Joël Bouchard adore voyager pendant des heures avec ses «boys» de l'Armada de Blainville-Boisbriand. Mais ses états de service au niveau junior en font maintenant un candidat de choix pour passer chez les professionnels. Avec l'organisation du Canadien?

L'Armada de Blainville-Boisbriand avait annoncé que Joël Bouchard ne répondrait à aucune question au sujet de son avenir. Qu'il se consacrerait uniquement au bilan de fin de saison de son équipe.

En temps normal, on aurait pu considérer la demande. Cette fois-ci, c'était pas mal plus complexe.

Bouchard s'est révélé un excellent homme de hockey, comme directeur général et comme entraîneur. Il a été deux fois de suite finaliste de la LHJMQ avec l'Armada, où il joue tous les rôles, et a récemment gagné une médaille d'or comme DG d'Équipe Canada junior, avec Dominique Ducharme aux commandes. Pour plusieurs, le Canadien de Montréal ne peut se passer d'un tel talent.

Aussi bien reconnaître l'éléphant dans la pièce: Bouchard a-t-il dirigé son dernier match avec l'Armada?

«On vous a envoyé un tweet, je vais dire pourquoi je ne répondrai pas. Je contrôle l'environnement que je peux et je trouve ça plate. C'est un bilan de l'Armada. Je n'ai pas besoin de visibilité. Je ne fais pas du hockey pour les caméras, je suis passionné. Je le fais pour les bonnes raisons.»

«Parlez-moi de Tobie Paquette-Bisson, Michael Kemp, Émile Samson. Les gars qui ont joué toute l'année et qui perdent de la visibilité. Je ne suis pas cave, je comprends, mais ce serait un manque de respect envers mes joueurs. Je suis dur avec eux, mais je suis transparent. Il n'y a pas de menteries. Si je fais ça aujourd'hui, je me mens à moi-même et je ne suis pas authentique.»

Peu importe la manière de formuler la question, toujours la même réponse ou une déclinaison de celle-ci. Bouchard regrette les mêlées de presse où la troisième question concernait les rumeurs et non ses joueurs. Des gars qui se défoncent pour 35 $ par semaine, rappelle-t-il, qui ont perdu du lustre à travers tout ça.

La défaite a fait mal à Bouchard. Il admet avoir été détruit par son élimination en six matchs contre le Titan d'Acadie-Bathurst en finale de la Coupe du Président. Ce qui n'empêche pas le président, directeur général et entraîneur de prendre plaisir à parler de ses joueurs. «Mes boys» comme il l'a dit, peut-être inconsciemment, comme le ferait un père. On ressentait la fierté, même s'il jure que ça brassait souvent dans le vestiaire.

Bouchard voulait nous parler de Kemp, un joueur de l'ombre, qui a voyagé avec un mélangeur sous le bras, car il était incapable de manger des aliments solides après s'être fracturé la mâchoire. Il voulait parler de son gardien Samson, 5 pi 8 po et 145 lb mouillé, dont il s'est convaincu qu'il était une pièce d'homme.

«En janvier, je me suis dit que je ne le regardais plus. Dans ma tête, il est à 6 pi 3 po et 225 lb. Je le vois comme ça parce qu'il joue comme ça. Mais quand tu le regardes en combine, ta..., a-t-il raconté, créant l'hilarité. C'est la réalité que si tu vas dans un camp et que tu te donnes, il y a des gens qui vont croire en toi. On fait du hockey au mérite.»

Bouchard voulait raconter l'histoire de Drake Batherson, qui n'était pas de la bonne couleur le matin du septième match contre Charlottetown (en demi-finale) tellement il était malade. «Il est arrivé avec un café à la main à 17h, il avait le feu dans les yeux. Dans sa condition, il a été extrêmement bon. Il a gagné mon respect.»

Il avait de bons mots aussi pour Alex Barré-Boulet (Lightning de Tampa Bay), Alexandre Alain (Canadien) et Paquette-Bisson (Sabres de Buffalo), ses joueurs de 20 ans qui ont signé des contrats professionnels en fin de saison. Et qui, malgré les bouleversements, ont maintenu le cap. «Je crois que le logo doit être respecté, mais le nom dans le dos est important aussi. Je veux que mes gars aient du succès dans la vie en général.»

Un rôle avec le Canadien

Reste que Bouchard comprend bien la situation dans laquelle il est plongé. Ses états de service en font un candidat de choix, et bien peu le voient de retour avec l'Armada. On l'imagine tantôt entraîneur-chef du Rocket de Laval, tantôt adjoint à Marc Bergevin.

C'est intéressant de demander au principal intéressé: se voit-il plus comme un entraîneur ou un dirigeant?

«[Je veux] être avec les boys dans l'autobus pendant 10 heures. C'est incroyable, l'autobus. Des fois, pendant un voyage, je me mets en avant et je regarde mes joueurs. Il y en a qui dorment la tête dans l'allée, d'autres qui font leurs devoirs, d'autres qui regardent un film. Je les regarde et je me dis, c'était un bon week-end. Je suis fier des boys. Ce n'était pas parfait, mais je les ai mis au défi. Tu me demandes ma passion? Ça, c'est ma passion. Sur la glace avec l'équipe.»

Bouchard a tout de même reconnu qu'il avait aussi beaucoup de plaisir dans les bureaux, à côtoyer «des gens de qualité». Il s'est d'ailleurs fendu de remerciements pour tous les gens qui l'ont entouré depuis sept ans avec l'Armada, et avant avec le Junior de Montréal, les Pascal Vincent, Dominique Ducharme et compagnie. Sans oublier joueurs, personnel de soutien, partisans et patrons qui lui ont fait confiance. Enfin, il s'est livré à un vibrant plaidoyer sur l'importance du hockey junior, «un rêve accessible», qui «donne des expériences de vie à des jeunes».

Hier, comme il l'a dit lui-même, ce n'était pas le «Joël Bouchard show». À n'en pas douter, ça viendra bien assez vite.

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Joël Bouchard sur...

Alex Barré-Boulet (qui a signé un contrat avec le Lightning)

«Il y a 31 équipes, un joueur. Je ne suis pas dans les réunions du Canadien. Il y a aussi des questions de timing, tu ne peux pas mettre tout le monde sous contrat. Alex, c'est mon jeune. Il se défonce pour moi. Il n'y a aucun gage de succès. Je lui ai dit qu'il avait encore du travail à faire. Le Canadien l'a-t-il échappé? Il y a 31 équipes, c'est compétitif. Les dépisteurs québécois viennent aux matchs, je les vois. Je connais la réalité, et il y a plusieurs choses qui entrent en ligne de compte.»

Alexandre Alain (qui a signé un contrat avec le Canadien)

«Ce n'est pas une signature pour justifier autre chose. C'est une signature intelligente. Ils l'ont amené au camp l'an passé, j'ai parlé à Martin Lapointe. Il a vu une belle progression. Il tombe dans un panier de bons jeunes, travaillants, avec un talent. Comment il va s'ajuster aux professionnels? Je n'ai pas de boule de cristal. Mais quand tu vas finir avec Alexandre, il va avoir tout donné. C'est un jeune extraordinaire qui a fait un travail phénoménal et qui est professionnel dans son approche. Quand tu entres dans la Ligue américaine avec une attitude professionnelle, tu te donnes une chance. Après, c'est lui qui tient le bâton.»

T.J. Melancon (ancien de l'Armada qui a signé un contrat avec le Rocket de Laval)

«Il est arrivé ici à 235 lb. Ça ne faisait pas l'unanimité que je le garde. Il ne représentait pas l'organisation. Il n'avait pas pris ça au sérieux. Je me suis convaincu que c'était un Ontarien qui ne savait pas dans quoi il s'embarquait. C'est sûr qu'à 235 lb, il avançait à 2. Il avait du bon hockey en lui. Il voulait qu'on travaille avec lui. Il a perdu 30 lb et j'ai beaucoup de respect. Il était dans la première équipe d'étoiles de l'ECHL cette saison, il a été rappelé par trois organisations dans la Ligue américaine. Qu'il ait eu un contrat, c'est normal. Est-ce que je peux dire qu'il va être une étoile ? Non, mais il mérite une chance.»

Morgan Adams-Moisan (ancien de l'Armada qui a signé un contrat avec le Rocket)

«Je l'ai senti dans les séries l'an passé. Contre Charlottetown [en demi-finale], je l'ai mis avec Barré-Boulet et il a viré la série de bord. Sans lui, je ne pense pas qu'on passe Charlottetown. De 17 ans à 20 ans, c'est la plus grosse amélioration que j'ai vue d'un joueur junior. Ce contrat-là, c'est lui qui l'a gagné. Gros bonhomme, bonnes mains, bonne vision, sa rapidité s'améliore. C'est lui qui tient le bâton, mais c'est un beau pari.»