«Il ressemble à un fermier», médisaient certains partisans, au Championnat Wyndham, en regardant le vainqueur. Si oui, il s'agit d'un fermier libre et heureux qui ne manque pas de blé. Ryan Moore paie lui-même son équipement et ses vêtements, et cela lui plaît. Portrait d'un insoumis.

Ce n'est pas de l'anticapitalisme ou une montée de lait réactionnaire. L'histoire de Ryan Moore est beaucoup plus simple. C'est celle d'un gars qui ne voulait plus d'ennuis. Et pour lui, ces ennuis prenaient la forme de quelque 300 000 $ de commandites annuelles.

Le golfeur de 26 ans est arrivé à cette conclusion durant la saison morte, cet hiver. Il a donc largué ses deux commanditaires, Ping et Oakley.

«Avant, j'adorais simplement jouer à chaque jour, mais ces trucs-là ont fini par interférer. J'ai beaucoup réfléchi à tout cela, et je veux recommencer à jouer au golf pour l'amour du golf. Ça n'a rien à voir avec les commanditaires eux-mêmes ou avec une absence d'offres», a-t-il raconté en février dernier à PGATour.com.

En effet, les offres ne manquent pas. Ryan Moore a été un des meilleurs amateurs des dernières décennies. Sa saison 2004 est possiblement la plus décorée du golf amateur moderne, devant toutes celles de Tiger Woods. Il avait alors raflé le Championnat amateur des États-Unis, le Championnat amateur des parcours publics des États-Unis, le titre individuel de la NCAA, le Western amateur et le Championnat des joueurs Sahalee.

En 2006, il est devenu le premier golfeur depuis Woods à sauter de la NCAA à la PGA, sans devoir passer par l'école de qualification. Après quelques blessures, il a enfin gagné son premier tournoi au circuit de la PGA, il y a deux semaines, le Championnat Wyndham.

Orgueilleusement libre

Moore a commandé par internet ses souliers, des Puma choisis pour leur confort. Il a acheté son sac bleu et jaune dans une boutique locale. Ce sac est rempli de bâtons bigarrés - des bois Adams, des fers Ping S59, un cocheur Ping MB et un autre Titleist Vokey, un fer droit Scotty Cameron et des balles Callaway Tour i.

«Mes bâtons sont exactement ceux que je veux. Je n'ai pas besoin de m'adapter et de me forcer à les aimer», a-t-il expliqué.

À l'instar des autres mortels, il achète aussi lui-même ses vêtements. Il ressemble parfois à un clone übersexuel de Justin Timberlake, comme avec la mince cravate en cuir noir qu'il portait à l'Omnium FBR. À d'autres occasions, avec sa casquette de guérilléro grise à carreaux, son sobre polo bleu et sa barbe négligée, on retrouve en lui le jeune qui a grandi dans les années 90 dans le berceau du grunge, l'État de Washington.

Ce n'est pas que les commanditaires s'opposent à ces looks. Au contraire, il s'agit de bonne pub, comme le remarqué bandeau Ping à la Bjorn Borg qu'il portait auparavant.

Ce n'est pas non plus que ses commanditaires lui interdisent de jouer avec un ensemble dépareillé. On imagine très bien qu'il aurait pu se renégocier - à la baisse - un tel contrat avec Ping.

Et ce n'est certainement pas qu'il s'oppose au principe même des commanditaires. On ne lance pas ce genre de théorie quand on est diplômé en relations publiques à UNLV.

Peut-être simplement qu'il préfère ne pas devoir tourner des pubs ou faire briller ses dents blanches dans des événements corporatifs. Peut-être aussi qu'il aime détonner de ses confrères.

Et l'argent? Selon des agents sondés par Golf Magazine, voici à quoi il renonce: 50 000 $ par année pour un logo sur son sac, 50 000 $ pour son polo et 200 000 $ pour sa casquette. À noter que ces estimations ont été faites avant sa récente victoire et avant la médiatisation de son histoire. Sa valeur a sûrement augmenté depuis.

Mais il ne semble pas pressé d'encaisser de tels chèques, a expliqué son frère et agent Jeremy, à CNBC. «L'argent est le dernier de ses soucis. S'il joue bien, les bourses sont si grandes qu'il n'en aura pas besoin de plus.»