Trois éléments ont fait jaser lors du dernier Tournoi des Maîtres, il y a un mois : la météo, la performance des joueurs du circuit LIV Golf et la lenteur de Patrick Cantlay. À l’amorce du Championnat de la PGA, seul le dernier point semble encore être d’actualité.

97. C’est le nombre de minutes qu’ont attendu Jon Rahm et Brooks Koepka lors de la dernière ronde du premier tournoi majeur de la saison. Devant eux, le duo composé de Patrick Cantlay et de Viktor Hovland.

Cantlay a toujours été reconnu pour prendre son temps. Toutefois, cette manière de jouer a pris une ampleur démesurée sur le parcours de l’Augusta National. Même son partenaire a parfois eu l’initiative de jouer sans l’attendre, tellement la cadence était au ralenti.

Sa préparation et sa manière de piétiner le vert avant d’effectuer ses roulés, notamment, étaient pénibles à regarder.

« Le groupe devant nous était brutalement lent. Jon a eu le temps d’aller aux toilettes environ sept fois pendant la ronde, et on attendait encore », a lancé Koepka au terme du tournoi. L’Américain a critiqué ouvertement le rythme de certains joueurs au cours des dernières années.

En revanche, d’après Cantlay, « après avoir terminé le premier trou, l’autre groupe était encore sur le tertre de départ du deuxième trou. Nous avons attendu pas mal toute la journée ».

« J’étais sur place, a affirmé Yohann Benson, professionnel de golf, cadet et analyste au Réseau des sports. Cantlay prend beaucoup de blâmes. Son groupe a aussi beaucoup attendu sur le groupe d’en avant. »

C’est sûr que c’est un gars qui prend son temps, mais qui attend souvent aussi.

Yohann Benson, professionnel de golf, cadet et analyste au Réseau des sports

Le quatrième joueur mondial sera jumelé à Ricky Fowler et à Phil Mickelson pour les deux premières rondes du Championnat de la PGA. Comme il connaît du succès, il y a peu de chances d’assister à un quelconque changement de sa part.

« Cantlay gagne super bien sa vie en prenant son temps, en étant sûr que tous ses points de référence sont cochés. Et tant et aussi longtemps que personne ne mettra la main dans ses poches en imposant des amendes, lui, il s’en fout », poursuit Benson.

L’Américain est parmi les favoris pour l’emporter et il a terminé cinq fois parmi les dix premiers à ses huit derniers tournois. « Pourquoi il se dépêcherait ? », lance Benson.

Les règlements

La Charte de temps de jeu du PGA Tour compile toutes les règles concernant la cadence à laquelle doivent jouer les golfeurs lors des tournois organisés par le circuit.

Par exemple, un groupe de quatre joueurs doit compléter le parcours en 4 h 21 min. Un trio, en 4 h 3 min. Sinon, un joueur ne doit pas prendre plus de 40 secondes pour jouer un coup. Toutefois, la manière dont est rédigé le document laisse énormément de place à interprétation.

La toute première règle de la Charte indique que « le joueur doit jouer sans retard injustifié. Entre la fin d’un trou et le prochain tertre de départ, le joueur ne doit pas retarder indûment le jeu ».

La subjectivité de cette charte pose un problème, selon Jean-Sébastien Légaré, professionnel de golf et analyste au Réseau des sports. Notamment parce que ces règlements sont trop généraux et inadaptés à la nature de chacun des terrains.

« La Charte du temps de jeu doit s’adapter aux parcours. Ce n’est pas chaque trou numéro 1 qui peut prendre 13 ou 14 minutes. C’est difficile d’établir sur le PGA Tour la même charte pour une saison au complet, mais c’est ce qu’ils font. »

L’émergence des réseaux sociaux

Après les critiques à son égard au Tournoi des Maîtres, Cantlay n’a rien changé à son rituel. Au contraire, il a même accentué sa préparation, mais cette fois avant de frapper son coup de départ. Une vidéo de lui se dandinant au-dessus de sa balle pendant d’interminables secondes est devenue virale dans les dernières semaines.

« Quand tu ne suis pas le golf et que tu vois ça sur ton fil d’actualité, c’est facile de se faire une opinion sans avoir le portrait global. Cantlay a été mis de l’avant par les réseaux sociaux, donc il a une cible dans le dos. Mais est-ce que c’est le seul ? Non », précise Légaré.

Dans ses belles années, Tiger Woods était lui aussi un apôtre de la lenteur. Son analyse des verts avant de finalement frapper sa balle était presque exagérée. Pourtant, peu de gens le lui reprochaient.

« C’est impossible de comparer avec les anciennes époques, explique Légaré. Si Cantlay jouait à la mesure de Tiger, s’il gagnait autant, est-ce qu’on en parlerait autant ? Il ne fait pas l’unanimité comme Rory [McIlroy] ou [Jordan] Spieth, et Spieth, parfois, ça lui prend autant de temps que Cantlay. »

La solution

Il est difficile de déterminer une solution idéale pour punir les joueurs trop lents. D’une part, parce que selon Benson, « ce n’est pas vraiment un enjeu ; sur le circuit, aucun joueur n’en parle ». D’autre part, « il y a tellement d’éléments que ça devient difficile de coincer un joueur », indique Légaré.

Selon la Charte, un joueur peut recevoir quatre avertissements avant d’être disqualifié pour avoir trop tardé à jouer. Le premier est un simple avertissement. Au deuxième, un joueur perd un coup. Au troisième, il en perd deux.

Cependant, les avertissements sont rarissimes sur le circuit de la PGA. « Sur un parcours de golf, il y aurait moyen de surveiller tout le monde, mais on ne le fait pas », déplore Légaré. Selon lui, « chaque club de golf devrait avoir sa charte, parce qu’entre chaque terrain, même ici au Québec, selon la longueur des trous ou la marche entre les tertres de départ et le vert, c’est complètement différent ».

Finalement, selon Benson, il n’y a qu’une seule manière de résumer tout ce bourbier : « Tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas de pénalité sévère pour le jeu lent, il n’y aura pas de changement. Les joueurs continueront de prendre leur temps si ça les avantage. »

Qui sortira le grand jeu ?

Le Championnat de la PGA n’a peut-être pas la notoriété des autres tournois majeurs, même si son trophée, le Wanamaker, est l’un des plus sublimes du sport professionnel. Le tournoi nous a habitués à des conclusions spectaculaires au cours des dernières années. Voici cinq candidats ayant le potentiel de réécrire l’histoire à leur façon.

Brooks Koepka

PHOTO AMY KONTRAS, ARCHIVES LIV GOLF/ASSOCIATED PRESS

Brooks Koepka

On pensait presque que sa carrière était terminée lorsqu’il a migré vers le circuit LIV Golf. Or, en santé, Koepka est toujours l’un des meilleurs joueurs au monde. Sa démonstration au plus récent Tournoi des Maîtres a été convaincante, comme sa frappe de balle. Pour la première fois depuis des lunes, il ressemblait de nouveau à un quadruple champion de tournois majeurs. L’Américain a gagné le Championnat de la PGA à deux reprises en 2018 et 2019. À l’époque, il était inébranlable. Sa victoire sur le Black Course du Bethpage State Park est encore à ce jour l’une des plus impressionnantes des dernières années. Son jeu désormais rétabli, il a gagné un tournoi à Orlando en plus d’avoir pris le deuxième rang à l’Augusta National il y a quelques semaines. Il a du rythme et il pourrait bien réussir son tour du chapeau.

Matthew Fitzpatrick

PHOTO JIM DEDMON, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Matthew Fitzpatrick

Plutôt discret depuis son titre à l’Omnium des États-Unis l’été dernier, Matthew Fitzpatrick a enfin décroché une victoire, en avril, à la Classique RBC Heritage. Toujours accroché au sein du top 10 mondial, l’Anglais a le privilège de faire partie des immortels du monde du golf, puisqu’il sera à jamais considéré comme un champion en tournoi majeur. Il a donc la capacité de briller dans les grands moments. Le parcours d’Oak Hill épousera son jeu à merveille. En pleine possession de ses moyens sur de courtes distances, le joueur de 28 ans pourra limiter les dégâts, surtout dans les fosses de sable. Elles sont nombreuses autour des verts sur ce parcours, mais ça ne devrait pas embêter Fitzpatrick outre mesure. Souvenez-vous de son approche à partir de la fosse au 18e à Brookline l’an passé pour s’assurer du titre.

Jon Rahm

PHOTO ERIC GAY, ASSOCIATED PRESS

Jon Rahm

Il est au sommet du classement mondial. Il est le champion en titre du Tournoi des Maîtres. Il a remporté quatre tournois depuis le début de la saison. Jon Rahm est l’homme à battre. On sait d’ores et déjà que les verts du parcours new-yorkais donneront du fil à retordre aux golfeurs. Comme ils sont fermes et rapides, il faudra exceller avec le fer droit en main pour espérer soulever le trophée dimanche après-midi. Actuellement, il n’y a aucune faille dans le jeu de l’Espagnol, de loin le meilleur sur le circuit lorsqu’il est en position de jouer sous la normale. Il domine tous ses opposants pour le nombre d’aigles, le nombre d’oiselets et le pointage moyen. L’histoire tend à montrer que les vainqueurs du Championnat de la PGA sont souvent en plein cœur d’une bonne séquence. Cette tendance pourrait certainement avantager Rahm, en quête de son troisième titre majeur.

Justin Thomas

PHOTO JIM DEDMON, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Justin Thomas

C’est une saison frustrante pour Justin Thomas, remplie de hauts et de bas. L’Américain est incapable d’imposer son rythme et de jouer régulièrement à la hauteur de son talent. La frustration et la déception étaient perceptibles sur son visage lorsqu’il a raté la coupure au dernier Tournoi des Maîtres. Toutefois, lorsqu’il s’est présenté à Tulsa l’année dernière, il était aussi en période de remise en question. Finalement, il a comblé un retard de sept coups lors de la troisième ronde pour remporter le Championnat de la PGA en prolongation. Thomas, l’un des plus beaux talents purs au monde, pourra profiter de sa force de frappe sur le parcours de 7390 verges d’Oak Hill. Il est aussi parmi les cinq meilleurs du circuit cette saison pour son jeu autour des verts. Il restera à enfiler l’aiguille une fois sur la tarte. Thomas l’avait également emporté en 2017 au Quail Hallow Club.

Tony Finau

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Tony Finau

Tony Finau est toujours en quête de son premier titre majeur. Ce triomphe potentiel serait extrêmement populaire dans le monde du golf. Joueur apprécié par les joueurs et les amateurs, Finau est souvent perçu comme le gentil garçon, sympathique et drolatique, mais dépourvu de la force de caractère nécessaire pour s’élever dans les moments de tension. C’est pourtant nécessaire, au moins quatre fois par année. Le joueur de 33 ans joue bien cette saison avec deux titres et une seule coupure ratée en 14 tournois. Il a enlevé les grands honneurs il y a quelques semaines au Mexique avec un impressionnant pointage cumulatif de -24, trois coups devant Rahm. Sa tenue face au meilleur joueur du monde pourrait faire changer d’avis ses détracteurs. Le climat et la structure du parcours ne seront pas à l’avantage de Finau, mais il est de plus en plus polyvalent. Il devra continuer d’exceller avec ses coups d’approche.