Patrick Roy avait levé ses bras au ciel quelques jours plus tôt au Forum et voilà qu'il se retrouvait parachuté dans le vestiaire de l'Avalanche du Colorado.

Mon boss de l'époque, Michel Blanchard, m'avait envoyé couvrir son premier match là-bas.

Roy avait été très ordinaire dans ce match contre les Oilers, perdu 5-3 par l'Avalanche. J'avais été frappé par l'accueil tiède réservé à Roy à son arrivée sur la patinoire.

 

Des applaudissements polis, certes, mais aucune ferveur. Comme s'il s'agissait d'un échange banal. Le contraste était tellement frappant avec la tempête médiatique qui sévissait au même moment à Montréal...

Je me souviendrai surtout de ma visite dans le vestiaire au terme de la rencontre. Le nouveau gardien du Colorado avait le teint d'une blancheur étonnante. Il répondait d'une voix à peine audible aux journalistes. J'étais décontenancé puisque pour la première fois de ma vie, Patrick Roy m'apparaissait vulnérable.

Le gardien au clin d'oeil à Tomas Sandstrom au printemps 1993, ce monstre de confiance, était ébranlé, malgré les bons soins de ses nouveaux coéquipiers Claude Lemieux et Sylvain Lefebvre.

La scène était surréaliste. Patrick Roy dans un autre uniforme, Patrick Roy ébranlé, comme un bien drôle de rêve.

Le lendemain, l'Avalanche a permis aux journalistes de Montréal d'accompagner l'équipe à bord du luxueux avion nolisé qui transportait les joueurs à Ottawa, à la veille d'un match contre les Sénateurs.

J'avais piqué une jasette avec Roy. Il était encore pâle. Il était allé jusqu'à me confier avoir vomi à son arrivée à Denver. Je n'avais pas de misère à le croire. Je lui ai conseillé d'aller faire le vide dans les hauteurs des Rocheuses à son retour au Colorado.

Roy n'a pas été ébranlé très longtemps. Quelques matchs plus tard, il arrêtait les rondelles comme à ses plus beaux jours, et quelques mois plus tard, il soulevait la Coupe avec son nouveau club. Et il allait en remporter une deuxième par la suite.

Est-il allé dans les Rocheuses se ressourcer? Aucune idée. Avec le recul, il m'est d'avis toutefois que Roy n'avait pas besoin des montagnes pour retrouver ses moyens, seulement un match ou deux pour retomber sur ses pattes...

Ainsi sont constitués les grands athlètes.