Le hockey n'a jamais été aussi visuel. Reprises au super ralenti, arrêt sur image avec crayon électronique pour expliquer les bons et mauvais coups, caméras isolées pour capter les moindres gestes des Ovechkin et Crosby de ce monde, matchs présentés sur le web et, pour les insatiables maniaques, forfaits permettant d'avoir accès à TOUS les matchs du calendrier régulier et des séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey!

Il y a peu de place, il faut bien en convenir, pour l'imaginaire.

À moins de se tourner vers la radio. Cette bonne vieille radio qui a fait les soirées de nos parents (les plus vieux baby-boomers) et grands-parents qui, avant l'avènement de la télévision, se rassemblaient le samedi soir pour écouter religieusement le chapelet... et le hockey des Canadiens!

En cette ère de surexposition des performances, il est tout de même étonnant de constater que le hockey à la radio n'a pas encore rendu l'âme. Les chiffres qui suivent font même la preuve qu'il affiche une excellente santé: 205 000 auditeurs à Montréal, environ 300 000 à la grandeur du Québec. En ajoutant les 30-40 000 qui suivent sur l'internet, on arrive à des cotes d'écoute qui ont de quoi réjouir les gens derrière ce succès. On pense, surtout, à Martin McGuire et à Dany Dubé, les véritables artisans de cette réussite. Un duo professionnel, complémentaire, rigolo et, d'abord et avant tout, très efficace. Ces deux-là ont vraisemblablement beaucoup de plaisir à travailler ensemble. Ça s'entend sur les ondes, ça se sent dans leurs propos, pourrait-on même dire.

Pour en avoir le coeur net, il suffit d'assister à un match en leur compagnie. Celui de samedi dernier contre les Devils du New Jersey, alors que Martin Brodeur tentait d'égaler le record de victoires de Patrick Roy, par exemple.

Première constatation : quand ces deux gars-là entrent dans leur petite loge du Centre Bell, juste au-dessus de celle de RDS, ils sont prêts pour le match. Ils ont fait leurs devoirs en assistant aux entraînements matinaux et arrivent avec une quantité assez surprenante de matériel - matériel contenu entre autres dans deux cartables qu'ils traînent avec eux toute la saison - qui leur permet de passer à travers un match sans aucune difficulté. Entrevues, statistiques, anecdotes, tout y est pour favoriser une retransmission riche en contenu. Ne reste plus au Canadien qu'à offrir un bon spectacle... ce qui, hélas, diront les

inconditionnels, n'arrive pas tellement souvent actuellement!

Deuxième constatation : Martin McGuire et Dany Dubé passent la soirée debout et ils en gesticulent un coup! Les «guéguettes» en l'air, comme dirait l'autre, pour appuyer l'explication d'une mauvaise sortie de zone, d'un tic-tac-toe offensif imparable, d'une mise en échec percutante ou d'une feinte magistrale, on les sent dans le match comme s'ils y étaient personnellement engagés. Pas surprenant que leurs auditeurs trippent en les écoutant. Un bon soir, il faudrait les filmer à leur insu. C'est certain qu'ils seraient les premiers à en rire!

Troisième constatation: chacun des membres du duo connaît son rôle et s'applique à le remplir avec professionnalisme sans jouer dans les plates-bandes de l'autre. Ici, pas de prima donna qui veut voler la vedette, pas de confusion des genres. L'animateur anime, l'analyste analyse. La complicité entre les deux, bien établie, se constate facilement aux clins d'oeils échangés, aux sourires en coin, aux blagues envoyées sans avertissement, mais jamais en bas de la ceinture.

Au-delà de toute cette complicité, de cette communion entre deux mordus de hockey branchés sur le même soluté d'adrénaline, c'est cette capacité qu'ont Martin McGuire et Dany Dubé de «faire voir» le match à leurs auditeurs qui leur permet d'avoir autant de succès. Une qualité qui n'a rien d'un hasard comme le laisse entendre Dany Dubé. «Le premier conseil que j'ai reçu de la personne qui m'a engagé a été le suivant: "N'oublie jamais que tu t'adresses à des non-voyants. "Quand j'analyse une action, je me fais donc un devoir de la situer dans l'espace - une mise en jeu à la droite du gardien, un lancer du cercle à la gauche du gardien - pour que les auditeurs soient en mesure de la récréer.»

Martin McGuire ajoute son grain de sel pour corroborer les dires de son partenaire. «Un jour, nous avons reçu une lettre d'un chauffeur de taxi. Il expliquait qu'il avait pris un client aveugle pour une course et que ce dernier lui avait demandé de mettre la radio au hockey. Lui-même n'avait jamais écouté un match à la radio. En regardant dans son rétroviseur, il pouvait voir son client vivre le match et il s'est mis à écouter notre description plus attentivement. Sa lettre se terminait comme suit: "Merci de nous avoir fait voir la partie". Ça dit tout.»

Que dire de plus ?