En quelques heures, Bob Gainey a changé dramatiquement le visage de sa formation. C'était peut-être l'aveu d'échec de son plan quinquennal, mais c'était la chose à faire.

À défaut d'être plus costaude, l'équipe s'est rajeunie et s'est améliorée.

Mais en quelques heures aussi, le Tricolore a effacé l'avantage salarial qu'il détenait.

Le DG estime qu'une fois réglé le dossier des joueurs autonomes avec compensation, il sera à environ 4 millions sous le plafond salarial.

Sauf qu'après l'acquisition annoncée d'un septième défenseur - droitier, espérons-le - Gainey n'aura plus beaucoup de flexibilité pour corriger certaines lacunes à sa formation. À moins bien sûr de procéder à des transactions, ce qu'on ne peut jamais écarter.

La question qu'on se pose, c'est de savoir si le Tricolore a bien fait de dépenser pratiquement tout son fric en une seule journée.

Les dernières saisons nous ont montré que le 1er juillet, plusieurs équipes offrent des contrats qu'elles regrettent ensuite (Redden, Brière, Gomez). Pour ces formations, le 1er juillet est comme un gros party à Vegas dont elles vont se relever sans complètement comprendre ce qui s'est passé.

Bref, à l'ouverture du marché des joueurs autonomes, les équipes trouvent des solutions, mais peuvent aussi se créer de nouveaux problèmes. Et il est important pour une équipe comme le Canadien de capitaliser là-dessus.

Un exemple.

Les Blackhawks de Chicago viennent d'investir beaucoup d'argent en Marian Hossa. Mais à Chicago, on voit venir gros comme le bras la renégociation des contrats de Patrick Kane, Jonathan Toews et Duncan Keith l'an prochain. Ça va prendre une jonglerie digne du Cirque du Soleil pour satisfaire tout le monde.

Dans les circonstances, n'aurait-il pas été habile pour le Canadien de se garder un coussin de façon à déposer une offre hostile (offer sheet) au défenseur Cam Barker, sachant que les Hawks ne seraient pas en position de l'égaler?

Le Tricolore aurait sacrifié un premier choix en 2010 - une cuvée qu'on dit médiocre - mais il aurait hérité d'un défenseur offensif en pleine éclosion.

Du coup, il n'aurait pas eu à s'embarrasser de Hal Gill...

Et à voir comment les Rangers ont dilapidé l'argent sauvé avec le contrat de Scott Gomez, le Canadien aurait également pu s'essayer auprès du jeune Brandon Dubinsky, un centre qui apporterait un peu de papier sablé dans la formation.

Il suffisait d'attendre quelques semaines.

Ne pas dépenser tout, tout de suite. S'en garder pour plus tard.

Le syndrome Dumont

Les dernières années ont démontré que vers la fin août, début septembre, il y a encore des joueurs disponibles dont le prix a baissé, seulement parce qu'ils n'ont pas trouvé preneur à l'ouverture des enchères.

Appelez ça le syndrome Jean-Pierre Dumont.

En ce sens, je ne comprends pas l'empressement du Canadien d'offrir 5 millions par année pendant cinq ans à Brian Gionta, un attaquant qui n'a fait partie de l'élite que durant une saison.

Certes, Gionta pourrait nous faire mentir, surtout que sa combativité lui donne bonne réputation. Néanmoins, d'autres ailiers de 20-25 buts auraient été disponibles plus tard et à une fraction du prix si on s'était donné la peine d'attendre.

Ne pas dépenser tout, tout de suite. S'en garder pour plus tard.

Cette semaine, la moitié de l'équipe a bénéficié de son autonomie du jour au lendemain. Mais l'an prochain, seul Glen Metropolit y aura droit. Gainey n'aura donc pas accès à de l'argent frais à la suite du départ de certains vétérans.

Dans cette optique, il y a un danger à investir tout l'argent auquel il a droit.

Il se lie les mains.

Le noyau de (petits) attaquants du Canadien est maintenant déterminé pour les cinq prochaines années, et il n'y a pas grand espoir d'ajouter un Rick Nash ou un Ilya Kovalchuk susceptible d'apporter une dimension manquante.

Après avoir travaillé pendant des semaines avec une formation incertaine et pleine de trous, le Canadien, pris de vertige, a voulu tout régler d'un seul coup. Sans se garder la possibilité de faire un autre geste d'impact, mais avec plus de recul.

On comprend que la masse salariale est un concept qui évolue chaque jour et qui n'est jamais coulé dans le béton.

Mais ce ne serait pas too much too soon, comme disent les Anglais?