En Jacques Martin, Bob Gainey a trouvé son âme soeur.

Comme son nouveau patron, le 33e entraîneur-chef de l'histoire du Canadien n'est pas du genre à se laisser emporter par l'émotion et à dire tout ce qui lui passe par la tête devant les journalistes.

Les messages qu'il veut envoyer à ses joueurs sont livrés de vive voix, derrière des portes closes, et très rarement par l'intermédiaire des journaux et des médias électroniques.

C'est tout le contraire de son prédécesseur, Guy Carbonneau, à qui on reprochait des problèmes de communication avec ses ouailles.

Pendant ses huit saisons et demie à la barre des Sénateurs d'Ottawa, une équipe qu'il a sortie de la misère après une difficile expansion, c'était un des seuls reproches que l'on pouvait faire au «p'tit gars de Saint-Pascal-Baylon» (village maintenant amalgamé à Clarence-Rockland): il n'est pas très coloré.

Ça, et le fait qu'une fois devenus un des clubs d'élite de la LNH, ses Sénateurs n'arrivaient pas à se faire justice en séries éliminatoires, en partie parce que leurs gardiens - Ron Tugnutt, Damian Rhodes, Tom Barrasso, Patrick Lalime - flanchaient tous sous la pression, mais aussi parce que leurs gros canons offensifs avaient des ratés au mauvais moment.

À leur dernière de quatre éliminations consécutives aux mains des Maple Leafs de Toronto, en 2004, rappelons que les Sénateurs avaient été blanchis à trois reprises. Quelques jours plus tard, Martin était congédié par John Muckler et remplacé par Bryan Murray.

Armé de ses clichés favoris - il faudrait partir un pool pour deviner la date où il dira pour la première fois «ça fait partie du processus» - et de son expérience de 25 ans dans le hockey junior et professionnel, Martin est très bien équipé pour faire face aux inévitables tempêtes médiatiques qui balaient périodiquement la métropole.

Il sait aussi composer avec les vraies crises qui peuvent secouer une organisation, comme le Tricolore en a connues cette saison.

De la petite bière

Les affres des «frères K», les rumeurs concernant d'autres jeunes joueurs de l'organisation et le feuilleton Alexei Kovalev sont de la petite bière à côté de tout ce qu'Alexei Yashin a fait vivre à Martin dans la capitale nationale avec ses renégociations de contrat et ses grèves.

Et la vente possible du «CH» sera une bien petite distraction pour celui qui a survécu à la faillite de Rod Bryden, ainsi qu'à trois changements de directeurs généraux (Pierre Gauthier, qu'il retrouvera à Montréal, Rick Dudley, Marshall Johnston et Muckler. )

Sa fiche de 341-255-96 à Ottawa a certes impressionné Gainey, qui s'est défendu hier de tenter d'assembler les «Sénateurs de Montréal» vu que leurs anciens dépisteurs Trevor Timmins et Frank Jay travaillent aussi pour lui. «On veut juste leur fiche de quelques années passées», a-t-il lancé pendant la conférence de presse pour présenter Martin.

C'est certes une nomination intrigante, plutôt que surprenante.

Les partisans de la sainte Flanelle seront heureux de voir un entraîneur d'expérience et bilingue arriver dans une situation pas commode. Surtout qu'il est un enseignant hors pair, capable de guider de jeunes joueurs comme il l'a fait à Ottawa avec les Marian Hossa, Martin Havlat, Daniel Alfredsson, Wade Redden, Chris Phillips, Zdeno Chara et, dans une moindre mesure, Jason Spezza.

Il n'avait pas dirigé ce dernier longtemps, mais le jeune centre qui commettait de nombreux revirements à l'époque - plus ça change, plus c'est pareil - avait suscité le commentaire le plus controversé du règne de Jacques Martin à Ottawa, qui l'avait renvoyé dans les rangs juniors à la fin de son premier camp d'entraînement, en disant: «La LNH est une ligue pour hommes, et il est encore un enfant.»

À Montréal, les collègues vont attendre avec impatience que Jacques Martin leur offre de tels petits bijoux à tous les jours.

Reste à voir si le nouveau grand prêtre de la «religion» qu'est le hockey au Québec voudra bien leur jeter de tels morceaux de viande à l'occasion.

Rien n'est moins certain.