Suivre l'Omnium britannique les matins d'un beau week-end de juillet est une véritable tradition pour des millions d'amateurs de golf. C'est toujours l'occasion de redécouvrir certains des parcours les plus magiques du monde, de s'étonner des conditions de jeu inhabituelles, de s'émerveiller des exploits des grands joueurs du moment.

«Ici, tout est différent, a expliqué Tiger Woods, hier, en conférence de presse. J'ai découvert les links britanniques en 1995, à 19 ans, et c'était à St.Andrews. Sur ces parcours, on n'a souvent aucune idée du bâton qu'on va utiliser avant d'arriver à notre balle et d'analyser toutes les options qui s'offrent à nous.

«Aux États-Unis, il faut toujours frapper haut et espérer que la balle s'arrête rapidement près du trou. Ici, on peut inventer tous les coups. Moi, j'adore ce golf.»

Et Tiger n'est pas le seul.

Le British Open, simplement nommé «The Open» en Grande-Bretagne, est pour plusieurs le plus important des quatre tournois majeurs. Quoi qu'en pensent les Américains, c'est assurément celui dont l'histoire est la plus riche. Qu'on pense seulement que le parcours de St.Andrews a présenté l'Omnium pour la première fois en 1873.

Curieusement, le club de Turnberry, sur la côte ouest de l'Écosse, n'accueille cette année l'Omnium que pour la troisième fois. Chacun de ses champions a toutefois marqué l'histoire du tournoi.

En 1994, Nick Price a réussi un incroyable aigle au 17e trou et profité des déboires de Jesper Parnevik au dernier trou pour signer une victoire dramatique. En 1986, l'année où il était en tête après la troisième ronde des quatre grands tournois, Greg Norman a remporté son seul titre majeur de la saison à Turnberry en écrasant ses rivaux par cinq coups dans des conditions souvent extrêmes.

C'est toutefois en 1977 que Jack Nicklaus et Tom Watson ont signé la plus belle page de l'histoire du club. Alors âgé de 37 ans, Nicklaus était encore au sommet de son art (il a d'ailleurs remporté son troisième et dernier Open l'année suivante). Déjà vainqueur en Grande-Bretagne en 1975, Watson s'y bâtissait l'un des plus beaux palmarès de tous les temps.

À égalité en tête après deux rondes identiques de 68 et 70, les deux golfeurs allaient jouer ensemble samedi et dimanche. La première journée, ils ramenaient encore des cartes identiques de 65, s'échangeant la tête toute la journée, sans faire de maître. Le lendemain, Nicklaus prenait d'abord les devants, mais Watson créait l'égalité au 15e trou en calant un long coup roulé de 50 pieds, en apparence impossible. Il prenait ensuite la tête grâce à un oiselet au 17e et on croyait l'affaire conclue quand, au 18e trou, Nicklaus, forcé de jouer de l'herbe longue, échouait à plus de 40 pieds du trou alors que son rival plaçait son coup d'approche à trois pieds du fanion.

«Je me souviens que mon cadet m'a dit: il va caler son coup, prépare-toi», a rappelé Watson, cette semaine, en conférence de presse. «Il l'a effectivement calé, mais j'ai su rester assez calme pour réussir mon coup et me sauver avec le trophée.»

En sortant du vert, Nicklaus a serré la main de Watson, pris son bras de l'autre main, en lui disant: «Je n'aurais pu mieux jouer. J'ai donné tout ce que j'avais et tu as quand même gagné. Alors mes félicitations, tu le mérites vraiment.»

Watson a reconnu n'avoir jamais été aussi touché de l'hommage d'un rival après un tournoi. À 59 ans, l'Américain est à Turnberry cette semaine et rêve encore d'un sixième titre qui lui permettrait de rejoindre le légendaire Harry Vardon en tête du palmarès de l'Open. Il rappelle souvent depuis quelques jours la performance de Greg Norman l'an dernier à Royal Birkdale, qui a failli remporter le tournoi à 53 ans.

Personne ne misera beaucoup sur lui, c'est certain, ni sur Norman d'ailleurs, mais si l'histoire est encore au rendez-vous, Turnberry nous offrira dimanche un champion dont on se souviendra longtemps.