(Bedminster) « Irrespectueux », « blessant » : pour Brett Eagleson, la tenue, à quelques kilomètres du lieu où des terroristes ont tué son père le 11 septembre 2001, d’un tournoi de golf soutenu financièrement par l’Arabie saoudite dans le club privé de l’ex-président Donald Trump, est un affront.

« C’est extrêmement irrespectueux, blessant et douloureux », a expliqué M. Eagleson, venu manifester vendredi avec d’autres proches de victimes et des survivants des attentats du World Trade Center devant le Trump National Golf Club de Bedminster, dans le New Jersey, qui accueille une compétition du circuit dissident LIV Golf pendant trois jours.

Brett Eagleson, qui avait 15 ans lorsque son père est mort sous les gravats des tours jumelles le 11-Septembre, est à la tête d’une association de familles de victimes, baptisée 9/11 Justice, tenant l’Arabie saoudite pour complice des attentats.

Quinze des 19 pirates de l’air étaient des ressortissants saoudiens, en plus du chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, qui a orchestré les attaques. Une note du FBI diffusée l’année dernière a en outre laissé entendre une potentielle implication du gouvernement saoudien, même si Riyad nie en bloc ces accusations.

Un autre évènement du LIV se déroulera dans un club de Donald Trump – à Doral, en Floride, du 27 au 30 octobre – alors que l’ancien président avait lui-même estimé lors de la campagne présidentielle de 2016, sans preuve, que l’Arabie saoudite était en partie responsable des attentats.

Maintenant, « il fait le choix d’accueillir le royaume sur son terrain, à un jet de pierre de l’endroit où 750 personnes ont été tuées », s’exclame M. Eagleson en référence au nombre d’habitants du New Jersey décédés dans les attaques du 11-Septembre.

« C’est complètement rageant », poursuit-il.

En partie financé par le fonds d’investissement public saoudien et dirigé par l’ex-N. 1 mondial Greg Norman, le circuit LIV Golf essaie d’attirer les grands noms du golf à coup de contrats juteux pouvant atteindre plusieurs centaines de millions de dollars.

Plusieurs associations de défense des droits humains ont critiqué le nouveau circuit, qui n’existe selon eux que pour redorer le blason international de l’Arabie saoudite, une manœuvre connue sous le nom de « sportswashing ».

Passionné de golf, Donald Trump s’est révélé un fervent défenseur du LIV, exhortant les joueurs à « prendre l’argent », et a signé avec le circuit.

Le républicain a lui-même joué jeudi à Bedminster lors d’un format mêlant professionnels et amateurs, aux côtés de deux champions recrutés par LIV, Bryson DeChambeau et Dustin Johnson.

L’argent avant la morale

Pour Brett Eagleson, l’engagement de Donald Trump envers le LIV va lui coûter politiquement, au moment où le milliardaire de 76 ans flirte ouvertement avec l’idée de se représenter en 2024.

« Certains de nos plus grands militants vis-à-vis du 11-Septembre sont issus de familles de pompiers et de policiers de New York. Et ils ont été parmi les plus grands partisans de Trump. Eh bien, c’est terminé », a lancé l’homme de 36 ans.

Les organisateurs du tournoi LIV ont déjà présenté aux familles de victimes du 11-Septembre « leurs sincères condoléances ».

Mais pour Tim Frolich, rescapé des attentats, le tournoi a rouvert d’anciennes blessures.

« J’ai eu du mal à dormir hier soir, à cause de la colère », détaille le quinquagénaire tandis que des photos de victimes sont brandies par leurs proches, qui arborent des tee-shirts « N’oublions jamais ».

Le père de M. Eagleson, Bruce, était à une réunion au 17e étage de la tour sud quand les terroristes ont fait s’écraser le vol 175 sur le gratte-ciel. Il avait 53 ans.

Bruce Eagleson était un grand fan de golf et son joueur préféré était Phil Mickelson, parmi les premières stars de la profession à avoir accepté de rejoindre le circuit LIV.

« Je ne sais pas comment il arrive à se regarder dans la glace », fustige Brett Eagleson. « Il a littéralement choisi de placer l’argent au-dessus de tout sens moral. »

D’autres manifestations sont prévues pour les prochains évènements du circuit LIV à Boston, Chicago et Miami.  

« Nous sommes là pour rester », prévient M. Eagleson.