Tiger Woods a enfilé la manche gauche. Puis la droite. Il a roulé les épaules et ajusté le revers du veston vert remis au champion du Tournoi des Maîtres.

« It fits ! »

Deux petits mots – lancés timidement – qui en cachaient mille autres. Notamment le doute. L’incertitude. Le soulagement. La rédemption. Le bonheur. Mais surtout, le retour. Peut-être le plus grand de l’histoire du sport.

Son dernier titre à Augusta remontait à 2005. Le pape Jean-Paul II venait de mourir. Facebook était réservé aux collégiens. Carey Price n’appartenait pas encore au Canadien. À l’époque, Tiger Woods avait 29 ans. Il recevait son quatrième veston vert. Tout le monde croyait qu’il allait en ajouter une demi-douzaine.

Dans les années qui suivent, il gagne d’autres tournois majeurs. Mais pas celui des Maîtres. À partir de 2008, les victoires font place aux blessures. En 2009, le soir de l’Action de grâce, sa carrière bascule. Sa femme découvre son infidélité. Une vingtaine de maîtresses révèlent ses relations extraconjugales. Il met le golf de côté pour quelques mois. À son retour, ses fans et la plupart de ses commanditaires l’abandonnent. 

Puis les blessures se multiplient. Le genou, le ligament croisé, le tendon d’Achille, le cou. Au Tournoi des Maîtres de 2015, il cogne son bâton contre une racine d’arbre. L’os de son poignet se déboîte. Il le replace, le temps de finir sa ronde. Son dos le fait souffrir. Il subit quatre opérations. Les médicaments antidouleur sont devenus une nécessité. Des pilules plus fortes que des Advil. En 2017, il se fait d’ailleurs arrêter pour conduite sous l’influence de médicaments.

C’est de là que Tiger Woods revient. D’un gouffre duquel il est plus difficile de sortir que d’une fosse de sable.

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En regardant Tiger Woods sur le vert du 18e trou, hier, je me demandais quelle place dans l’histoire occuperait son parcours. Est-ce le plus grand retour, tous sports confondus ?

D’autres grands athlètes ont réussi des retours spectaculaires. 

– Kim Clijsters, 26 ans, 2009. Elle gagne les Internationaux des États-Unis après un congé sabbatique de deux ans et la naissance de son enfant.

– Mario Lemieux, 35 ans, 2001. Trois ans après avoir pris sa retraite, il revient en force : 229 points en 170 matchs. À sa première saison, il est finaliste au trophée Hart même s’il ne dispute que la moitié des parties.

– Michael Jordan, 32 ans, 1995. Il revient au basketball après un essai infructueux de 18 mois au baseball. Bonne décision : il remporte trois championnats de suite et deux titres de joueur le plus utile.

– Muhammad Ali, 28 ans, 1970. Son refus de se joindre à l’armée américaine le prive de son titre de champion du monde des poids lourds. Pendant plus de trois ans, il est interdit de combat aux États-Unis. Il retrouvera sa ceinture en 1974 lors d’un combat légendaire contre George Foreman, au Zaïre.

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Muhammad Ali et George Foreman en octobre 1974

– Lance Armstrong, 26 ans, 1998. Un cancer l’écarte de la compétition pendant presque deux ans. À son retour, il gagne le Tour de France sept fois de suite. Une prouesse ternie par le dopage.

– Ben Hogan, 36 ans, 1949. À la suite d’un grave accident de la route, en février 1949, les médecins pensent qu’il ne marchera plus. Jouer au golf ? Encore moins. Contre toute attente, il revient sur les verts à la fin de l’année. Il ajoutera cinq titres majeurs à sa fiche.

– George Foreman, 38 ans, 1988. Médaillé d’or aux Jeux olympiques de Mexico, il mène une brillante carrière chez les pros avant de tout quitter, à 28 ans, pour la religion. Il remonte dans le ring une décennie plus tard et devient champion du monde des poids lourds à 45 ans. 

– Monica Seles, 21 ans, 1995. Elle retourne sur le terrain deux ans après avoir été poignardée au dos par un spectateur. Quelques mois plus tard, elle gagne les Internationaux de tennis d’Australie.

Toutes des performances exceptionnelles. L’histoire de George Foreman est la plus comparable à celle de Tiger Woods. Les deux ont réussi leur retour à un âge avancé pour un athlète – Woods a 43 ans. Les deux ont aussi gagné plus de 10 ans après avoir atteint leur dernier sommet.

Ma préférence reste toutefois envers Tiger Woods. Contrairement à la plupart des sportifs mentionnés précédemment, le golfeur américain n’est pas dans sa meilleure forme physique. Encore cette fin de semaine, on l’a vu avaler des comprimés sur le terrain avant de s’élancer. On devine la douleur qui l’afflige. On a mal pour lui. Avec lui.

Ça en fait un héros humain. Avec un beau veston vert pour masquer des blessures qui cicatrisent enfin.