Quand on a demandé il y a quelques jours à Dominique Ducharme l'identité qu'il voulait donner à son équipe, l'entraîneur-chef d'Équipe Canada junior (ECJ) n'a pas hésité. «On veut une équipe spéciale», a-t-il dit.

Le projet semblait vague. Il y a des équipes spécialement bonnes, d'autres spécialement mauvaises. On l'a invité à préciser. «On veut des joueurs dominants dans un aspect du jeu, a ajouté le pilote des Voltigeurs de Drummondville. Des joueurs spéciaux.»

L'idée d'une «équipe spéciale» est depuis devenue la devise de l'équipe. Les joueurs répètent le mantra. Ducharme n'en démord pas. Quand il a annoncé mercredi soir dernier la composition de son équipe, il avait encore le mot à la bouche: une équipe «spéciale» pour le Canada.

Ça peut sembler simplet, mais il est vrai que l'an passé en Finlande, l'équipe canadienne n'avait rien de spécial. Elle a perdu deux matchs préparatoires et s'est ramassée contre les favoris en quarts de finale. La Finlande l'a emporté 6-5.

Le défenseur Thomas Chabot expliquait récemment à La Presse à quel point ce match de quarts de finale avait été âprement disputé. «Ç'aurait pu aller d'un côté comme de l'autre», disait Chabot, qui a été nommé hier capitaine adjoint d'Équipe Canada junior avec Mathew Barzal pour épauler Dylan Strome.

Chabot a raison. Mais la vérité, c'est que l'équipe canadienne s'était mise dans le pétrin en perdant contre les États-Unis et la Suède en ronde préliminaire. Cette équipe, qui avait laissé sur le banc Anthony Beauvillier et Julien Gauthier, manquait de mordant.

Alors, Ducharme réussira-t-il son pari cette année? On a pu avoir un premier réel aperçu de ce groupe qu'il veut spécial, hier au Centre Bell. Bien sûr, ECJ avait démoli la République tchèque 8-0 mercredi dernier lors du camp de sélection.

Mais hier, contre les champions en titre, l'exercice était plus révélateur. Face à la Finlande, dans le premier de trois matchs préparatoires, le Canada a été dominant. Sa victoire de 5-0 a rassuré bien du monde. Il fallait d'ailleurs voir les sourires des dirigeants de Hockey Canada après le match.

Vrai, ce n'était qu'une partie préparatoire. Vrai, il est trop tôt pour dire si cette équipe est spéciale, peu importe ce qu'on entend par là. Mais disons que cette formation semblait plus solide que celle qui a fini sixième l'année dernière.

Ç'a pris dix secondes pour voir que Julien Gauthier avait faim de jouer. L'attaquant des Foreurs de Val-d'Or a gagné la première mise au jeu, tiré sur le gardien finlandais qui a accordé un généreux rebond que Tyson Jost a envoyé au fond du filet. Dix secondes s'étaient écoulées et c'était 1-0. En tout, Gauthier a obtenu deux points.

Des airs de 2015

Hier, ECJ avait des airs de 2015. Il y a deux ans, la troupe menée par Benoit Groulx n'avait perdu aucun match durant le tournoi officiel. Niet.

Avec un certain Connor McDavid dans ses rangs, le statut « spécial » de cette équipe était évident. Cette fois-ci, il n'y a aucun surdoué de sa trempe dans l'équipe. Mais ça n'a pas empêché ECJ d'être dominante.

«On est contents de notre match, mais ça ne nous empêche pas de vouloir nous améliorer encore, a dit Dominique Ducharme. On se concentre sur nous. On peut être meilleurs. On a commencé fort, avec une bonne vitesse, de bonnes transitions, mais on s'est essoufflés. C'est important de ne pas essayer d'être parfaits, de lancer au filet, d'être imprévisibles. On va travailler sur ça.»

Dans les filets, un département où ECJ peine habituellement, l'espoir des Flyers Carter Hart a été convaincant. Il a repoussé les 25 tirs finlandais sans flancher et ses déplacements transpiraient la confiance.

Les unités spéciales montrent aussi des signes encourageants. L'année dernière, l'équipe canadienne avait été la moins efficace du tournoi en désavantage numérique, derrière les neuf autres équipes. Hier, la troupe de Ducharme a écoulé six punitions sans accorder de but.

ECJ pourra encore peaufiner son jeu cette semaine: demain à Ottawa contre la République tchèque et vendredi contre la Suisse à Toronto.

Bien sûr, ce n'était hier qu'un match préparatoire. Il faut aussi dire que l'équipe finlandaise a perdu un peu de sa superbe cette année. Patrik Laine, Jesse Puljujarvi et Sebastian Aho, leurs meilleurs marqueurs l'an passé, sont tous occupés dans la LNH. La Finlande avait hier quatre joueurs de 17 ans sur la glace. Le Canada n'en avait aucun!

«Le Canada a très bien joué. C'est certain qu'il y avait la question du décalage horaire, a mentionné l'entraîneur finlandais, Jukka Rautakorpi. On a aussi des joueurs qui ne sont pas habitués à la petite patinoire. Mais je suis certain que ça va se placer. On est capables de jouer contre le Canada.»

Il sera certainement plus révélateur de voir ECJ contre les États-Unis, la Suède et, en lever de rideau le 26 décembre, lors du premier «vrai» match, contre la Russie.

N'empêche, c'est un début comme le souhaitait Ducharme, qui a repris des mains de l'entraîneur Dave Lowry une équipe cruellement en mal de ce petit quelque chose de «spécial». Hier, tout laissait croire que Ducharme était en train d'amener cette équipe exactement là où il la veut.

Ils ont dit

Jérémy Lauzon, qui a malmené les Finlandais à la ligne bleue: «Oui, j'ai joué très physique, mais c'est mon style de jeu et je pense que c'est une des raisons pour lesquelles j'ai ma place dans cette équipe. C'est ma signature. Je ne suis pas un espoir des Bruins pour rien!»

Julien Gauthier, qui a joué hier son premier match à vie au Centre Bell: «Je sens une meilleure chimie que l'an passé dans l'équipe. Tous les gars veulent gagner. Veux, veux pas, c'est sûr que le fait que ce soit à Montréal, ça ajoute de l'intensité.»

Dominique Ducharme, à propos du gardien qui a réussi 25 arrêts hier: «Carter Hart a été excellent. Il ne pouvait pas faire mieux. Il est calme, il est tout le temps à la bonne position. Il amène un sentiment de confiance à toute l'équipe.»

Olli Juolevi, capitaine de la Finlande, à propos de ses quatre coéquipiers de 17 ans: «Si on fait pendant les matchs ce qu'on fait à l'entraînement, on peut tenir tête au Canada. Nous sommes jeunes, c'est vrai. Mais les jeunes qui sont ici avec nous ont du talent. Pour moi, l'âge n'a pas d'importance.»