C'est devenu une tradition du temps des Fêtes, au même titre que le défilé du père Noël. En décembre, les joueurs du Canadien de Montréal rendent visite aux enfants malades dans les grands hôpitaux pédiatriques de Montréal. Lors de cette visite, bouleversante pour les joueurs, surviennent, chaque année, quelques histoires magiques. Comme celle de Célina Karma.

Depuis un mois, Célina Karma ne voit pratiquement personne. La fillette de 10 ans vit dans une chambre de l'hôpital Sainte-Justine, en isolement presque total. Après avoir passé à travers une semaine de radiothérapie, elle a subi, il y a un peu plus d'un mois, une greffe de moelle osseuse. L'une des opérations les plus graves pratiquées à Sainte-Justine. Son petit frère de 8 ans a fait le don qui lui a sauvé la vie. Et, alléluia, la greffe a pris. Avant-hier, Célina a su qu'elle était officiellement en rémission.

 

Et hier, Célina a eu une autre belle journée. Pour la première fois depuis un mois, elle a eu la visite d'une personne qui ne travaille pas à l'hôpital et qui ne fait pas partie de sa famille. Elle connaît très bien cette personne. C'est son idole: Saku Koivu. Depuis le matin, elle l'attendait, assise dans son lit, son chandail du Canadien sur le dos, son toutou qui joue au hockey placé près d'elle dans son lit.

Le grand Georges Laraque est d'abord entré dans sa chambre, masque de chirurgien sur la figure, mains désinfectées. Mais Saku se faisait attendre. N'y tenant plus, Célina a osé sortir dans le corridor, un masque sur le visage, son crâne chauve recouvert par une casquette du club.

Et Saku est arrivé. Le sourire de Célina était caché par son masque. Mais on le devinait immense.

«Elle vous suit depuis le début», a dit sa tante, Nouhad Haddad, au joueur de hockey. Koivu a signé le chandail, la casquette, la carte. Mme Haddad a pris une photo de la petite et du joueur, portant tous deux le même chandail.

Contrairement aux autres joueurs, Koivu connaît, dans ses tripes, le combat qu'a dû livrer Célina. En 2002, il a lui-même combattu un cancer. «Ce n'est pas facile pour ces enfants. C'est une bataille très dure, mentalement et physiquement. À travers tout ça, il faut essayer de garder le moral. C'est pourquoi on est ici.»

Saku Koivu et 10 de ses coéquipiers ont visité l'hôpital Sainte-Justine, hier. D'autres joueurs se sont rendus, eux, à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Ces visites aux enfants malades, avant les Fêtes, sont devenues une tradition. Et certains joueurs, jeunes, sans enfants, ressortent bouleversés de cette expérience, dit Sylvie Nadeau, qui travaille pour la Fondation du Canadien pour l'enfance. «Dans l'autobus, après, ils ne disent pas un mot. Ils sont sonnés», raconte-t-elle.

L'an dernier, le jeune Guillaume Latendresse, 21 ans, a eu tout un baptême du feu. Lors du passage des joueurs, une mère et son fils venaient tout juste de recevoir une terrible nouvelle: un diagnostic de cancer. L'enfant était assommé. Il a demandé à voir Guillaume Latendresse. Josée Brosseau, qui travaille à Sainte-Justine, est allée voir le joueur et lui a dit franchement: «Tu as une grosse job à faire.» Latendresse est entré dans la chambre du petit et a fermé la porte. «Devant lui, le petit a débloqué. Il a dit à Guillaume qu'il avait le cancer. Qu'il avait peur.»

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Alors que les joueurs se pressent pour entrer dans l'ascenseur, une mère tend une couche minuscule à l'immense Georges Laraque pour qu'il la signe. Son bébé est aux soins prénataux, elle n'a ni papier, ni crayon. Mais elle veut un autographe. Le joueur obtempère. «Je ne sais pas trop ce que j'ai signé», dit-il dans l'ascenseur. Les autres joueurs éclatent de rire.

Georges Laraque commence à avoir l'habitude de ce genre de visite. À Pittsburgh et à Edmonton, il a visité plusieurs hôpitaux avec ses anciens coéquipiers. Le grand batailleur est donc habile à faire le pitre dans les chambres de ces enfants, qui livrent, eux, un autre genre de bataille.

Une bataille comme celle d'Emrik, 11 semaines. Le bébé est à l'hôpital depuis sa naissance. Son estomac fonctionne mal, son intestin est perforé. À la naissance, il vomissait ses selles. Laraque pose avec le bébé de 11 livres, qui dort, logé dans ses grandes mains. Une bataille comme celle de Sarah, 3 ans. Casquette rose, chandail rose, oreiller de la fée Clochette. Il y a six semaines, on a diagnostiqué un neuroblastome. Une tumeur. «La terre s'est arrêtée de tourner ce jour-là», dit son père Bobby St-Pierre. Quant à la bataille de Laurie-Anne Dupré, elle ne se terminera jamais. La fillette de 10 ans est atteinte de fibrose kystique. À moins d'une percée médicale, elle ne guérira pas.

«J'ai eu beaucoup de chance dans la vie. Pour moi, c'est une façon de redonner un peu», dit Georges Laraque. «Quand on entre dans les chambres, il ne faut pas montrer qu'on est tristes. Ils entendent parler de la maladie à longueur de journée. Nous, on est là pour mettre une autre ambiance», dit le défenseur Francis Bouillon.

Et ambiance, il y a. Il faut voir tout le monde - parents, petits malades, personnel - se presser pour parler aux joueurs. «Faites-nous plus des coups comme ça», dit une infirmière à Bouillon, faisant allusion à la spectaculaire remontée des Thrashers d'Atlanta lors du dernier match. Ses collègues jaugent les joueurs des pieds à la tête, une lueur coquine dans l'oeil.

Comme quoi cette visite ne fait pas que le bonheur des enfants.