Au Danemark, 39 sports sont plus pratiqués que le hockey. Le pays ne compte que 22 arénas. Les Danois ont pourtant réussi l'exploit de remporter un match au Mondial junior, le premier de leur histoire. Ils vont maintenant rencontrer le Canada en quarts de finale. Leur entraîneur, Olaf Eller, s'est entretenu avec La Presse l'été dernier à Copenhague.

L'entraîneur-chef d'Équipe Canada junior occupe un poste à temps plein dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Celui des États-Unis est adjoint dans la Ligue américaine. Celui de la Suisse est engagé à temps plein par sa fédération. 

Olaf Eller, lui, vit dans une autre réalité, celle beaucoup moins glamour du hockey danois. Pour venir au Canada participer au Mondial junior, le père de Lars a dû prendre congé de son poste... d'enseignant en banlieue de Copenhague.

« J'enseigne de tout. C'est une école primaire, alors je fais autant des mathématiques que de l'éducation physique, explique Olaf Eller. J'ai déjà pu gagner ma vie avec le hockey à 100 %. Mais la crise économique a tout changé dans le hockey au Danemark. »

Les Danois sont arrivés au pays dans le rôle de négligés. Même l'Allemagne les dépasse au classement mondial. Ils sont au Mondial junior seulement pour la troisième fois de leur histoire. Lors de leurs deux dernières participations au prestigieux tournoi, ils ont fini derniers et ont été relégués en seconde division.

« Notre but est de nous rendre en quarts de finale. Mais de ne pas être relégués serait pas mal aussi ! Ce serait une première », disait Olaf Eller cet été lors d'un entretien à Copenhague, au Danemark.

Le Danemark a finalement réussi. C'est arrivé mardi, quand la troupe d'Olaf Eller a battu la Suisse en prolongation. C'était la première victoire de ce petit pays de hockey au Mondial junior. Le Danemark ne sera donc pas relégué.

L'exploit n'est pas mince. Au hockey, un monde sépare le Danemark des puissances comme le Canada, les États-Unis, la Suède, la Suisse et même la République tchèque. La Fédération danoise de hockey ne compte que 4252 adhérents. C'est moins de 100 fois le nombre de joueurs au Canada. Au Danemark, le hockey est au 40e rang des sports les plus pratiqués, derrière le jiu-jitsu, les quilles et la course d'orientation.

« On a un seul conseiller technique au Danemark qui visite les équipes une fois par année ! Les Suédois en ont 40 et ils visitent les équipes chaque mois, explique Olaf Eller. Ils ont aussi beaucoup plus de camps que nous. En 10 ans, ils ont fait un bond de géant. Ils sortaient souvent en quarts de finale au Mondial junior. Maintenant, ils sont tout le temps en demi-finale, si ce n'est en finale. »

Olaf Eller a reçu La Presse l'été dernier dans un aréna de Brøndby, à l'est de Copenhague. C'est l'un des 22 que compte le pays. Les installations sont sommaires. Aujourd'hui, il entraîne les meilleurs espoirs d'un club de la ligue danoise. Mais les vestiaires sont loin d'être à la hauteur. Ils sont attenants à l'aréna, dans un genre de maison mobile.

La propre carrière d'Eller illustre bien les hauts et les bas du hockey danois. Joueur, il a remporté cinq championnats avec le club de Rødovre. Passé entraîneur, il a remporté un autre titre à la tête de la même équipe. De l'âge de 40 à 50 ans, Eller a réussi à vivre du métier d'entraîneur. Il ne roulait pas sur l'or. Mais il a pu mettre de côté son emploi d'enseignant.

« Tout a changé avec la crise économique. Les équipes sont tombées dans le rouge. En 2006, 2007 et 2008, on avait entre 10 et 12 joueurs étrangers dans chaque équipe de la ligue danoise, se rappelle Eller. Parmi eux il y avait des joueurs avec de l'expérience de la LNH, qui avaient gagné la Coupe Stanley. »

« Puis la crise est arrivée, poursuit-il. Pour assurer la santé financière, ils ont établi une règle pour empêcher plus de huit étrangers par équipe. Plusieurs équipes n'en avaient plus que deux, trois ou quatre. Là, ça recommence tranquillement à monter. »

Sur un plan plus personnel, la crise a obligé Eller à reprendre son poste d'enseignant. À 54 ans, il est aujourd'hui entraîneur-chef de l'équipe nationale des moins de 20 ans, entraîneur de l'équipe espoir d'un club de la ligue danoise et enseignant.

Ce statut semi-professionnel existe aussi pour les joueurs. « Les meilleurs joueurs étrangers sont payés 30 000 et 40 000 euros net au Danemark, raconte Eller. Mais ce sont les meilleurs. Quelques joueurs danois sont joueurs à temps plein, mais la majorité l'est à temps partiel. Ils ont un autre boulot. »

Pas surprenant que l'exil soit l'unique tremplin. Comme son fils Lars, plusieurs Danois partent en Suède vers 16 ans. D'autres, comme son autre fils Mads, choisissent l'Amérique du Nord. « Ça arrive de plus en plus que les Danois partent pour le Canada et les États-Unis. »

Comment faire progresser le hockey au pays ? Olaf Eller attend beaucoup du Championnat du monde de hockey qui aura lieu au Danemark en 2018. Dans la foulée du tournoi, la Fédération veut passer de 22 à 30 arénas au pays d'ici 2020.

« Mais de réussir à ne pas être relégués au Mondial junior serait aussi très bénéfique pour le hockey chez nous », croit Eller.

La sélection danoise peut donc compter sur Mads Eller, le petit frère de Lars, un costaud attaquant qui évolue avec les Oil Kings dans la Ligue de hockey de l'Ouest. Mais l'attaque sera surtout animée par l'as des Mooseheads d'Halifax Nikolaj Ehlers et Oliver Bjorkstrand, un espoir des Blue Jackets de Columbus.

En se qualifiant pour les quarts, Olaf et sa troupe ont réussi une première. Ils vont maintenant rencontrer les favoris en quarts vendredi à Toronto, les Canadiens.

Olaf Eller est réaliste : son pays n'est pas dans la même ligue que les puissances du hockey. Mais l'enseignant-entraîneur est habitué : être négligé, c'est un peu le lot de tous les joueurs de hockey au Danemark. Son fils a prouvé que les sceptiques pouvaient être confondus. Ils seront 22 joueurs danois à vouloir imiter Lars Eller dans les prochains jours.