Si les Britanniques sont fous de soccer, le hockey les laisse de glace. Toutefois, un sport dérivé du hockey sur patins gagne du terrain : le hockey sur monocycle. Quand le sport rejoint le cirque.

Le jeudi soir, un drôle de cirque a lieu sur un terrain extérieur du centre sportif Westway, dans l'ouest de Londres. Sous deux bretelles routières, sept gaillards et une petite fille montés sur des monocycles se disputent une balle de tennis.

 

En cette soirée froide, un crachin dilue la sueur de leur visage. L'effort crispe leurs traits. Ils doivent marier équilibre, agilité et puissance.

Munis de bâtons de hockey, ils tournoient, pivotent et foncent vers le but. Leur monocycle est muni d'une roue à pignon fixe, ils peuvent donc avancer comme reculer.

Leur plaisir est palpable. Barry Gates, le doyen de l'équipe, a un sourire permanent accroché aux lèvres. Antoine Fafard, le Québécois du groupe, adore accélérer, la tête baissée, comme un taureau dans une corrida. Il ne laisse pas sa place devant la «bande» (une clôture dans ce cas-ci) pour s'emparer de la balle.

Pas étonnant que son surnom soit «Tasmanian Devil». «Il joue très près des joueurs. Les autres équipes ont peur de lui», rigole Barry.

Ils ne l'admettront jamais, mais les Lunis (une abréviation de «London Unicyclists») sont les meilleurs joueurs de hockey sur monocycle au pays. En février dernier, ils ont remporté la compétition nationale qui regroupait une douzaine d'équipes.

Du cirque au terrain de jeu

Selon le vétéran du groupe, Barry Gates, ce type de hockey est arrivé il y a environ 20 ans en Grande-Bretagne. «Il est plus populaire depuis quelques années», dit l'homme de 44 ans, qui est monocycliste depuis 24 ans.

L'origine du sport remonte au début du siècle dernier. Un court métrage allemand datant de 1925 montre deux monocyclistes lançant une serviette dans un but à l'aide de bâtons. C'est toutefois sur les campus universitaires américains et européens que cette discipline a pris son essor dans les années 60.

Mike Penton, hockeyeur et éditeur d'Uni, un magazine sur sa passion, confirme que le sport est en ébullition. «Les jeunes aventureux attirés vers les sports extrêmes sont de plus en plus séduits par le monocyclisme», dit Mike Penton, le père de Maddy, la seule fille du groupe.

Pour la plupart des joueurs des Lunis, c'est un prétexte pour pratiquer un sport très individuel. «Avant, je le faisais seul chez moi, dit James Burrows, un designer graphique de 28 ans. Je me promenais peu avec car j'attirais beaucoup les regards.»

D'ailleurs, des passants s'arrêtent souvent quelques minutes pour regarder l'étrange ballet des Lunis.

Lors de la visite de La Presse, un badaud prenait des photos. «C'est incroyable à voir, s'exclame Keith Handbury, d'origine australienne. C'est déjà difficile de maîtriser un monocycle!»

Le spectacle est parfois chaotique. Un bâton harponne une roue. Deux joueurs se retrouvent par terre à la suite d'un accrochage. Peu importe, l'atmosphère reste bon enfant.

Antoine Fafard, établi à Londres depuis cinq ans, préfère le hockey sur monocycle à la version classique. «J'aime que ce soit un sport jeune, dit le spécialiste en informatique de 28 ans. Il y a tellement de trucs à apprendre. Je découvre de nouvelles manoeuvres à chaque partie. Le degré de difficulté est très élevé.»

Mis à part l'effet «spectacle», c'est aussi un excellent entraînement, assurent les gars des Lunis. «À la fin d'une heure de jeu, je suis mort», assure James Burrows, qui se tape trois heures de transport chaque semaine pour la partie. À en juger par son grand sourire, le jeu en vaut la chandelle.