Hier après-midi, Phil Mickelson a annoncé qu'il retirait de son sac son Ping Eye 2 de 64 degrés. Un bâton qui commençait à nuire à sa réputation. Histoire d'une mini-tempête autour d'un règlement que le gaucher juge «stupide».

Le mot le plus tabou du golf a ressurgi la semaine dernière au tournoi de Torrey Pines. Phil Mickelson, John Daly et une poignée d'autres pros ont-ils triché en utilisant un cocheur Ping Eye 2?

Oui, a prétendu le vétéran Scott McCarron en entrevue au San Francisco Chronicle.

La PGA assure le contraire. Vrai, concède le circuit, les cocheurs Ping conçus avant 1990 ne sont pas techniquement conformes au nouveau règlement sur les rainures (grooves). Mais ils demeurent légaux, en vertu d'une clause de droit acquis liant Ping, la PGA et la United States Golf Association (USGA). Mickelson peut donc continuer à les utiliser dans les tournois sanctionnés par la USGA (ce qui exclut entre autres l'Omnium britannique).

Mais il ne le fera pas. À la suite de la controverse, Mickelson a annoncé hier qu'il enlevait le bâton de son sac. Il souhaite toutefois que d'autres joueurs continuent à jouer avec des Ping Eye 2 pour attirer l'attention sur le nouveau règlement, qu'il qualifie de «stupide».

Origine du règlement

Depuis quelques années, la USGA craint que la technologie dénature le golf. La précision des coups de départ importe de moins en moins, déplore-t-elle. Il suffit de catapulter la balle. Si elle aboutit dans l'herbe longue, le pro sera moins pénalisé qu'auparavant grâce aux rainures en U, qui accentuent l'effet rétro.

Voilà pourquoi depuis 2010, la USGA interdit aux pros les rainures en U. Les fers doivent avoir des rainures en V. Mais le règlement et l'esprit du règlement sont deux choses différentes. Il existe une échappatoire que Mickelson et quelques joueurs exploitent.

Cette échappatoire résulte d'un conflit légal qui date des années 80. Karsten Solheim, patron du manufacturier Ping, concevait alors les fers Ping Eye 2 avec un type particulier de rainures en U, profondes et carrées.

On résume rapidement l'histoire: la USGA et la PGA les ont interdits. Ping les a poursuivis et le différend s'est réglé hors cour en 1993. Selon l'entente, les Ping Eye 2 fabriqués avant 1990 seront permis, mais les rainures des nouveaux fers de Ping devront se conformer au règlement. Ce règlement permet les rainures en U, mais pas la forme particulière des Eye 2.

Dans les années suivantes, de nouvelles technologies ont permis aux différents fabricants de concevoir des rainures qui sont à la fois légales et plus performantes que celles des vieux Ping (jusqu'à 60%, dit la PGA).

Depuis quelques années, les pros avaient donc abandonné les Ping Eye 2. Mais les choses ont changé en 2010. Ils doivent maintenant utiliser des fers aux rainures en V. Toutefois, en vertu de la clause de droit acquis, les fers Ping Eye 2 sont épargnés par le règlement. La USGA n'a pas le droit de les interdire. Et selon Tim Finchem, le commissaire de la PGA, les Ping Eye 2 génèrent 10% de plus d'effet rétro que les nouveaux fers avec rainures en V.

Une question délicate

Est-ce honnête de les utiliser? La question est délicate. Les commentaires de McCarron ont été très mal reçus. Il a dû émettre un communiqué officiel, dans lequel il a maintenu qu'utiliser les Ping Eye 2 revenait à tricher, tout en se défendant d'avoir traité Mickelson de tricheur.

Mais le gaucher n'était pas le seul. John Daly, Hunter Mahan et quelques autres joueurs ont ajouté des Ping Eye 2 à leur sac. D'après Golf Digest, Padraig Harrington songe aussi à en utiliser un aujourd'hui à l'Omnium Northern Trust.

Certains souhaitent que Ping prenne elle-même l'initiative de demander l'interdiction de ses vieux fers. Car après tout, Ping n'a pas d'argent à perdre (elle ne vend plus ces modèles depuis 20 ans - on peut seulement les acheter sur le marché usagé, par exemple sur eBay). Mais Ping maintient sa position.

Le comité des joueurs pourrait aussi demander aux pros de ne plus les utiliser, selon un système d'honneur. Mais à en juger par la mini-tempête actuelle, c'est mal parti.