit élite avec les meilleures joueuses du monde. Mais ça fait longtemps que j'en parle et personne n'écoute...