Ça a le mérite d'être clair. Sur sa page d'accueil, le club Congressional résume ainsi ce qui a motivé sa fondation en 1921. Les représentants Oscar Bland et O.R. Lubring voulaient «fournir un lieu commun informel pour que les politiciens et les hommes d'affaires puissent se rencontrer en tant que pairs, sans le ruban rouge qui les sépare habituellement».

Pour fraterniser, ils ont trouvé une immense propriété champêtre, à une dizaine de kilomètres de la rivière Potomac et du Congrès.

Le pouvoir a suivi. Les cérémonies d'ouverture en mai 1924 se sont déroulées en présence du président américain, le républicain Calvin Coolidge. Le premier président du Congressional fut Herbert Hoover, son secrétaire au Commerce. Cinq ans plus tard, il a succédé à M. Coolidge et est devenu le 31e président des États-Unis.

Quelques grands capitalistes du début du XXe siècle ont aussi été des membres fondateurs, comme William Randolph Hearst (l'inspiration derrière Citizen Kane), Harvey Firestone, William C. Carnegie, Walter Chrysler, Charlie Chaplin et John D. Rockefeller.

En plus de MM. Hoover et Coolidge, trois autres présidents ont été membres du Congressional: Woodrow Wilson, Dwight Eisenhower et Gerald Ford. M. Hoover devait surtout passer son temps au salon. Selon Don Van Natta Jr, auteur de First off the Tee et deux fois lauréat du prix Pulitzer, 14 des 17 derniers présidents jouaient au golf, mais M. Hoover n'était pas l'un d'eux.

Wilson golfait quant à lui beaucoup. Il avait une belle excuse: son médecin le lui recommandait. La journée du Seigneur était la seule de la semaine où il ne sortait pas ses bâtons. Même l'hiver, les services secrets peignaient sa balle en rouge pour qu'il la retrouve. Malgré sa pratique, il n'aurait jamais brisé le 100.

La liste des membres actuels reste privée. Selon des sources non officielles, devenir membre coûterait environ 150 000$. Et il faudrait attendre de cinq à huit ans pour être admis et pouvoir y planter son té.

Sauvé par la guerre

Ce n'était peut-être pas Les raisins de la colère, mais le Congressional a souffert aussi de la Grande Dépression. À la fin des années 30, la faillite menaçait le club privé. Le club a donc loué son terrain au gouvernement fédéral pour 4000 $ par année - environ 55 000 $ en dollars actuels.

Le gouvernement utilise le vaste terrain ultra-privé pour entraîner quelque 2000 soldats d'élite qui allaient former le nouveau Bureau des services stratégiques (OSS), ancêtre de la CIA.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, on y sentira plus le gazon brûlé que le gazon fraîchement coupé. Les commandos y ont appris à bombarder, assassiner et espionner. Comme le raconte un ancien soldat cité dans le New York Times, on cherchait l'homme complet: celui «qui possède un doctorat et peut gagner une bataille de bar». Le loyer payé par les États-Unis a finalement sauvé le club de la faillite.

Depuis, les architectes Robert Trent Jones et Rees Jones ont redessiné le parcours Bleu du Congressional. C'est une guerre plus civilisée, avec polos et logos de commanditaire, qu'y mèneront jusqu'à dimanche les meilleurs joueurs de la planète. Certains appréhendent le défi des verts bétonnés et de l'herbe longue coriace. Car à l'Omnium des États-Unis, on essaie plus de survivre que de dompter le parcours. Comme l'a déjà résumé Tom Weiskopf: «Quand les gens disent qu'ils rêvent de jouer un jour à l'Omnium des États-Unis, ce qu'ils veulent vraiment dire, c'est qu'ils aimeraient être assez bons pour y jouer. Car croyez-moi: on ne s'amuse pas à ce tournoi.»