«Is that the McIlroy kid?», me demande une sexagénaire dubitative? Bien oui. Désolé.

Au milieu de la 10e allée, le petit point blanc grossit avec chaque pas, comme un navire qui se rapproche de l'horizon. La démarche ne laisse pas de doute. Elle annonce la venue d'une curiosité d'outre-mer.

Aucun joueur ne déambule comme l'Irlandais du Nord de 19 ans. Il rebondit à chaque pas, ses épaules et ses hanches qui se dandinent sans trop de raison. Ses cheveux débordent de chaque côté de sa casquette. Sur son visage, des taches de rousseur et les vestiges de son acné d'adolescent.

Maximum 5'9 et 160 livres. Peu photogénique. Fils unique d'une famille ouvrière d'Holywood. Pas Hollywood. Holywood, une modeste banlieue de Belfast dont le parcours limite la taille des verts pour épargner en coûts d'entretien. C'est «ça», le phénomène Rory McIlroy. Un joueur qui n'était pas conçu pour trôner en manchette du Sports Illustrated, mais qui y apparaît quand même.

Après Tiger et Mickelson, l'Irlandais du Nord est celui qui attire le plus d'attention, cette année, au Augusta National. Seulement 19 ans, et déjà une coqueluche. Déjà une menace aussi.

Deux autres adolescents s'élanceront aussi aujourd'hui sur le premier tertre: Ryo Ishikawa (17 ans) et Danny Lee (18 ans). Mais le premier, un Japonais, a reçu une invitation spéciale. Le second, un Néo-Zélandais, a mérité une exemption en gagnant le Championnat amateur des États-Unis. Seul McIlroy s'est qualifié comme un grand - par son rang mondial, 17e.

Son ascension a été fulgurante. En 2007, il se classait premier amateur au monde. Passage rapide chez les pros au milieu de l'été. Puis, en 2009, cinq top 5 en huit tournois sur le circuit européen, incluant une victoire au prestigieux tournoi de Dubaï. Et des top 20 dans tous ses tournois aux États-Unis.

Ses statistiques? Meilleure moyenne de pointage du circuit européen en 2009. Aussi parmi le top 10 en distance, en verts en coups réglementaires et en coups roulés. Pas mal du tout.

Dans mon temps...

À quelques heures de son baptême au Tournoi des Maîtres, McIlroy continue d'apprendre. Hier, il a joué une dernière ronde d'entraînement avec Kenny Perry, un vétéran de 48 ans qui aurait pu être son père.

«Tu vois à droite? Avant, il n'y avait pas d'arbres. Je pouvais viser là pour avoir un meilleur angle», l'entendait-on raconter à McIlroy au 11e trou. La conversation est interrompue par une voix polie mais insistante.

«Rory! Rory!» Comme un habitué, il s'approche, sourit, signe un autographe et se laisse photographier avec des fans qui pourraient être ses compagnons de classe, avant de reprendre nonchalamment la marche de 300 verges qui le mènera à sa balle.

Son élan ressemble à sa démarche. Sans hésitation, et sans le souci maniaque du technicien. Deux précieuses qualités. Un exemple parmi tant d'autres: le jeunot s'installe sur le tertre du 12e. Il plante son tee, fait un waggle et s'élance. La balle grimpe dans le ciel comme une flèche tirée vers le fanion. Elle atterrit à 10 pieds de la cible, pourtant une des plus sournoises, à l'extrémité droite du vert. Encore une fois, pas mal du tout.

Le nouveau «nouveau Tiger»

McIlroy n'est pas le premier qu'on sacre «prochain rival de Tiger». La liste est longue. Adam Scott, Aaron Baddeley, Anthony Kim, Camilo Villegas, Sergio Garcia... Personne ne s'est encore montré à la hauteur. Mais McIlroy est le plus sérieux prétendant depuis Garcia. Et, pour l'instant, tout est bien parti. L'Irlandais du Nord est moins flamboyant que l'Espagnol, ce qui devrait l'aider. Et comme plusieurs autres vedettes, il peut compter sur la machine d'International Management Group. La vie est simple. Un avion l'a amené à Augusta. Une voiture l'attendait à l'atterrissage. Elle l'a conduit à une maison où l'ont accueilli ses parents et sa blonde...

Le lendemain, il a découvert un terrain familier. Ses cassettes du Tournoi des Maîtres, il les a usées et usées. «Je peux décrire chaque coup de la ronde finale de Tiger en 1997», a-t-il avoué en point de presse en refrénant un sourire. Il sait aussi que le numéro 1 mondial a déjà avalé «neuf ou 10» tacos avant un match universitaire. L'émulation mène loin, sans doute.