Pour les membres d'un club de golf, le chalet est souvent un sanctuaire. Ils y sont à l'abri des pressions du monde extérieur. Ils y retrouvent des gens qui partagent leurs valeurs, leur culture, peuvent socialiser et partager leur passion du golf.

Bien sûr, il leur arrive de croiser de petits «escrocs». Ça peut être le «requin» qui triche un peu sur son handicap afin de plumer ses partenaires de jeu. Ça peut aussi être le membre distrait, qui a oublié de payer son compte du mois et vous demande de lui offrir ses consommations...

Habituellement, ce n'est pas très grave. Tôt au tard, l'«escroc» est démasqué, cesse son petit jeu ou s'en va ailleurs.

Plus rarement, on a affaire à des vrais escrocs. Les membres de plusieurs des clubs les plus huppés des États-Unis en ont fait la triste expérience au cours des derniers mois, quand on a dévoilé les méfaits du courtier Bernard Madoff.

Une enquête du magazine Golf a en effet révélé que Madoff et son épouse étaient vus régulièrement dans une dizaine de clubs près de New York, Boston, Chicago ou au Minnesota. Ils étaient aussi membres du réputé Palm Beach Country Club, fondé en 1952 dans le secteur nord de cette ville de Floride où les «riches et célèbres» du monde entier possèdent des résidences extravagantes. Bien que les tarifs du club soient secrets, on sait qu'il faut y verser un minimum de 350 000$ en frais d'initiation pour devenir membre...

Selon les membres interrogés par Golf, Madoff et son épouse étaient très discrets au Palm Beach C.C. Ils jouaient habituellement ensemble, en duo, puis passaient quelques heures au chalet pour siroter du thé glacé et saluer leurs amis. Apparemment, ils ne parlaient jamais affaires et se tenaient loin des paris et des parties de cartes.

Cette discrétion a vite mérité aux Madoff la confiance des autres membres et, rapidement, tous souhaitaient faire partie du groupe sélect des intimes du couple. C'est que Bernard savait choyer ses amis. L'un d'eux ayant parlé de son rêve de jouer à Augusta, il lui obtint un départ sur le prestigieux parcours de Géorgie. Un autre fut invité, avec son épouse, en croisière sur le somptueux yacht des Madoff.

Un milliard de pertes

La désillusion n'en fut que plus grande, en décembre, quand Madoff a reconnu sa culpabilité. Plus du tiers des membres du Palm Beach C.C. étaient de ses clients. On estime leurs pertes à plus de 1 milliard. Le philanthrope Carl Shapiro a estimé avoir perdu 550 millions à lui seul dans cette fraude. Même à Palm Beach, de telles pertes sont considérables. Les directeurs du club ont vite retiré les noms des Madoff de leurs casiers et ont expédié leur contenu au penthouse new-yorkais du couple.

Mais plusieurs membres ne sont plus en mesure de payer leurs cotisations. On raconte que les plus fortunés se sont partagé la facture globale et que la vie a vite repris son cours. Tous les clubs de golf ne comptent toutefois pas plusieurs milliardaires parmi leurs membres.

Dans le Nord-Est américain, plusieurs clubs ont de la difficulté à s'en remettre. Au Glen Oaks Country Club, près de New York, où le frère de Madoff était membre et où Bernard avait plusieurs clients, une vingtaine de membres ont démissionné lors d'une réunion d'urgence convoquée quelques jours après la mise en accusation du courtier.

Au North Shore Country Club, un autre club huppé fondé en 1913 près de New York, le nombre de membres est passé de 175 à 110 ce printemps.

Partout en Amérique du Nord, des clubs de golf sont touchés non seulement par l'affaire Madoff, mais aussi par d'autres scandales financiers révélés récemment.

Le golfeur professionnel Henrik Stenson, récent vainqueur du Championnat des joueurs, a perdu une bonne partie de ses avoirs dans les placements frauduleux de Sir Allen Stanford. Ce courtier du Texas, qui était aussi lié à Vijay Singh, Camilo Villegas et à la Fondation de Tiger Woods, entres autres, est accusé d'avoir détourné illégalement plus de 8 milliards. On dit aussi que Raymond Floyd, Bernhard Langer et Nick Price étaient des clients de Bernard Madoff.

Déjà touchée par la crise financière, l'industrie du golf aura sans doute besoin de plusieurs années pour retrouver la crédibilité et la confiance que lui ont volées quelques escrocs.