L'heure n'est plus aux clichés. Un match comme un autre, le septième d'une finalede la Coupe Stanley? Pas vraiment, non. L'enjeu ne saurait être plus important et les nerfs seront toujours mis à l'épreuve un peu plus, mais les gens qui s'y connaissent sont unanimes: le stress est absolument à proscrire dans pareille situation. Plus facile à dire qu'à faire?

Qui de mieux que le grand Jean Béliveau pour parler de ce que représente un septième match en finale? M. Béliveau a pris part à quatre des 14 de l'histoire de la LNH.

«À mes deux premières années chez le Canadien, en 1954 et 1955, on a perdu en finale contre Detroit, les deux fois en sept matchs! Mais on a pris notre revanche de belle façon en remportant la Coupe Stanley dans les cinq années suivantes - et c'était contre Detroit la première année», se souvient M. Béliveau, qui a remporté deux fois la Coupe Stanley durant sa glorieuse carrière (10 conquêtes) au terme de septièmes matchs.

«Ce n'est pas un match comme un autre. Ou bien on gagne tout, ou bien on perd tout. Il y a donc toujours un élément de nervosité, mais l'adrénaline vient contrebalancer», explique M. Béliveau.

Jean-Jacques Daigneault a remporté la Coupe Stanley avec le Canadien en 1993, mais a vécu l'expérience d'un match ultime avec les Flyers de Philadelphie, six ans plus tôt, face aux redoutables Oilers d'Edmonton. Daigneault avait permis aux Flyers de forcer la tenue d'un septième match en inscrivant le but victorieux dans le sixième.

«C'est certainement l'un des grands moments de ma carrière. Je me souviens que Brian Propp avait égalé la marque, 2-2, vers la septième minute de la troisième période, puis j'avais marqué quelques minutes plus tard», a raconté Daigneault au bout du fil. Daigneault est l'un des entraîneurs-adjoints du Wolf Pack de Hartford, le club-école des Rangers de New York, depuis trois ans.

L'euphorie de la victoire allait toutefois se transformer en profonde déception quelques jours plus tard, lorsque les Flyers ont perdu le match décisif à Edmonton.

«Ça fait très mal de perdre un septième match comme ça. Il y a 20 individus qui donnent tout ce qu'ils ont, et c'est insuffisant. Lorsque ça m'est arrivé à Philadelphie, je n'avais que 21 ans, alors j'espérais être chanceux en obtenant une deuxième chance - et ça été le cas avec le Canadien en 1993. Je pense que c'était plus difficile à accepter pour des vétérans comme Mark Howe, Brad McCrimmon et Brad Marsh, dont les carrières tiraient à leur fin. Je pense que c'est toujours plus difficile pour les vétérans de l'équipe de perdre comme ça.»

La deuxième fois pour Babcock

Mike Babcock, l'entraîneur des Red Wings de Detroit, a également subi une défaite au septième match d'une finale - en 2003, lorsqu'il dirigeait les Mighty Ducks d'Anaheim, vaincus par les Devils du New Jersey. Dans une récente entrevue accordée à Dave Lozo, du site nhl.com, Babcock a soutenu que cette défaite ne le rendait pas plus craintif de perdre une deuxième fois dans un septième match.

«Je n'ai jamais pensé de cette façon. Ce que je vois, c'est une occasion, il n'y a pas lieu d'avoir peur. Je ne comprends pas ce raisonnement. On a la chance d'une vie. Au Canada, on rêve toute notre jeunesse de marquer le but victorieux dans un septième match de la finale de la Coupe Stanley. À présent, nos joueurs l'ont, cette chance. Allez-y! Jouez et ayez du plaisir!», a lancé l'entraîneur.

Daigneault voit les choses essentiellement du même oeil.

«Je n'ai jamais vu ça comme de la pression. En tant que joueur professionnel, la seule pression qu'il y a sur nous, c'est de donner tout ce qu'on peut.»

Le psychologue sportif Bruno Ouellette estime cependant qu'il y a deux façons d'aborder un match ultime.

«Je pense que c'est le rêve de tout athlète de se retrouver au moment de vérité. À la base, ça génère beaucoup d'énergie. Mais il y a deux façons d'aborder un tel match. On peut le prendre comme un défi, ou encore comme une menace. Il n'y a jamais de stress lorsqu'on prend ça comme un défi, et le stress n'est jamais un élément positif. Celui qui voit le match comme une menace sera préoccupé par la peur de faire des erreurs. Il y a donc deux types d'athlètes: le résilient et le stressé.»

La préparation

Si nos intervenants s'entendent au sujet des dangers qui guettent une équipe qui joue trop nerveusement, c'est plus ou moins le cas pour ce qui est de la préparation qui précède un septième match.

«À mon époque, la préparation n'était évidemment pas aussi sophistiquée qu'aujourd'hui, a souligné M. Béliveau. Cela dit, on est toujours conscient que c'est do or die. On regarde comment les six premières parties de la série se sont déroulées et on tente d'observer des tendances.»

Mais selon Jean-Jacques Daigneault, un septième match n'est plus une affaire de plan de match.

«Ce n'est plus le temps de faire des ajustements. Par exemple, les Penguins et les Red Wings se connaissent très bien. Il n'y a plus de surprise.»

Pour M. Ouellette, à l'aube d'un septième match, tout devient une question d'adaptation.

«Darwin disait que ce n'était pas le plus fort qui survivrait, mais plutôt celui qui s'adapterait le mieux. Et c'est certain qu'une équipe expérimentée aura toujours un avantage important à cet égard.»

À qui la Coupe?

MM. Béliveau et Daigneault n'ont pas voulu prédire qui gagnera le match de ce soir, mais les deux hommes prévoient un excellent spectacle.

«Je pense que ce sont les meilleurs joueurs qui décideront du match, croit Daigneault. Crosby devra être meilleur que Zetterberg, Malkin devra être meilleur que Datsyuk; Gonchar que Lidstrom; Fleury qu'Osgood - et c'est la même chose pour Detroit. Ce sont deux clubs de force similaire, qui accordent beaucoup d'importance au contrôle de la rondelle. Je pense que ce sont les deux meilleures équipes, et cette finale est la meilleure chose qui pouvait arriver à la ligue.»

«Je ne serai pas déçu d'une façon ou de l'autre, a dit M. Béliveau. Les Penguins comptent sur plusieurs jeunes Québécois, mais je dois avouer que j'ai une petite préférence pour les Red Wings, car j'ai affronté cette équipe pendant toute ma carrière. Une chose est certaine, l'effort sera au maximum. Je ne veux pas dire qu'il ne l'était pas lors des six premiers, mais si c'est possible, on en donne toujours un peu plus dans un septième match.»