L'affaire Vincent Lecavalier a pris une telle ampleur récemment que la LNH lui a réservé le podium, hier après-midi à l'hôtel Reine-Élizabeth, pour la rencontre des joueurs avec les journalistes, en marge du match des Étoiles.

Un privilège qu'on aurait pu également réserver à Alexander Ovechkin, Gary Bettman ou aux joueurs du Canadien qui participent à l'événement. Mais on s'attendait à un tel raz-de-marée médiatique dans le cas de Lecavalier qu'on a préféré lui donner un micro plutôt que de laisser les reporters s'agglutiner autour de lui dans l'immense salon de l'hôtel réservé aux entrevues. Lecavalier ne s'est pas défilé et il a répondu patiemment à toutes les questions, même si celles-ci devenaient parfois redondantes. On a dû lui demander au moins 15 fois (même les journalistes de l'extérieur) s'il accepterait de venir jouer pour le Canadien et si la pression d'oeuvrer à Montréal lui faisait peur.

L'attaquant de 28 ans n'était pas placé dans un contexte facile: il ne fallait pas déplaire aux fans de Tampa qui l'adorent, et ne pas déplaire non plus aux partisans du Canadien, qui l'accueilleront probablement avec beaucoup de chaleur ce week-end.

Lecavalier n'a rien fait pour atténuer les rumeurs d'une venue possible à Montréal et on n'a pas senti non plus qu'il était prêt à défendre les nouveaux propriétaires du Lightning à la vie, à la mort.

Il semble ignorer lui-même ce que l'avenir lui réserve malgré la conférence de presse tenue la semaine dernière par le DG Brian Lawton, point de presse au cours duquel Lawton affirmait que son capitaine ne serait pas échangé.

«Ce que je sais, vous le savez. Il y a toujours des rumeurs, mais celle-là semblait solide. J'ai parlé à l'équipe et tout le monde est maintenant au courant, si un échange survenait, ils ont dit qu'ils allaient me consulter ou me demander une liste (d'équipes pour qui j'accepterais de jouer).»

Lecavalier a répété qu'il ne dirait jamais non à la perspective de se retrouver à Montréal. «Quand je viens à Montréal, deux fois par année, c'est toujours incroyable. De voir cette organisation-là de première classe, l'équipe qu'ils ont, l'histoire derrière cette équipe, le centième anniversaire, n'importe quel joueur de hockey dans le monde aimerait vivre cette expérience. Mais en ce moment, je suis à Tampa.»

Lecavalier a aussi parlé de la pression. «L'histoire du Canadien de Montréal, toutes les Coupes Stanley, c'est sûr que le hockey est une religion au Québec. Pour quelqu'un qui naît et grandit ici, jouer ici, ça ajoute un peu de pression, mais c'est une bonne pression. C'est une motivation supplémentaire. Tu dois être prêt chaque match parce que les fans sont dans le match. Je n'ai jamais eu peur de la pression et ça ne me dérangerait pas de vivre cette pression. De toute façon, il y en a partout, de la pression. Nous sommes des professionnels. Nous sommes payés pour produire, que ce soit à Tampa, New York ou Montréal.»

Et Lecavalier se dit heureux de se retrouver ici ce week-end malgré le fait qu'il soit le centre d'attention à la suite de toute cette histoire.

«De venir ici en fin de semaine, de le vivre de proche, de jouer pour l'équipe de l'Association de l'Est qui sera appuyée par les fans, de vivre ça avec les partisans, ce sera spécial. En plus, je vais m'habiller dans le vestiaire du Canadien, que j'ai toujours voulu voir.»

Il dit d'ailleurs avoir adoré l'accueil que lui ont réservé les partisans à sa descente d'avion, jeudi soir. «Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, mais quand j'ai franchi les portes à l'aéroport, avec les centaines de fans qui nous attendaient pour nous saluer et nous demander des autographes, j'avais les cheveux tout croches, j'étais en état de choc, personne, ni moi, ni les autres joueurs, ne s'attendait à un tel accueil.»

Rumeurs et changements

On lui a demandé, un peu plus tard, lors d'une entrevue de groupe improvisée, s'il serait déçu d'apprendre que les premières rumeurs de transaction ont émané de l'organisation du Lightning, comme plusieurs le supposent. «Si c'est sorti de Tampa, c'est sûr que ça fait mal. Oui. Ça ferait mal. Ça fait partie de la game...»

Lecavalier n'a pas joué du violon non plus quand on lui a demandé de commenter tous les changements survenus au sein de l'équipe depuis quelques mois.

«Dan Boyle fait partie des cinq meilleurs défenseurs de la Ligue, et c'est peut-être le meilleur. De voir un gars comme ça partir, de voir un chum comme Brad Richards partir, oui, c'est difficile. Mais de leur côté, ils ont une entreprise à gérer et ils disent qu'ils ont pris ces décisions par mesure économique, alors tu ne peux pas blâmer quelqu'un pour ces raisons-là. Je crois aussi que quand tu as 17 nouveaux joueurs dans une équipe, c'est difficile d'avoir un bon début de saison. Quand tu gagnes la Coupe Stanley, c'est que tu as une bonne chimie. Nous, on a eu deux ou trois semaines pour être ensemble et avoir une chimie. Mais on commence à bien jouer, depuis un mois et demi, et dans les dernières semaines, on gagne plus souvent. Si on avait eu la même équipe depuis le début de l'année, on aurait été meilleurs.»

On peut croire que Lecavalier garde un souvenir amer de son expérience des dernières semaines.

Quand un collègue lui a demandé s'il pouvait faire confiance aux nouveaux propriétaires à Tampa, le capitaine du Lightning a pris une pause. Sa réponse a été plutôt évasive. «Je leur ai parlé et ils m'ont dit que si jamais il arrivait quoi que ce soit, ils allaient m'en parler avant. C'est juste ça que je peux dire.»

Le journaliste a répété sa question. «Disons que ça a été des moments difficiles, mais s'il arrive quelque chose, ils vont m'en reparler.»

Il ne pensera pas à tout ça, ce soir et demain, quand il sera applaudi à tout rompre au Centre Bell...