Confronté à un fort endettement, le propriétaire du Canadien, George Gillett tente bel et bien de vendre le Tricolore et le Centre Bell et essaie présentement de faire monter les enchères afin d'obtenir le meilleur prix possible, qui pourrait atteindre, voire dépasser, les 400 millions de dollars.

La Presse a obtenu la confirmation qu'une cinquantaine d'individus, de sociétés publiques et d'entreprises susceptibles d'être intéressés à participer à une acquisition ont été contactés la semaine dernière par la firme BMO Marchés des capitaux. Ils ont jusqu'à la fin de la journée de demain pour déclarer leur intérêt, ce qu'une dizaine d'entre eux, dont l'imprésario René Angélil et le propriétaire du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, ont fait jusqu'ici.

Le 23 mars, La Presse avait révélé que BMO Marchés des capitaux avait «reçu le mandat d'évaluer toutes les stratégies possibles entourant les propriétés de la famille Gillett à Montréal», incluant une «capitalisation, une restructuration du financement, de nouveaux investisseurs ou carrément la vente des entreprises», selon les termes employés par le président du Canadien, Pierre Boivin. «Le processus a été déclenché, mais on est encore au début des démarches», avait-il dit.

Il semble que le processus se déroule au pas de course, car à peine plus de deux semaines se sont écoulées depuis lors. Plus il y aura de fébrilité autour de la vente, plus les enchères vont monter, soulignent des sources au fait du dossier. La famille Gillett ne veut pas se retrouver avec un seul acheteur qui va dicter son prix.

M. Boivin n'a pas rappelé La Presse mardi soir. «Le Canadien se limite à dire ce que Pierre Boivin a indiqué dans La Presse du 23 mars. Pour le reste, c'est un processus confidentiel qu'on ne commentera pas», a déclaré le porte-parole de l'organisation, Donald Beauchamp.

En coulisses, on indique que M. Gillett est coincé par une échéance financière majeure, un prêt de 75 millions qui vient à échéance en juillet, et pour lequel il a besoin de liquidités rapidement. L'existence d'une dette du même montant, qui portait intérêt à 19%, avait été révélée en décembre dernier. Un autre prêt, de 637 millions celui-là, consenti à Gillett et à son partenaire Tom Hicks dans le cadre de leur acquisition du club de soccer anglais Liverpool, arrive aussi à terme en juillet, après que l'échéance eut été repoussée de six mois cet hiver.

Selon des sources très fiables, le prix de vente estimé du club et du Centre Bell se situe autour de 400 millions, mais dans les cercles d'affaires montréalais, les esprits s'échauffent et certains parlent maintenant de 500 ou 600 millions...

De quoi réjouir George Gillett, qui, avec l'aide de la Caisse de dépôt et placement, avait payé seulement 275 millions pour 80,1% du Canadien et ce qui s'appelait à l'époque le Centre Molson, en janvier 2001. Sous sa conduite, l'équipe a prospéré, au point de devenir, selon Forbes, au 3e rang des plus riches de la Ligue nationale de hockey. L'automne dernier, le magazine américain établissait la valeur du club et du Centre Bell à 334 millions US (414 millions CAN).

Les propriétés montréalaises de George Gillett seraient toutefois lourdement endettées. Depuis qu'il a acheté le Canadien, le propriétaire actuel «a sorti chaque cent de profits» sans réinvestir et a, au surplus, emprunté sur les actifs. Selon nos informations, une dizaine d'acheteurs potentiels ont signé un accord de confidentialité leur permettant d'étudier le dossier. Parmi ceux-ci, on retrouve non seulement Guy Laliberté et René Angélil, mais aussi le propriétaire de l'Impact de Montréal, Joey Saputo, et l'homme d'affaires Stephen Bronfman. Saputo a confirmé mardi à la station CJAD qu'il faisait partie d'un consortium intéressé à acheter la franchise, sans préciser l'identité de ses partenaires. Laliberté et son vice-président Daniel Lamarre ont eu des contacts avec le Canadien avant l'entrée en scène de BMO Marchés des capitaux, mais auraient trouvé le propriétaire «trop gourmand», à l'époque.

Dans un reportage diffusé mardi soir, Radio-Canada affirme par ailleurs que la Caisse de dépôt et placement du Québec, la famille Molson, Quebecor, Roustan Capital (fabricant des patins Bauer) et le fonds d'investissement américain Spectrum Equity sont aussi sur les rangs. Le Groupe Aldo était également mentionné par Radio-Canada, mais Aldo Bensadoun, fondateur et chef de la direction du groupe, a démenti l'information à La Presse.

L'ancien défenseur et directeur général du Canadien Serge Savard, qui affirmait dans La Presse de mardi être prêt à acheter l'équipe si elle était à vendre, n'apparaîtrait pas sur la liste, mais selon nos informations, il aurait été contacté par BMO et serait appuyé par André Bérard, ancien patron de la Banque nationale. Le duo serait proche de la CIBC.

Joint au téléphone en début de soirée, le président du conseil d'administration de BMO Marchés des capitaux, Jacques Ménard, n'a guère été loquace, invoquant ses obligations déontologiques. «Je ne ferai aucun commentaire. Nada. J'ai le devoir de réserve que m'impose le métier que j'exerce depuis 40 ans. Je ne peux pas réagir», a-t-il déclaré, avant d'ajouter, au sujet des informations qui circulent, qu'il avait «vu ce film dans le temps des Expos. Je l'ai vu il y a sept ans, la dernière fois que le Canadien a été vendu. C'est more of the same».

Pendant ce temps, le Canadien, défait 3-1 à New York, n'a toujours pas confirmé sa participation aux séries éliminatoires.

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Le Canadien sous l'ère Gillett


31 janvier 2001


George Gillett acquiert 80,1% du Canadien et la totalité de ce qui s'appelle alors le Centre Molson pour 275 millions.

26 février 2002

Molson cède à Bell les droits du nom de l'amphithéâtre du Canadien. L'entreprise de télécommunications avait une entente de commandite de 40 millions pour 20 ans avec le club. Le montant passe à 100 millions. Quelques mois plus tard, la direction monnaye l'entente avec Bell contre un somme de 70 millions. Gillett nie que le Canadien éprouve des problèmes financiers.

30 juin 2006

Gillett rembourse les dettes qu'il avait contractées auprès de la Caisse de dépôt et de Molson lors de l'achat du Canadien. Pour y parvenir, il emprunte 240 millions de dollars US à des banquiers étrangers, selon le Sports Business Journal, une initiative qui lui permet de toucher 72 millions.

6 février 2007

Avec l'homme d'affaires Tom Hicks, Gillett achète le légendaire club de soccer de Liverpool pour un demi-milliard et promet 500 millions supplémentaires pour construire un nouveau stade.

29 mai 2007

Booth Creek Management Corporation, la société de portefeuille de la famille Gillett, vend ses intérêts dans le géant de la viande Swift and Company dans une transaction de 1,4 milliard. L'acheteur, une firme brésilienne, verse 225 millions pour les actions de l'entreprise et absorbe sa dette de 1,2 milliard.

6 août 2007

George Gillett fait son entrée dans le NASCAR en acquérant une participation dans l'écurie qui s'appelle aujourd'hui Gillett Evernham Motorsports.

26 mars 2008

La Presse révèle que Gillett s'associe à Joey Saputo pour tenter d'attirer une franchise de la Major League Soccer à Montréal. L'entreprise échoue huit mois plus tard, lorsque la ligue rejette la proposition du tandem.

29 octobre 2008

Le magazine financier Forbes classe le Canadien au troisième rang des équipes les plus riches de la LNH. Le Tricolore vaudrait 334 millions de dollars américains - une hausse de 18% par rapport à l'an dernier. Seuls les Maple Leafs de Toronto (448 millions) et les Rangers de New York (441 millions) auraient une plus grande valeur que l'équipe montréalaise.

6 novembre 2008

Le coloré homme d'affaires ontarien Jim Balsillie, propriétaire de Research In Motion, affirme que le Canadien est à vendre. Ses propos sont démentis avec véhémence par George Gillett.

1er décembre 2008

Le Sports Business Journal rapporte que Gillett tente de refinancer une dette personnelle de 75 millions de dollars américains pour laquelle il a donné en garantie sa participation dans le club Liverpool. Il avait emprunté la somme au taux de 19%.

6 janvier 2009

The Guardian rapporte que George Gillett et son partenaire Tom Hicks exercent l'option qui leur permet de reporter de six mois l'échéance du prêt de 350 millions de livres (630 millions de dollars) contracté lors de l'achat de Liverpool. À l'origine, ils avaient jusqu'au 25 janvier pour rembourser cette créance. La date butoir est repoussée au 24 juillet.

22 mars 2009

Pierre Boivin confirme que la famille Gillett a mandaté une firme pour étudier toutes les possibilités financières liées à l'avenir de son équipe, du Centre Bell et du Groupe Spectacles Gillett.