L’Omnium britannique est disputé depuis 1860, mais ce ne sera que la deuxième fois cette année qu’il sera joué hors de la Grande-Bretagne. Le club Royal Portrush, en Irlande du Nord, qui a déjà accueilli l’Omnium en 1951, proposera un test exigeant aux meilleurs golfeurs du monde et c’est un enfant du pays, Rory McIlroy, qui sera le grand favori.

McIlroy a rendez-vous avec l’histoire

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Rory McIlroy est le grand favori du 148e Omnium britannique.

Le retour de l’Omnium britannique en Irlande du Nord est une grosse affaire là-bas et aucun joueur n’y est plus sensible que Rory McIlroy. Avec ses compatriotes Darren Clarke et Graeme McDowell, le Nord-Irlandais travaille depuis des années à la venue du tournoi au club Royal Portrush, le plus célèbre de la région, et il est le grand favori du 148e Omnium.

Beaucoup de pression, donc, pour le joueur de 30 ans, mais McIlroy a montré par le passé qu’il pouvait se surpasser sur les allées du Dunluce Links, le très accidenté parcours où est disputé le tournoi. Il y a joué des dizaines de fois quand il était jeune et c’est là qu’il a signé son premier exploit, en 2005, quand il n’avait que 16 ans.

Encore un adolescent assez frêle, McIlroy avait réussi une ronde de 61 pendant l’Omnium amateur d’Irlande du Nord. Jouant sans aucune appréhension malgré tous les pièges du parcours, il avait retranché 11 coups à la normale, pulvérisant le record du parcours. Plutôt froissés, les dirigeants du club ont décidé de modifier leur vieux parcours et plus personne n’a pu approcher sa marque.

Mais McIlroy reconnaît néanmoins encore le terrain de son enfance et il espère retrouver l’audace de son adolescence. « J’étais très sûr de moi en 2005, un peu effronté (cocky) même », a-t-il rappelé en point de presse, la semaine dernière, à l’Omnium d’Écosse. J’aimerais retrouver un peu de cette attitude et je crois que Royal Portrush est l’endroit tout indiqué pour le faire.

« Bien sûr, les gradins et les tours de télévision sont érigés et le décor est déjà fantastique, mais c’est toujours le même parcours de golf. Je n’y ai pas joué beaucoup au cours des dernières années et je me demandais un peu : "Dois-je vraiment me familiariser encore avec cet endroit ? De combien de temps aurais-je besoin ?"

Mais quand je suis arrivé sur le premier tertre, mes repères sont vite revenus à ma mémoire. Au deuxième tertre, je savais que je devais viser la maison brune… Je me sentais comme si j’étais encore sur le vieux parcours où j’ai appris à jouer et c’était vraiment une bonne sensation.

Rory McIlroy

Ce sera toutefois la première fois que McIlroy y jouera un Omnium. « Je sais, mais c’est vraiment LE parcours où j’ai grandi, là où j’ai joué toute ma vie. Et j’ai toujours terminé parmi les cinq premiers depuis cinq ans dans ce tournoi. »

Le Dunluce Links présente quand même un visage un peu nouveau cette année. Pour l’Omnium, deux nouveaux trous ont été créés, les 7e et 8e, et ils remplacent les habituels 17e et 18e, jugés trop faciles et dont le dessin était peu adapté aux imposantes installations de l’Omnium. Le trou le plus exigeant reste le 16e, une normale 3 de 230 verges, surnommé affectueusement Calamity Corner.

Deux autres Nord-Irlandais seront aussi parmi les favoris de la foule. Darren Clarke, champion de l’Omnium en 2011, est membre au club Royal Portrush. Capitaine de l’équipe européenne de Coupe Ryder en 2016, il a profité de sa tribune pour faire la promotion du club et a été l’un des acteurs clés du retour du tournoi en Irlande du Nord.

Graeme McDowell, champion de l’Omnium des États-Unis en 2010, est né à Portrush. Ralenti par des blessures, il ne s’est qualifié qu’à la dernière minute pour l’Omnium.

Un champion audacieux

Le club Royal Portrush a officiellement été réintégré à la rotation des parcours accueillant l’Omnium britannique et il devrait recevoir le tournoi encore deux fois d’ici 2040. Plus question d’attendre 68 ans, comme les amateurs les plus âgés ont dû le faire depuis la première présentation du tournoi en Irlande du Nord, en 1951.

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L’Anglais Max Faulkner a remporté l’Omnium britannique au club Royal Portrush, en 1951. On le voit ici, en 1960.

C’est l’Anglais Max Faulkner qui a remporté l’Omnium cette année-là. Un personnage coloré, à l’image de ses tenues, jugées criardes à l’époque. La légende veut qu’il ait été un brin prétentieux aussi. Certains racontent même qu’il signait déjà des autographes avec la mention « Champion de l’Omnium 1951 » après les deux premières rondes.

Selon le site du R&A, il semble plutôt que Faulkner ait ajouté ladite mention après la troisième ronde, alors qu’il avait un avantage de six coups, à la demande d’un garçon dont le père avait dit : « Vous allez gagner, n’est-ce pas ? »

Le lendemain, Faulkner a bien failli s’en mordre les doigts quand l’Argentin Antonio Cerda est revenu à seulement deux coups de lui…

Les Américains et l’Omnium : une relation compliquée

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L’Américain Tom Watson a remporté l’Omnium britannique à cinq reprises (1975, 1977, 1980, 1982 et 1983). On le voit ici à St. Andrews en 2015 lors de sa dernière présence à l’Omnium.

Pas moins de 29 Américains ont remporté un total de 44 titres à l’Omnium britannique, mais le déplacement en Grande-Bretagne reste compliqué pour les joueurs des États-Unis. Habitués à être choyés et à jouer sur des parcours manucurés sur le circuit de la PGA, ils doivent alors composer avec une autre version du golf, et tous ne sont pas armés pour le faire.

Cette relation d’amour-haine est d’ailleurs une vieille « affaire ». Si certains joueurs – Bobby Jones, Arnold Palmer ou Tom Watson, par exemple – ont su adapter leur jeu aux links britanniques et sont devenus immensément populaires là-bas, d’autres ne sont venus disputer l’Omnium qu’à reculons.

Ben Hogan n’a fait le voyage qu’une fois, en 1953, devenant le premier joueur à remporter le Tournoi des Maîtres, l’Omnium des États-Unis et l’Omnium britannique la même année. Victime d’un grave accident de la route en 1949, il n’a pris part qu’à un nombre décroissant de tournois par la suite et n’est jamais retourné jouer en Grande-Bretagne.

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En 2000, Sam Snead est revenu à St. Andrews pour la dernière fois, à 87 ans, devenant le plus vieil ex-champion à prendre part à l’Omnium britannique à titre honorifique.

Sam Snead a connu une très longue carrière, mais il n’a participé à l’Omnium que cinq fois. Après une première participation en 1937 à Carnoustie, il est revenu en 1946, à St. Andrews pour la première présentation du tournoi après la Seconde Guerre mondiale. En découvrant le vénérable parcours écossais, il a vite froissé ses hôtes en déclarant que cela avait l’air d’un « vieux champ d’élevage abandonné » !

Il a toutefois remporté le tournoi et, avec les années, son opinion a évolué. En 2000, il est revenu à St. Andrews pour la dernière fois, à 87 ans, devenant le plus vieil ex-champion à prendre part au tournoi à titre honorifique. Les Écossais, pas rancuniers, lui ont fait un véritable triomphe.

Aimés du public

C’est d’ailleurs typique des spectateurs britanniques, qui ont toujours réservé un accueil très chaleureux aux meilleurs joueurs américains. Un mélange de fair-play et d’américanophilie.

Ce sera encore le cas cette année et on peut même penser qu’à défaut de saluer la victoire d’un Nord-Irlandais, le public de Portrush préférerait sans doute applaudir un Américain.

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Le numéro un mondial, Brooks Koepka, est un des favoris pour remporter le tournoi.

Et ils sont nombreux à prétendre au titre, à commencer, bien sûr, par le numéro un mondial, Brooks Koepka, qui compte trois victoires et deux deuxièmes places dans les six derniers tournois majeurs disputés. Le faux pas, si l’on peut dire, est toutefois survenu à l’Omnium de 2018, quand Koepka s’est contenté de la 39e place.

De retour au 5e rang mondial, Tiger Woods compte trois victoires à l’Omnium, mais la dernière remonte à 2006, à l’époque où il pouvait encore dominer un parcours en faisant fi de ses difficultés. Ce n’est plus vraiment le cas et le joueur de 43 ans devra puiser dans son bagage d’expérience.

Dustin Johnson, Xander Schauffele, Matt Kuchar, Patrick Cantlay ou Bryson DeChambeau sont tous parmi les joueurs en forme du moment et devraient bien faire sur le Dunluce Links, mais il ne faudrait pas oublier Jordan Spieth. Le joueur de 25 ans a chuté au classement mondial (37e), mais il a souvent bien fait à l’Omnium avec un titre en 2017.

Et il faut aussi compter avec toute une liste de joueurs américains moins célèbres. Le palmarès du tournoi compte en effet plusieurs champions méconnus, Todd Hamilton ou Ben Curtis par exemple, qui ont remporté l’Omnium à la surprise générale et n’ont plus jamais retrouvé un tel niveau par la suite.

La faveur des parieurs

Derrière le favori local Rory McIlroy, ce sont trois Américains qui ont la faveur des parieurs, alors que trois autres sont aussi parmi les 10 premiers. Voici les cotes : 

Rory McIlroy (Irlande du Nord) 8-1 Brooks Koepka (É.-U.) 10-1 Dustin Johnson (É.-U.) 12-1 Tiger Woods (É.-U.) 16-1 Jon Rahm (Espagne) 16-1 Justin Rose (Angleterre) 20-1 Francesco Molinari (Italie) 20-1 Xander Schauffele (É.-U.) 20-1 Patrick Cantlay (É.-U.) 25-1 Tommy Fleetwood (Angleterre) 25-1 Rickie Fowler (É.-U.) 25-1

Des favoris de partout !

L’Omnium britannique se targue d’être le plus international des tournois majeurs et son système de qualification permet à des joueurs de tous les continents d’avoir leur chance. Certains en profitent pour se mettre en évidence, comme le Français Jean Van de Velde, qui avait failli gagner en 1999, ou le jeune Chinois Hoatong Li, troisième en 2017. Des représentants de 15 nations ont remporté l’Omnium et on retrouve des joueurs de plusieurs pays parmi les favoris. En voici quelques-uns. — Michel Marois, La Presse

Jon Rahm

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Jon Rahm

Espagne 24 ans, 8e mondial

Il vient de remporter un deuxième titre en trois ans à l’Omnium d’Irlande (deuxième l’année dernière) et aime prétendre qu’il se sent parfois davantage chez lui dans ce coin du monde qu’en Espagne ! Troisième à l’Omnium des États-Unis à Pebble Beach, il semble avoir appris à mieux maîtriser ses émotions et devra faire preuve de patience à Royal Portrush.

Justin Rose

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Justin Rose

Angleterre 37 ans, 4e mondial

Révélé à 17 ans avec une quatrième place au club Royal Birkdale alors qu’il était encore amateur, Rose a dû patienter 20 ans avant de faire mieux chez les professionnels, avec une deuxième place l’année dernière. Il est rarement loin des meneurs en tournois majeurs et connaît encore une bonne saison, avec notamment une troisième place à l’Omnium des États-Unis il y a quelques semaines.

Francesco Molinari

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Francesco Molinari

Italie 36 ans, 7e mondial

Champion en titre du tournoi, très constant en tournois majeurs depuis deux ans, Molinari est aussi l’un des joueurs les plus populaires en Europe depuis sa performance étincelante l’automne dernier en Coupe Ryder. Toujours patient, il n’avait commis aucun boguey en ronde finale l’année dernière dans des conditions difficiles.

Adam Scott

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Adam Scott

Australie 38 ans, 17e mondial

Avec cinq top 10 en huit ans à l’Omnium, de bonnes performances dans les trois premiers tournois majeurs de la saison, Scott semble avoir relancé sa carrière après un petit passage à vide. Moins spectaculaire que Koepka, McIlroy ou Johnson, son jeu est sans faille et il réussit habituellement à s’accrocher le week-end quand la pression commence à monter.

Louis Oosthuizen

PHOTO ORLANDO RAMIREZ, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Louis Oosthuizen

Afrique du Sud 37 ans, 22e mondial

Champion à St. Andrews en 2010, le Sud-Africain a été ralenti par les blessures depuis, mais il a souvent montré qu’il était encore en mesure de bien faire dans les grands rendez-vous, comme récemment à l’Omnium des États-Unis. Sa précision et sa connaissance des conditions de jeu sur un parcours comme le Dunluce Links en font un candidat logique au titre.

Austin Connelly

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Austin Connelly

Canada 22 ans, 796e mondial

L’un des trois Canadiens à l’Omnium – avec Corey Conners et Adam Hadwin –, Connelly avait causé la surprise il y a deux ans, à seulement 20 ans, en se retrouvant en troisième place après la troisième ronde. Finalement 14e, il n’a pas été en mesure de répéter ses exploits depuis, mais il a réussi cette année à se qualifier à nouveau pour l’Omnium.

En rafale

Ne pas oublier la politique

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Darren Clarke

Le golfeur Darren Clarke, champion de l’Omnium britannique en 2011, est né à Dungannon, en Irlande du Nord. Il a raconté récemment qu’au début de sa carrière, dans les années 80, le chalet du club de golf local avait explosé à plusieurs reprises, visé par les différents groupes extrémistes impliqués dans la « guerre civile » qui ravageait cette région du Royaume-Uni.

Personne n’aurait imaginé à l’époque qu’on puisse disputer l’Omnium en Irlande du Nord. La présentation du tournoi au club Royal Portrush, cette semaine, suscite d’ailleurs encore certaines inquiétudes, cette période de l’année correspondant à des célébrations dans la communauté protestante.

Selon le quotidien The Guardian, les organisateurs ont d’ailleurs émis des directives à leur personnel, aux bénévoles, aux entrepreneurs et aux fournisseurs de services les informant des dates importantes pour les défilés des organisations protestantes, unionistes et loyalistes, tout en précisant : « Durant ces périodes, il est recommandé de ne pas afficher de couleurs associées notamment à des équipes de football [soccer]. Il est aussi conseillé d’être prudent dans toutes les conversations au sujet de la politique et des “troubles” en Irlande du Nord. »

À l’ombre d’un château de Game of Thrones

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Le Dunluce Links tient en partie son nom d’un château voisin, aujourd’hui en ruine, dont on peut apercevoir la silhouette à l’est du parcours.

Le Dunluce Links tient en partie son nom d’un château voisin, aujourd’hui en ruine, dont on peut apercevoir la silhouette à l’est du parcours. Érigé sur une formation de basalte, voisin de la fameuse Chaussée des géants, le château de Dunluce a été construit au XIIIe siècle. Il a été l’un des sites de tournage de la série Game of Thrones, de quoi inspirer peut-être les plus combatifs compétiteurs de l’Omnium britannique…

Le plus vieux

Même s’il n’est pas aussi vieux que le château de Dunluce, l’Omnium britannique demeure le plus ancien et le plus international des quatre tournois majeurs de golf. C’est le 17 octobre 1860 que huit des plus grands professionnels de l’époque se sont réunis à Prestwick pour déterminer qui serait le golfeur champion de l’année. Le vainqueur allait recevoir une ceinture de cuir marocain estimée à 25 livres, une belle somme il y a 160 ans ! La compétition a été disputée en trois rondes de 12 trous et c’est Willie Park Sr. qui a remporté le titre, deux coups devant Old Tom Morris. L’année suivante, le tournoi a été ouvert « au monde entier » et on couronnera encore dimanche The Champion Golfer of the Year, comme s’il n’y avait que ce tournoi qui comptait vraiment…