Lundi soir, une brise chassait du Augusta National un nuage jaune de pollen, laissant sa mince couche salissante sur les voitures du stationnement voisin. Au même moment, une autre tempête quittait lentement les lieux. Une tempête qui salissait une seule personne, un certain fauve repenti.

Étrange retour à la normale. Après la frénésie entourant Tiger, la salle de conférence était plutôt vide le lendemain pour David Duval. Le désintérêt semblait partagé. Après quelques questions sur sa léthargie pourtant terminée, un collègue essayait de mettre des mots dans sa bouche. Il s'agissait de son bonheur de retourner à Augusta.

 

Il faudra se réhabituer à parler de golf. Hier, c'était la dernière journée officielle d'entraînement avant la compétition amicale de normale 3, aujourd'hui, et le début du tournoi, demain.

Tiger en avait particulièrement besoin. Après cinq mois d'absence, il s'avoue rouillé. «C'est un peu épeurant», a-t-il confié, lundi, en souriant.

Pourtant, les preneurs aux livres de Las Vegas l'estiment favori, à 5-1. Justifié? Difficile à dire. Après deux rondes, on ne peut vraiment évaluer son jeu. Bien sûr, il y a eu quelques coups de départ tirés à gauche. Quelques transitions rapides aussi au sommet de son élan. Mais il s'agit seulement de rondes d'entraînement. Elles ne sont jamais concluantes.

Déployer l'arsenal

En arrivant au 15e vert, Tiger enlève ses lunettes fumées et lève deux doigts en l'air. Son cadet Steve Williams lui lance les balles demandées. Il recule de quelques verges, saisit son cocheur et déploie son arsenal. Coup lobé qui s'écrase sur le gazon comme une patate bouillie. Coup au ras-le-sol qui se faufile à l'anglaise jusqu'au milieu du vert. Coup d'approche qui rebondit deux fois avant de s'arrêter. Ou sa variante, la balle qui freine avant de glisser lentement vers la coupe. Les fans applaudissent, encore plus bruyamment que la veille.

À chaque trou, il recommence l'exercice. C'est la même chose pour les autres pros, que ce soit Camilo Villegas, Sean O'Hair ou Geoff Ogilvy. Personne ne calcule son pointage, ni même ne complète ses trous. Arrivé au vert, chacun plante son té à une position de trou anticipée puis examine comment l'attaquer. Au troisième trou, Tiger a calé une approche. Au 14e aussi. Quelques autres étaient plutôt à ranger dans la filière oubli de sa mémoire. Cela semblait l'indifférer. Il ne prenait même pas le temps de faire sa routine. Le but, c'était de retrouver sa touche, et aussi d'étudier le parcours. Car on ne finit jamais vraiment d'apprivoiser le National, à cause de ses subtils caprices et de ses fréquents changements.

Après 17 Tournois des Maîtres, Phil Mickelson apprend encore. «Le gazon est un peu plus long dans l'allée, a observé le gaucher, entre deux questions sur Tiger Woods. Cela facilite les coups de fer. C'est la même chose autour des verts. La marge d'erreur augmente pour les approches. Mais tout cela pourrait changer jeudi (demain) matin. On verra bien.»