Mine de rien, la PGA l’a échappé belle. Il s’en est en effet fallu de peu pour que le Championnat de la PGA offre une belle tribune… à Donald Trump.

Le tournoi devait initialement être disputé sur le parcours du Club Trump National à Bedminster, au New Jersey, propriété de l’ancien président des États-unis depuis 2002. La PGA a toutefois annoncé en janvier 2021, quelques jours après l’assaut du Capitole par des sympathisants du candidat défait à l’élection de 2020, que le championnat serait plutôt disputé au réputé club Southern Hills.

« C’est devenu évident que l’organisation du Championnat de 2022 au Trump Bedminster serait nuisible à l’image de la PGA des États-Unis », avait alors déclaré le président de l’organisation, Jim Richerson.

La semaine dernière, le directeur général de la PGA, Seth Waugh, a tenté d’expliquer la décision : « Tout le monde veut en faire une décision politique, mais nous avons été entraînés dans l’arène politique bien malgré nous. Nous estimions que le maintien du tournoi à Bedminster aurait été perçu comme une décision politique et que l’image de notre organisation aurait été ternie à jamais. »

Dans la même veine, le Royal and Ancient de St Andrews (R & A), qui gère le golf en Grande-Bretagne, a indiqué qu’aucun Omnium britannique ne serait disputé au club Turnberry dans un avenir proche. Le célèbre parcours Ailsa a accueilli quatre omniums, mais aucun depuis 2009. Trump en a fait l’acquisition en 2014, un an avant la présentation de l’Omnium britannique féminin de 2015, un évènement où sa présence avait causé tout un émoi.

Dans un communiqué, le directeur du R & A, Martin Slumbers, a expliqué : « Nous ne retournerons [à Turnberry] que lorsque nous aurons l’assurance que toute l’attention sera accordée au tournoi, aux joueurs et au parcours lui-même, et nous ne croyons pas que ce soit possible dans les circonstances actuelles. »

À l’exception de quelques gazouillis dans les réseaux sociaux, Donald Trump lui-même ne s’est pas impliqué dans le débat, déléguant plutôt son fils Eric, vice-président de Trump Organization.

Dans un communiqué, la direction du club Bedminster a d’abord dénoncé ce qu’elle estimait être une rupture de contrat et ce n’est qu’à la fin de 2021 qu’une entente a été conclue, la PGA s’engageant à verser une somme estimée à entre 10 et 20 millions.

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Le Club Trump National à Bedminster, au New Jersey, propriété de Donald Trump

Une façon d’acheter la paix… et de préserver des liens très lucratifs entre les deux organisations. Annoncée en 2014, la tenue du Championnat de 2022 à Bedminster n’était qu’un des nombreux volets du partenariat entre la PGA et Trump Organization.

En commentant le règlement de leur différend en décembre dernier, Eric Trump a souligné : « Nous sommes heureux de continuer d’appuyer la mission de la PGA et de ses professionnels, qui sont les meilleurs dans l’industrie du golf. »

Un « amour sincère » du golf

Au-delà des affaires et des relations publiques, les alliés de Trump – et ils sont nombreux dans le milieu du golf – n’ont pas manqué de regretter le déplacement du Championnat.

Parmi les joueurs actifs, Tiger Woods, Brooks Koepka, Roy McIlroy, Bryson DeChambeau, Hideki Matsuyama, Justin Thomas ou Dustin Johnson ont tous joué au moins une ronde avec Trump, et le premier a même reçu la Medal of Freedom des mains du président en 2019. La plupart sont restés prudents dans leurs commentaires, mais d’autres ont été plus véhéments.

Plusieurs anciens joueurs sont aussi des partenaires de jeu habituels de Trump, le plus célèbre d’entre eux étant sûrement Jack Nicklaus.

Vainqueur de 18 tournois majeurs, Nicklaus n’a jamais caché sa préférence pour le Parti républicain et il a même pris position publiquement en faveur de Trump lors de la dernière campagne présidentielle, en 2020, un geste rarissime dans la carrière du golfeur qui lui a valu bien des critiques.

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Jack Nicklaus

Commentant la décision de la PGA, le champion a dénoncé ce qu’il considère comme la culture du bannissement : « J’aime bien Seth Waugh et je pense qu’il fait du bon travail, mais ce changement de terrain relève de la culture du bannissement, a déclaré Nicklaus au site Fire Pit Collective.

« Donald Trump est peut-être bien des choses, mais son amour du golf est sincère et il aime son pays. Il aime étudier le sport, son histoire et est un formidable ambassadeur du golf. Ce qu’il apportera à l’avenir de notre sport va dépendre de ce que cette culture du bannissement va le laisser faire. »

Aujourd’hui âgé de 82 ans, Nicklaus a déjà déclaré : « Il [Trump] aime encore plus le golf que l’argent. » La réalité est toutefois que Trump rentabilise très bien son intérêt pour le golf.

En 2016, au moment de son élection, Trump possédait pas moins de 17 parcours, dont 2 en Écosse et 1 en Irlande. Bedminster a été le premier club qu’il a acquis, en 2002, pour moins de 35 millions. Toujours en construction, le premier parcours a été ouvert en 2004 et le club compte aujourd’hui 36 trous.

À 60 km de Manhattan, c’est le club préféré de Trump, qui en avait fait une « annexe » de la Maison-Blanche pendant sa présidence. C’est aussi là que sa fille Ivanka s’est mariée, là aussi qu’il a fait aménager un mausolée pour sa famille et où il souhaite être enterré.

Trump n’avait encore que quatre clubs de golf en 2007, mais il a profité de la crise financière de la fin de cette décennie pour multiplier les acquisitions au rabais. Et l’homme d’affaires applique apparemment les mêmes recettes dans la gestion de ces clubs que dans toutes ses activités.

À Bedminster, l’utilisation d’une partie des terrains pour l’agriculture permet au club de ne payer qu’une fraction des impôts habituellement exigés aux clubs de golf.

Malgré ces passe-droits, les 17 clubs de Trump ont officiellement accumulé des pertes de 315 millions depuis qu’il en a fait l’acquisition…

En 2016, pendant la campagne électorale, Trump avait déclaré qu’il n’aurait pas le temps de jouer au golf s’il était élu président. Vous devinez la suite.

De Dwight Eisenhower à Barack Obama, de nombreux présidents américains ont montré un intérêt pour le golf, mais Trump les a tous surpassés. Le site trumpgolfcount.com a comptabilisé pas moins de 298 visites à des clubs de golf et un minimum de 150 rondes jouées pendant sa présidence, des estimations partagées par la plupart des sources d’information.

Et Trump a effectué la grande majorité de ces visites sur ses propres terrains, n’hésitant pas chaque fois à facturer le prix fort pour ses déplacements. Les sites spécialisés estiment ainsi à plus de 140 millions le coût, pour les contribuables américains, des activités golfiques de leur président entre 2017 et 2020.

« Un amour sincère » ? Peut-être, mais aussi et surtout très payant.

Un bon joueur, Donald Trump ?

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Donald Trump

Donald Trump se vante apparemment d’être un excellent golfeur et il a remporté plusieurs fois le championnat de son club de Bedminster chez les séniors. Selon le site de la PGA, l’ancien président a une excellente marge d’erreur de 2,8, mais elle n’a pas été mise à jour depuis 2009. Et contrairement à ses affirmations, Trump n’a jamais joué une ronde de moins de 70. Plusieurs de ceux qui ont pu jouer avec lui au cours des dernières années lui reconnaissent néanmoins un talent certain, sur et autour des verts entre autres. Ils déplorent toutefois aussi un penchant certain pour la tricherie, au moment de compter ses coups, notamment…