C'était en 2000-2001. Le Canadien avait des problèmes. Des tas de problèmes. Le rêve des séries, déjà pas fort fort en début de saison, s'était envolé en cours de saison. En coulisses, on avait commencé à murmurer: et si le Canadien terminait au dernier rang? Si le Canadien pouvait repêcher premier et mettre la main sur Ilya Kovalchuk?

Mais si. André Savard s'en souvient très bien.

«Les gens qui voulaient qu'on termine au dernier rang ne comprenaient pas, explique l'ancien DG du Canadien. À Montréal, tu ne peux pas finir dernier. Personne n'accepterait ça. Je me souviens que lors de cette saison-là, des gens du Centre Bell étaient inquiets, parce qu'ils avaient des loges et des abonnements à vendre pour la saison suivante...»

En fait, André Savard sentait tellement de pression qu'il a tout fait pour obtenir le premier choix des Thrashers d'Atlanta cette saison-là, premier choix qui allait être Kovalchuk. «Je me disais que si on allait rater les séries, au moins, on pourrait donner une vedette aux partisans...»

Tout ça m'amène au fabuleux récit des Blackhawks de Chicago, une équipe dans le vent, vous vous en doutez bien. Tellement dans le vent, en fait, que les Baby Hawks sont devenus un exemple de marche à suivre pour certains. Surtout ici. Ici, j'entends la même chose depuis le début de la semaine: si le CH avait eu autant de succès que les Hawks au repêchage, ça irait pas mal mieux au Centre Bell.

Malheureusement, ce n'est pas aussi simple que ça.

Si les Baby Hawks en sont là aujourd'hui, c'est qu'ils ont passé plusieurs saisons dans la cave de la honte. En d'autres mots, avant d'être des Baby Hawks, ils étaient des Ugly Hawks. Voyez un peu ces chiffres: 22e place du classement général de la LNH en 2000-2001, 29e place en 2003-2004, 28e place en 2005-2006, et une belle 26e place pour conclure cette traversée du désert en 2006-2007.

Ceci explique cela, comme dirait Jean-Paul Sartre. Oui, les Baby Hawks se retrouvent en finale de l'Association de l'Ouest. Oui, ils ont un paquet de jeunes joueurs de talent comme Jonathan Toews et Patrick Kane. Mais ils ont eu à survivre à des années de médiocrité pour en arriver là.

«Quand ça allait mal, les Hawks jouaient parfois devant 8000 ou 10 000 personnes à Chicago, poursuit André Savard. Posons-nous la question: est-ce que le Canadien aimerait jouer devant 8000 ou 10 000 personnes au Centre Bell? Ce n'est pas la même chose. Il ne faut pas oublier non plus que les Hawks ont eu du succès sur le marché des joueurs autonomes. En plus des deux gardiens, ils ont embauché le défenseur Brian Campbell.»

J'ajouterai bien humblement que les dirigeants des Hawks ont aussi pris quelques sages décisions sur le marché des échanges. Ils ont mis la main sur Martin Havlat, et ils ont arraché Patrick Sharp aux Flyers de Philadelphie, un vol assez spectaculaire qui n'est pas sans rappeler la fois où il fallait payer 225$ pour des billets des Police.

Mais alors, y a-t-il de l'espoir pour un bon petit club comme le Canadien, qui se maintient presque toujours dans le milieu du peloton sans trop faire de bruit? De l'espoir pour un club qui ne repêche presque jamais en excellente position? Bien sûr, selon André Savard. «Regardez un peu les Red Wings de Detroit... Ils sont au sommet depuis longtemps, ils ne repêchent jamais parmi les premiers, mais ils ont toujours du succès. Et c'est ce succès qui leur permet d'attirer des joueurs autonomes de qualité.»

C'est le défi qui attend les dirigeants du Canadien cet été: aller chercher quelques bons jeunes de talent au repêchage (c'est possible), conclure un échange ou deux pour obtenir ce leader dont le club a tant besoin (c'est possible ça aussi), et aller chercher un joueur de premier plan sur le marché des joueurs autonomes.

Sur le dernier point, je suis moins sûr par contre...