(Pittsburgh) Il y avait Lafleur. Il y avait Lucien DeBlois. On a parlé de Bergeron. Lucien disait : « C’est extraordinaire l’impact que ça a eu au Québec. Moi, c’est ma belle-mère qui m’a appelé, elle m’a dit : “Croirais-tu, Lucien, que le renvoi de Bergeron, dans les journaux d’ici, c’est quasiment aussi fort que la mort de René Lévesque…” »

Lafleur, lui, racontait que l’autre matin, juste avant de partir pour Pittsburgh, il est allé réveiller Michel chez lui, à Rye. « Il dormait encore. Il était poqué le p’tit ! Oh qu’il prend ça dur ! Remarque que c’est pas drôle non plus, surtout qu’il attendait les séries avec tellement de hâte. Il avait toutes sortes de plans dans la tête… »

— L’équipe est encore très secouée ?

— Un peu… Ça revient petit à petit, mais il reste des ajustements. Pour nous. Pour le coach aussi. Ça fait un bout que Phil n’avait pas fait cette job-là… Si jamais on perd ce soir (c’était avant le second match) ça ne sera pas drôle. Ça ferait quatre défaites en ligne pour Phil…

— Si vous perdez ce soir, ai-je ajouté innocemment, si vous perdez ce soir, il ne vous restera plus qu’à changer une autre fois d’instructeur. Pourquoi pas toi, Guy ? …

Juste à côté, il y avait Normand Rochefort sur ses béquilles, tout à fait d’accord avec ma suggestion. « C’est vrai ça, tu ferais un très bon instructeur, Guy ! »

Lafleur a écrasé sa Du Maurier. Il a croisé les bras et tout bas, sans doute pour que les lecteurs de La Presse n’entendent pas, il a dit :

— Jamais. Vous pouvez vous la fourrer dans le cul, votre job de coach…

C’est pas beau, c’est vrai. Mais ça venait tellement du cœur…

J’ai dit qu’il y avait Lafleur et aussi Lucien DeBlois. C’est finalement avec lui que j’ai parlé le plus longtemps. De Mario Lemieux qu’il ne lâche pas d’une semelle pendant les matchs, de ce qu’ils se disent sur le bord des bandes (quelques mots, quelques sacres, mais tout en français, par exemple), de comment ça va chez les Rangers (couci-couça), de Bergeron encore qu’il aime beaucoup, on a parlé de la vie. Par moments, il freakait : « Tu ne vas pas écrire ça ? »

Je l’écrirais, je le jure, mais je ne m’en souviens plus… J’étais tout au plaisir de la conversation, pour vrai. Plus précisément, tout à la surprise de la conversation. Pour vrai. Dans mon temps, ça ne se passait pas de même. Les joueurs de hockey ne disaient pas grand-chose aux journalistes qu’ils ne connaissaient pas. Oui. Non. Fuck off. C’était à peu près tout…

Dans l’ensemble, ils sont joliment moins tatas aujourd’hui. Pas tous, je sais. Il reste quelques joyeux mongols, mais jamais comme à mes débuts comme journaliste sportif…

Je me souviens de certains soirs dans le vestiaire du Canadien, non seulement on entendait les mouches voler, mais quand les journalistes entraient, on les entendait roter et péter, c’est vous dire si elles volaient bas, les mouches…

J’ai dit qu’il y avait Lafleur, DeBlois. Un peu plus loin dans le couloir, en grande conversation avec Tom Lapointe, il y avait aussi Marcel Dionne. Je me suis excusé de les interrompre :

— Marcel, vous savez qu’on a écrit des horreurs sur vous récemment au Québec ?

Il m’a semblé que Tom blanchissait un peu, mais je ne suis pas sûr. En tout cas, Dionne a pris ça avec philosophie :

— Au Québec, c’est au Québec…

Ce que ça voulait dire ? Je ne suis pas certain, mais t’sais ce que Lafleur disait tantôt à propos de la job de coach ? Je pense que Dionne a le Québec à peu près à la même place…