Le scandale de dopage à l'Université de Waterloo a constitué un rappel sévère pour les directeurs des sports des universités québécoises. Six d'entre eux doivent composer avec un programme de football et chacun adopte une approche particulière de la situation.

Tony Addona (Bishop's)



Près des athlètes, pour les éduquer et les surveiller

Directeur dans une de ces «petites universités» qui ont été montrées du doigt après le scandale de Waterloo, M. Addona croit au contraire que ses joueurs sont soumis à un contrôle plus sévère que dans les grands centres.

«Penser que nos joueurs sont plus susceptibles d'être dopés témoigne d'une vision assez simpliste de la situation, a-t-il répliqué. Nous sommes très proches de nos athlètes. Notre personnel les accompagne dans toutes les activités sportives et universitaires et crée avec eux des relations de confiance. La communauté est également impliquée et nos athlètes sont conscients du rôle qu'ils doivent y jouer.»

C'est évident que trois joueurs de football de 250 livres passent plus difficilement inaperçus dans une pharmacie de l'Estrie que dans un gymnase de la rue Sainte-Catherine...

«Cela dit, il ne faut jamais relâcher notre vigilance, poursuit M. Addona. Nous rencontrons les athlètes régulièrement pour les informer, les éduquer, les mettre en garde. Nous exigeons aussi d'eux qu'ils s'engagent à respecter les règles d'éthique.»

Katie Sheahan (Concordia)



Avant tout une question de santé

La directrice des sports de Concordia, Katie Sheahan, aborde la question du dopage dans une perspective très individuelle. Pour elle, l'étudiant est au coeur de la situation et sa santé est une priorité absolue pour les responsables universitaires.

«L'année dernière, j'ai animé personnellement 17 séances d'information qui m'ont permis de rencontrer tous nos athlètes et de les sensibiliser aux menaces et aux risques des produits non autorisés. On oublie trop souvent que c'est avant tout une question de santé.

«La santé de nos athlètes étudiants est notre responsabilité, bien plus que le succès de nos équipes. Nous devons tout faire pour les aider à prendre soin de leur corps et s'assurer que leur perception d'eux-mêmes est saine. Certains jeunes se laissent quand même influencer et c'est impossible d'être toujours là pour les empêcher de céder à la tentation.»

Mme Sheahan se réjouit de l'introduction de tests mieux ciblés. «C'est le début d'une nouvelle stratégie qui aura peut-être un impact véritable.»

Gilles Lépine (Laval)



La confiance des champions

Selon Gilles Lépine, aucune équipe universitaire au Canada n'a été testée aussi souvent que le Rouge et Or de Laval depuis quelques saisons. Aucun cas sérieux n'y a jamais été trouvé et M. Lépine est de ceux qui croient que le scandale de Waterloo est un cas isolé.

La qualité et les succès des programmes sportifs du Rouge et Or attirent souvent les soupçons, mais M. Lépine réplique que son personnel est justement mieux qualifié pour éviter les cas de dopage. «La réputation de notre programme repose beaucoup sur celle des individus, des entraîneurs bien sûr, mais aussi du préparateur physique, Raymond Veillette, et de l'équipe médicale. Ces gens-là sont très expérimentés et extrêmement vigilants.»

M. Lépine s'interroge sur la pertinence du programme de test renforcé du SIC. «Quelques tests de plus auraient-ils permis de déceler les problèmes à Waterloo? Ne serait-il pas préférable d'investir dans la prévention? Laval ne sous-estime pas l'importance de contrer le dopage dans le sport universitaire, poursuit-il. Mais il ne faudrait pas croire que la situation est grave partout.»

Christian Gagnon (Sherbrooke)



Tolérance zéro

Selon Christian Gagnon, le scandale de Waterloo a été un véritable wake-up call pour les directeurs sportifs des universités canadiennes. «C'est essentiel que le message passe cette fois-ci, a-t-il souligné. Pour nous à Sherbrooke, c'est tolérance zéro. Nos athlètes représentent l'institution - on les envoie dans les écoles - et ils doivent être propres. Nous allons prendre les moyens pour nous assurer que ce soit le cas.

M. Gagnon a participé à la définition du nouveau programme des tests du SIC. «C'est important de travailler de concert avec les autres universités, a-t-il noté. Ici en Estrie, nous parlons régulièrement avec nos collègues de Bishop's.

«Nous sommes près de nos athlètes et c'est malheureusement souvent quand ils retournent dans leurs patelins que les athlètes cèdent à la tentation du dopage. C'est ce qui est arrivé cet été avec le jeune d'Acadia. Ça menace tous les athlètes.

«Le nouveau programme de tests permettra les tests hors campus et hors compétition. Ce sera plus coûteux, mais il n'y a pas de prix pour montrer l'importance d'un sport sans dopage.»

Drew Love (McGill)



Renforcer la «police», accompagner l'étudiant

Un établissement réputé comme McGill, déjà touché par l'affaire des initiations au sein de son équipe de football, il y a quelques années, ne peut rester insensible aux risques du dopage. «J'ai vite été convoqué par la haute direction de notre établissement quand l'affaire de Waterloo a éclaté, a reconnu M. Love. Pour nous, il s'agit d'une situation très grave et nous allons multiplier les efforts pour éviter qu'elle se produise ici.»

McGill va ainsi procéder à une série de tests supplémentaires, à ses frais, pour ajouter à l'effet dissuasif du programme du SIC. «McGill est prêt à investir l'argent qu'il faudra pour s'assurer que nos tests soient aussi efficaces que possible, a déclaré M. Love. Est-ce que ce sera suffisant? Qui le sait?

«Il faut aussi renforcer le programme de formation des athlètes étudiants tout au long de leur cycle universitaire. Les éduquer sur l'entraînement, l'alimentation, les suppléments. L'expérience montre toutefois que plusieurs athlètes ont recours au dopage hors campus, pendant l'été ou lorsqu'ils sont blessés. Il faudrait s'assurer que le contrôle s'exerce là aussi.»

Manon Simard (Université de Montréal)



Un engagement moral de l'athlète et de l'université

Confiante dans la qualité des contrôles supervisés par le SIC, Manon Simard estime que le rôle des responsables universitaires est davantage du côté de la formation et de l'éducation des athlètes.

«Il faut distinguer les cas isolés de dopage et les situations systémiques, comme à Waterloo, explique Mme Simard. Ce sera toujours difficile d'éviter les cas isolés, mais il faut faire en sorte que les systèmes n'existent pas.

«Nous assurons à l'UdeM une formation obligatoire de tous nos athlètes, avec des médecins, des physiothérapeutes, des nutritionnistes ou des psychologues. Nous allons également bientôt demander à tous nos athlètes de signer un contrat individuel en vertu duquel ils s'engageront à respecter les règles sportives et éthiques de l'institution et du sport universitaire.

«Il s'agit évidemment d'un contrat moral, sans valeur légale, mais nous croyons qu'il sensibilisera les athlètes à leurs responsabilités et il leur montrera que nous prenons également des engagements moraux envers eux.»