On reproche souvent au responsable du recrutement chez le Canadien, Trevor Timmins, de bouder le Québec lors du repêchage.

Qu'en est-il vraiment? Allons au fond des choses et analysons les 20 derniers repêchages du Canadien pour vérifier si les critiques à l'endroit de Timmins sont justifiées.

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Première constatation, 21% des joueurs repêchés par Timmins depuis son entrée en poste en 2003 sont francophones, comparativement à 14% pour son prédécesseur, Martin Madden (sous l'autorité d'André Savard), 23% pour le tandem Pierre Mondou-Pierre Dorion (sous l'ère Réjean Houle) et 26% pour André Boudrias (à l'époque de Serge Savard).

Il faut noter que le plus récent repêchage de Timmins fait baisser sa moyenne puisqu'il n'a recruté aucun Québécois, mais il ne détenait en revanche que cinq choix.

On peut découvrir des perles en fouillant. Qui tendent à prouver que repêcher à tout prix un francophone au détriment d'un joueur d'une autre nationalité peut parfois être catastrophique.

Il ne s'agit pas ici de dénigrer les joueurs québécois, ni faire mal paraître les recruteurs du Canadien, qui ont réussi de bons et de moins bons coups au fil des ans, mais de mettre en lumière le fait que les recruteurs ne peuvent se permettre d'avoir de préjugés favorables envers quiconque.

En 1989, par exemple, le Canadien a repêché sept Québécois sur un total de 12 joueurs. Un seul, Patrice Brisebois, a disputé plus de 100 matchs dans la LNH.

Le jour de ce repêchage, les partisans du CH étaient sûrement heureux qu'on choisisse aux 41e rang et 51e rangs deux jeunes hommes du Québec, Steve Larouche et Pierre Sévigny. C'est toujours plus attrayant que la perspective de voir l'organisation montréalaise jeter son dévolu sur un obscur défenseur suédois qui a amassé deux passes en 19 matchs pour l'équipe de Vasteras. Mais le défenseur, repêché deux rangs après Sévigny, s'appelle Nicklas Lidstrom...

En 1988, le Tricolore repêchait Éric Charron en première ronde (20e) et Martin St-Amour (34e) au deuxième tour. Qu'aurait-on dit ce jour-là si le CH avait plutôt opté pour Mark Recchi (67e), Tony Amonte (68e) ou Alexander Mogilny (89e)? Sept ans plus tard, Serge Savard a cédé Éric Desjardins, John LeClair et Gilbert Dionne pour obtenir Recchi.

Si c'est à refaire en 1990, opteriez-vous pour le frère de Marcel Dionne, Gilbert, au 81e rang ou pour le Moscovite Serge Zubov, repêché quatre rangs plus tard?

Par ailleurs, certains amateurs aimeraient voir leur équipe se tourner vers des Québécois dans les rondes plus tardives puisque le taux de succès est moins bon et que le risque est moins important. Le CH l'a déjà fait. En 1994, Jimmy Drolet est repêché au 122e rang. Avec le recul, prenez-vous ce gardien issu d'une école secondaire du Massachusetts, Marty Turco, repêché 124e? Ou encore cet attaquant suédois de Frolunda, repêché au 133e rang, Daniel Alfredsson?

En 2002, André Savard, très sensible à l'identité francophone, a fait un échange pour obtenir un choix de quatrième ronde et repêcher Michaël Lambert, un jeune joueur du Rocket de Montréal. L'histoire aurait été moins intéressante le lendemain s'il s'était plutôt tourné vers un défenseur américain de la Ligue USHL, Tom Gilbert, réclamé plus tard dans cette ronde. Gilbert totalise 40 points en 74 matchs cette année dans l'uniforme des Oilers d'Edmonton.

Le contraire est parfois aussi vrai. En 2003, Timmins opterait sans doute pour le défenseur Bruno Gervais au 177e rang plutôt que pour le gardien suédois Christopher Heino-Lindberg. Gervais a été repêché par les Islanders de New York cinq rangs plus loin. Ce n'était pas du mépris envers le Québec.

D'ailleurs, deux ans plus tôt, André Savard, a choisi l'attaquant de l'Ouest canadien Duncan Milroy au 37e rang avant Jason Pominville, qui a été repêché par les Sabres de Buffalo au 55e rang.

En 1996, Réjean Houle et ses dépisteurs, eux aussi très sensibles à la question, ont opté pour Matt Higgins avant Daniel Brière en première ronde. Grave erreur, mais pas une erreur malhonnête.

Bref, il faut arrêter de voir des complots partout et faire confiance aux recruteurs, qui ne cherchent qu'à obtenir les meilleurs joueurs disponibles pour leur organisation.