J’ai eu le plaisir de participer à la fête en l’honneur de Guy Lafleur, hier soir au Forum. Avec les Anciens Canadiens, j’ai remis à Guy un équipement de pêche et il a également reçu un laissez-passer pour le salon des Anciens au Forum.

Moi qui suis un mordu de la pêche, j’aimerais bien dire que c’était mon idée, mais je ne savais pas que Guy aimait ce beau sport depuis quelque temps. C’est grâce à Réjean Houle et aux autres Anciens que je l’ai appris et j’espère que Guy profitera pleinement de ce cadeau.

Hier soir, un chapitre de l’histoire du Canadien a pris fin. On croyait bien que la carrière de Lafleur était terminée quand il a pris sa retraite en 1984 et que le Canadien l’a fêté peu après, mais il nous a tous surpris en revenant au jeu quatre ans plus tard.

Je tiens tout de suite à préciser qu’il est vrai que Guy et moi avons tous deux mis fin à notre association d’une manière similaire. Mais quoi qu’en pensent certaines personnes, nous n’avons pas été chassés par le Canadien. Tous les deux, nous avons claqué la porte parce que nous avions un différend avec l’équipe. Guy avait ses raisons, tout comme moi au début des années 60, mais la décision ultime, c’est nous qui l’avons prise, pas l’équipe.

Cela dit, je me souviens qu’à ses dernières années avec le Canadien, j’ai répété à Guy de ne pas tout faire seul sur la patinoire, de faire davantage confiance à ses coéquipiers. S’il avait voulu garder sa position et se laisser aider par ses coéquipiers, il n’aurait pas eu à prendre sa retraite si jeune et il aurait éclipsé bien des records dans la Ligue nationale.

Guy a toujours été en forme. Pendant son absence de quatre ans, il a continué à jouer avec les Anciens. S’il a été capable de revenir au jeu à son âge après quatre ans d’absence, c’est qu’il s’était maintenu en forme.

Je me souviendrai toujours de Guy Lafleur comme d’un joueur qui n’a à peu près pas joué de mauvais match dans sa carrière. Il donnait toujours 100 % de lui-même, même avec les Anciens, et je suis bien placé pour en parler puisque j’ai arbitré quelques-uns de ces matchs.

À la fin de sa carrière avec le Canadien, il fournissait encore un effort maximum, mais il ne se faisait pas aider par ses coéquipiers. Quand il est revenu au jeu avec les Rangers, il jouait du bon hockey, mais il n’était plus le même joueur. Il a quand même amassé pas mal de points pour un gars qui s’était absenté si longtemps et qui ne jouait plus aussi souvent, mais c’est parce qu’il avait enfin compris qu’il était préférable de garder sa position plutôt que de se lancer à gauche et à droite sur la patinoire.

J’ai toujours aimé le jeu de Guy Lafleur, son coup de patin, son sens du spectaculaire et sa détermination. La seule chose que je lui reprochais depuis son retour, c’est de ne pas porter de casque protecteur. Moi, j’avais essayé dans le temps, mais comme personne n’en portait… Mais si j’étais revenu au jeu en 1988, après quatre ans d’absence et à un âge plus avancé, sachant que mes réflexes n’étaient plus les mêmes et que je risquais bien plus de me faire blesser, j’aurais sûrement porté un casque.

Je ne connais pas Guy Lafleur personnellement même si je l’ai rencontré à quelques occasions au fil des ans. Je peux donc difficilement vous parler de l’homme.

Mais je sais fort bien que c’est lui qui m’a succédé dans le cœur des amateurs de hockey de Montréal et du Québec. Et si je ne l’avais pas su, je m’en serais vite rendu compte à la lecture des lettres que lui ont écrites les lecteurs de La Presse.

Je n’ai jamais reçu des lettres d’amour comme ça. J’ai reçu des lettres, bien sûr, mais les gens n’avaient pas la même éducation. C’était un petit mot bien simple ou une demande d’autographe ou de photo-souvenir. Guy doit se sentir gêné de recevoir ces lettres… Ça prouve que la population a bien changé depuis le temps.

J’aurais aimé écrire à Guy quelque chose qui ressemble aux lettres qu’il reçoit, mais je ne suis pas capable de m’exprimer comme ça. Je veux quand même que tu saches, Guy, que si je t’ai déjà reproché d’avoir une grande gueule, j’étais comme toi dans le temps. La différence, c’est que je m’ouvrais la trappe à propos du hockey tandis que toi, tu parlais aussi de ta vie privée, dans ton livre par exemple, et je n’ai jamais été d’accord avec ça.

Mais cette différence entre nous deux, c’est peut-être celle entre quelques générations de Québécois, n’est-ce pas, Guy ?

Propos recueillis par Alain de Repentigny