Les joueurs du PGA Tour devront partager les allées de l’Augusta National avec ceux du circuit LIV Golf lors du prochain Tournoi des Maîtres.

Le président du club, Fred S. Ridley, en a fait l’annonce mardi. La décision est loin de faire l’unanimité, mais elle est légale et concorde avec les traditions du parcours.

« Depuis sa création en 1934, la mission du Tournoi des Maîtres a été d’aider le monde du golf », a écrit Ridley dans une lettre rendue publique au moment d’envoyer les invitations officielles en vue du tournoi.

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Fred S. Ridley, président du club Augusta National

Dans cette lettre, le président du club met l’accent sur l’histoire, la tradition et l’unité. Sans nommer explicitement le circuit saoudien, il a admis trouver le contexte « regrettable ». Selon lui, « les récentes décisions qui ont divisé le monde du golf professionnel masculin ont affecté les vertus du sport et l’héritage significatif de ceux qui l’ont construit ».

Même s’il est « déçu des plus récents développements » ayant bousculé le monde du golf dans la dernière année, le but du tournoi et du club demeure de « s’affairer à honorer la tradition voulant qu’on réunisse les meilleurs golfeurs sur le même parcours », a rappelé Ridley.

Ainsi, tous les joueurs remplissant les critères d’admissibilité pourront s’élancer sur le tertre de départ du premier tournoi majeur de la saison en avril. Parmi eux, six anciens vainqueurs du veston vert ayant grossi les rangs du circuit LIV pourront être de la partie.

Dans les règles

Si le Tournoi des Maîtres peut décider d’inviter les joueurs de tous les circuits, c’est parce qu’il est libre de faire ce qu’il veut.

Ses organisateurs ne doivent rien à la PGA, car l’Augusta National est un club privé. Lui seul est habilité à décider qui peut fouler ses allées historiques. En somme, le club prête son terrain à la PGA. Il fait partie du calendrier du circuit, mais il n’appartient pas au circuit.

L’Augusta National travaille uniquement pour les joueurs et pour le golf, a voulu résumer Ridley dans sa lettre.

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Phil Mickelson, l’une des vedettes ayant déserté le PGA Tour pour le circuit LIV

Cette décision prise par le club dans les règles de l’art est à la fois de bon et de mauvais augure pour le circuit LIV. D’une part, ça permettra à ses joueurs de se faire voir. Le circuit peine à attirer et séduire les télédiffuseurs et les commanditaires et à les convaincre de s’associer à lui. Pouvoir disputer le plus prestigieux tournoi au monde est une occasion en or.

En revanche, si les critères de sélection demeurent inchangés, il deviendra de plus en plus difficile pour les golfeurs du LIV de se qualifier pour le tournoi. Leurs résultats ne sont pas comptabilisés pour le classement mondial et l’un des critères de participation donnant accès au tournoi est de faire partie du top 50. Les joueurs du LIV glisseront donc automatiquement avec le temps.

Retour vers le futur

Même s’il a affirmé ressentir un certain malaise face à la mésentente entre les deux circuits, Ridley n’a jamais condamné pour autant le circuit saoudien. Il invite même ses athlètes à jouer sur son terrain.

Le malaise entourant le circuit LIV est toujours palpable dans la communauté du golf. Sur le plan sportif, il a complètement réinventé et bousculé la façon d’organiser des tournois en déviant de la tradition. Toutefois, ce sont davantage ses fondations et ses origines qui dérangent.

Le circuit est géré et financé par le Fonds d’investissement public de l’Arabie saoudite, bras financier de l’État saoudien. Un régime bafouant les droits de la personne, selon l’analyse de divers organismes internationaux. Les droits des femmes, les droits des travailleurs et les droits des migrants. La liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de réunion pacifique. Le droit à la santé, le droit au respect de la vie privée et le droit de se défendre devant une cour de justice.

À vrai dire, le Tournoi des Maîtres et l’Augusta National n’ont jamais été des précurseurs dans l’avancement des droits civiques et sociaux et des libertés individuelles. Longtemps après sa fondation, le club a continué d’entretenir une vision archaïque de la société, dépeinte notamment par plusieurs journaux pendant le XXe siècle.

Le club a interdit l’accès au terrain à des joueurs noirs jusqu’en 1975. Il a obligé les joueurs à faire porter leur sac par des cadets, tous noirs, jusqu’en 1983. Et c’est seulement en 1990 que l’Augusta National a donné le statut de membre à un premier joueur noir.

C’est 22 ans plus tard, en 2012, qu’une première femme est à son tour devenue membre. Il n’y a pas eu de tournoi féminin officiel sur ce terrain de la Géorgie avant 2019.

Ainsi, donner accès à Magnolia Lane à des joueurs financés par un régime comme celui sévissant en Arabie saoudite s’inscrit en quelque sorte dans la tradition peu reluisante du club à cet égard.