À l'occasion des 100 ans du Canadien de Montréal, le Musée des communications et d'histoire de Sutton présentera dès le 10 janvier une exposition retraçant l'époque où l'équipe du Canadien de Montréal utilisait régulièrement le train pour aller jouer des matchs à l'étranger.

Amateur de hockey et membre du conseil d'administration du Musée des communications et d'hisstoire de Sutton, Richard Leclerc a eu l'idée d'organiser une exposition sur le Canadien quand il a appris qu'à l'époque où il y avait six équipes dans la Ligue nationale de hockey, le Tricolore passait par Sutton pour se rendre à Boston.

 

«Le train s'y arrêtait durant une vingtaine de minutes, dit-il. Sutton était une gare frontière et le train en profitait pour faire son plein d'eau. En faisant des recherches, notamment dans les archives du CN et du CP, j'ai trouvé plein de photos des joueurs du Canadien dans le train et dans les gares.»

L'exposition couvre la période 1942-1964. Les amateurs du Canadien pourront découvrir de nombreuses photos, notamment de Maurice Richard, des chandails, des patins, des bâtons et des objets ayant appartenu aux joueurs ou à des collectionneurs.

«Les amateurs pourront voir comment les joueurs passaient leur temps dans le train, dit M. Leclerc. À l'époque, Montréal-Boston durait huit heures et ça prenait 20 heures pour faire Montréal-Chicago. On a plein d'anecdotes de ces moments-là, quand les joueurs quittaient Montréal à 23h après le match du samedi pour se rendre à Chicago.»

Plusieurs des joueurs qui ont fait la renommée de la sainte Flanelle dans les années 40 et 50 ont accepté de raconter ce qu'ils faisaient dans ces trains. Les visiteurs de l'exposition pourront donc les voir et les entendre relater leurs souvenirs. La Presse a ainsi rencontré Elmer Lach (1940-1954), Émile «Butch» Bouchard (1941-1956), Bob Fillion (1943-1950), Gerry Plamondon (1945-1951), Norm Dussault (1947-1951) et Phil Goyette (1956-1963) lors de l'enregistrement de ces confidences au Musée ferroviaire canadien de Saint-Constant.

Visiblement heureux de se retrouver ensemble dans le wagon Le Neuville où ils ont passé tant d'heures, ils ont commencé par signer des photos et des chandails qui se retrouveront à l'exposition. Avec le journaliste La Presse André Trudelle, aujourd'hui retraité, ils n'ont pas tardé à se rappeler de ces moments passés ensemble... il y a souvent plus d'un demi-siècle.

«Après chaque match du samedi, on mangeait dans le train et on dégustait de la bière, dit l'ancien centre Phil Goyette. Les joueurs jouaient au bridge ou aux coeurs. Béliveau lisait. On parlait de nos victoires. On ne jouait pas d'argent car on n'en avait pas beaucoup.»

«Maurice Richard ne jouait pas aux cartes, ajoute l'ex-ailier gauche Gerry Plamondon. Mais il passait derrière les joueurs et indiquait aux autres où était la dame!»

Il y en avait toujours un pour faire des tours aux autres dans les wagons. Le «hot foot», par exemple. Ça consistait à allumer une pochette d'allumettes qu'on avait coincée dans la semelle du soulier d'un joueur pendant qu'il relaxait ou qu'il jouait aux cartes. Murph Chamberlain était un de ceux qui aimait particulièrement faire ce genre de blagues.

«Quand ça commençait à chauffer, le gars faisait un maudit saut puis tapait du pied car ça lui faisait toute une chaleur», raconte Bob Fillion, aujourd'hui âgé de 88 ans.

Elmer Lach a 91 printemps. Il est le plus âgé des anciens Canadiens. Il se rappelle que lorsque la locomotive entrait en gare de Chicago avec du retard, «on enfilait notre équipement dans le train et on allait directement sur la patinoire après avoir pris des taxis».

Des initiations pratiquées sur les recrues étaient aussi organisées à bord des trains. «Je me débattais, se souvient Phil Goyette, mais quand t'avais des colosses comme (Dollard) St-Laurent ou Maurice Richard sur le dos, ce n'était pas facile! Parfois, ils te coupaient les cheveux lors des initiations et ils le faisaient tellement mal que certains prenaient des casques protecteurs le lendemain! Parfois, ils nous rasaient des parties que tu peux imaginer. On passait au cash!»

«Quand un nouveau arrivait, il devait embrasser la médaille, mais en fait, c'était la fesse d'un joueur, et souvent celle d'Erwin «Murph» Chamberlain», ajoute Bob Fillion en riant. Gerry Plamondon dit que les joueurs finissaient à un moment donné par se coucher à la demande de l'entraîneur. Ils se réveillaient pratiquement à leur arrivée à destination.

Parmi les anecdotes racontées pour l'exposition figurent celles de Butch Bouchard. Haïssable à souhait avec ses partenaires, il a enfermé une fois son co-chambreur Cliff Goupille dans un garde-robe! Dans le même hôtel, le Royal York de Toronto, le défenseur renommé pour ses solides mises en échec avait glissé des couteaux et des fourchettes en argent de l'hôtel dans les bagages de Murph Chamberlain et de Phil Watson, évidemment à leur insu.

«Il a ensuite appelé la réception pour leur dire qu'il avait vu des gars se sauver avec l'argenterie, dit en éclatant de rire son fils, Jean Bouchard. Il s'est ensuite placé avec Bob Fillion derrière une colonne et ils regardaient leurs collègues se démener avec la sécurité de l'hôtel!»

«Murph et Phil n'ont jamais su qui avait fait le coup, dit Butch Bouchard, aujourd'hui âgé de 89 ans. Y'a plus de danger pour moi aujourd'hui, ils sont tous les deux morts!»

Butch Bouchard faisait des farces mais il était aussi très aimé et respecté par ses coéquipiers. Le jour de l'enregistrement, quand Butch est arrivé sur une chaise roulante (il s'est blessé à la hanche il y a un an), Norm Dussault s'est penché vers lui et lui a glissé doucement: «En tout cas, Butch, je te remercie pour toutes les fois où tu m'as défendu.»

Un moment après, Norm Dussault a expliqué que quand il se retrouvait à confronter des durs à cuire, comme Bep Guidolin, des Bruins, ou John Mariucci, des Blackhawks, il était bien heureux de pouvoir compter sur la force de Butch Bouchard.

Un jour, le Canadien n'a plus pris le train mais l'avion. «Les premiers à prendre l'avion, ce furent les Bruins dans les années 48-50 car les deux gars de Art Ross étaient des pilotes», dit Gerry Plamondon. Les joueurs n'ont pas regretté ces longues heures à se faire secouer dans les tortillards canadiens, loin d'être des TGV.

Butch Bouchard a raconté que les Glorieux ont même vécu un déraillement qui aurait pu avoir de graves conséquences. «Un jour, on a déraillé en arrivant à Montréal. On était suspendu à 40 pieds dans les airs et en bas, c'était le fleuve! On n'a jamais su ce qui était arrivé. On aurait pu tous y passer. Moi, je suis sorti par un châssis!»

L'exposition consacrée au Canadien de Montréal dans les trains se tiendra du 10 janvier au 29 mars prochains, les samedis et dimanches de 13h à 18h, au Musée des communications et d'histoire de Sutton, 30 A, rue Principale sud à Sutton.