Nikita Jevpalovs se souvient de l'avion qui traversait l'Atlantique. Il avait 16 ans. Il laissait derrière lui ses parents Vadim et Natasha. Il laissait la Lettonie, Riga et sa vieille cathédrale. Tout ça dans l'espoir de se rendre un jour à la Ligue nationale de hockey.

«Je me souviens que c'était un peu effrayant. Je ne savais pas vraiment où j'allais. J'ai dû devenir un homme un peu plus vite», lance le jeune hockeyeur, aujourd'hui âgé de 20 ans.

Ce départ était le début d'une épopée de cinq ans qui le mènerait de Gravenhurst, en Ontario, avec sa petite équipe junior A, à l'Armada de Blainville-Boisbriand. Cinq années durant lesquelles Nikita Jevpalovs aurait eu cent fois les raisons d'abandonner: quand il n'a pas été repêché dans le junior majeur, quand il a été ignoré deux fois au repêchage de la LNH, quand les choses n'allaient pas bien à ses débuts avec l'Armada. «Il a mangé son pain noir, ça, c'est clair», lance son entraîneur, Joël Bouchard.

Mais l'attaquant n'a pas abandonné. Il est aujourd'hui troisième marqueur de la LHJMQ, avec 83 points en 51 matchs. Il fait partie d'une équipe qui est première au classement et rêve de la Coupe Memorial. Surtout, il vient de signer un contrat professionnel avec les Sharks de San Jose.

«Niki est en pleine progression. C'est ce que j'ai dit aux Sharks: il continue de progresser encore et on ne sait pas où ça va arrêter», prévient Joël Bouchard.

Le pain noir

Jevpalovs est né à Riga d'un père russe et d'une mère lettone russophone. «À la maison, on parle russe, mais je suis letton. Je parle le letton aussi, précise-t-il. Je l'ai appris jeune parce que tout le monde dans mon équipe de hockey le parlait, et aussi parce que c'est notre langue nationale et que j'en suis fier.»

L'amour du hockey dans sa famille vient de son grand-père maternel, qui suivait avec ferveur les exploits de l'Armée rouge. «C'était dans le temps de Valeri Kharlamov», dit-il.

À 2 ans, il a donné ses premiers coups de patin sur un lac gelé. Déjà, il démontrait ce trait de caractère qui le distingue aujourd'hui, selon ceux qui le connaissent: sa gentillesse.

«Je voulais être l'ami de tout le monde. Je parlais à tout le monde. Mais à l'entraînement, quand j'avais 4 ans, un enfant qui me détestait pour aucune raison m'a frappé au visage. Je me souviens que j'étais triste et que je voulais arrêter le hockey.»

À 16 ans, il a parlé à ses parents de l'idée de partir sans eux en Amérique pour tenter sa chance. Il y a eu l'équipe junior A de l'Ontario. Après la saison, aucune formation de la Ligue canadienne de hockey ne l'a repêché. Il est retourné en Lettonie et a joué avec un club junior de Riga.

Mais son nom commençait à circuler. Il a été capitaine de l'équipe U18 lettone au Mondial de 2012. Joël Bouchard et l'Armada l'ont sélectionné au repêchage européen de la Ligue canadienne de hockey. Nikita Jevpalovs a de nouveau fait ses bagages, a de nouveau pris l'avion et s'est retrouvé dans la couronne nord de Montréal à l'automne 2012. Encore une fois, il laissait derrière lui Vadim et Natasha. Ses parents d'accueil s'appelaient maintenant Réal et Nathalie.

À sa première saison, il a récolté 39 points en 60 matchs, après un départ difficile. «On a été patients avec lui, et lui, de son côté, a embarqué dans le rôle qu'on lui a confié, raconte Joël Bouchard. C'est un jeune qui écoute. C'est un jeune qui travaille.»

À sa deuxième année avec l'Armada, il a obtenu 54 points en 60 matchs. En séries éliminatoires, il a marqué deux fois en prolongation contre l'Océanic de Rimouski, ce qui a permis à l'Armada de l'emporter. Et cette année, le nouvel adjoint au capitaine s'approche dangereusement de la marque des 100 points.

Un «bon kid»

Plusieurs équipes de la LNH se sont donc mises à s'intéresser à ce jeune Letton non repêché qui semblait enfin éclore. Les Sharks ont décidé de mettre le grappin dessus il y a trois semaines.

«C'était assez cute de le voir dans la chambre, raconte Joël Bouchard. Il était sous le choc. Il savait que des équipes étaient intéressées, mais il ne savait pas que ça irait vite comme ça.»

Ses cinq années de bourlingue ont fini par rapporter. Dans le vestiaire, il n'était pas question de jalousie. Jevlapovs est aimé de ses coéquipiers. «C'est un optimiste. C'est un gars facile d'approche. Tout le monde l'aime, lance le capitaine, Daniel Walcott. Il se tient avec tout le monde, même avec les francos, même s'il ne parle pas français.»

«C'est un gars jovial, souriant, doux, continue Bouchard. Il est très fin avec ses coéquipiers et il est très, très aimé d'eux autres. Ça, je l'ai dit à San Jose. C'est un bon kid.»

Qui a dit que les bons gars perdaient tout le temps à la fin?