Une larme, une seule, coulait sur la joue gauche de Phil Mickelson quand il enlaçait fermement sa femme Amy au 18e trou. « On ne s'est pas dit grand-chose. Je ne pleure pas d'habitude, mais ce n'était pas un moment habituel», disait-il après sa victoire. Le visage était rougi, les mots hésitants. Il avait perdu sa superbe.

Le matin même, Mickelson ne savait pas si sa femme aurait l'énergie de venir au Augusta National. Sa thérapie pour vaincre le cancer du sein la clouait au lit. Quand le gaucher grimpait la pente de la toute dernière allée, il n'avait pas encore de ses nouvelles. «C'est seulement en marquant ma balle que je l'ai aperçue.»

Quelques secondes plus tard, il calait son roulé, signait une impeccable carte de 67 et gagnait son troisième Tournoi des Maîtres. En enfilant son veston vert de taille 44, il semblait plus ému que content. «Je ne sais pas comment décrire cela. De la jubilation, peut être.»

Mickelson parlait constamment au «nous». C'est ainsi qu'il a vécu sa semaine. Pour la première fois en 11 mois, sa famille l'accompagnait sur la route. Sa femme et ses trois filles l'ont rejoint mardi dans leur maison louée à Augusta.

La veille de sa ronde finale, il ne s'isolait pas pour se concentrer. Sa fille aînée s'était blessée en patins à roulettes. À 22h, il l'amenait chez un médecin pour des rayons X. De retour à la maison, ils ont regardé un film jusqu'à une heure du matin. Le lendemain, quelques heures avant une des rondes les plus importantes de sa vie, il jouait aux échecs avec sa fille Sophia. «C'est ce qu'on fait toujours, ça nous amuse.»

Sangsue d'adrénaline

«En conduisant dimanche matin sur Magnolia Lane, j'étais détendu. Je le suis toujours au Augusta National. C'est un parcours qui me relaxe. Je sais que je n'ai pas besoin d'y être parfait, je peux faire des erreurs et m'en tirer.» Ça se remarquait au premier tertre. Pendant que le meneur Lee Westwood fixait le sol, l'air songeur, Mickelson riait des gags de son cadet. Son début de ronde était anormalement stable. Sept normales consécutives.

Au 8e, il accusait un coup de retard sur Westwood. Pendant ce temps, les cris résonnaient des quatre coins du parcours. Des cris d'oiselets et des cris d'aigle, qui confirmaient les charges menées par K. J. Choi, Fred Couples, Tiger Woods et Anthony Kim. «En approchant du vert, je me suis retourné vers Lee et je lui ai dit: donnons-leur une raison de crier. Faisons-en nous aussi, des oiselets.» Mission réussie au 8e. Puis, après des coups erratiques au 9e, 10e et 11e, il sauvait la normale. Au 12e, son roulé de 20 pieds se faufilait ensuite lentement jusqu'à la coupe. «C'était ce que j'attendais. J'ai senti que ce pourrait être ma semaine.» Les fans aussi le sentaient. Deux trous en avant, on entendait leurs cris. Comme une sangsue, Mickelson suçait l'énergie de la foule. L'adrénaline montait, et son golf s'élevait. Le gaucher jouait avec instinct, avec une confiance presque sauvage. C'était la stratégie du alea jacta est.

Au 13e, 207 verges et deux arbres le séparaient du trou. Sa cible: une petite fenêtre entre les arbres, large de quatre pieds. Il s'est élancé sans retenue avec un fer 6. «Que je remette la balle en jeu ou que je vise le vert, ça ne changeait rien. Il fallait que je passe entre les arbres. Alors le plan était simple. Me faire confiance et m'élancer.»