Lors du dernier Super Bowl , tous les projecteurs se sont braqués sur Eli Manning, sacré joueur le plus utile de la classique. Malgré les succès, le quart-arrière des Giants n'a pas la grosse tête. Il reste ce gars modeste qui ne s'en fait pas trop avec la vie.

La première chose qui frappe quand on se retrouve à quelques mètres d'Eli Manning, c'est qu'il n'a pas trop changé. Le petit frère de Peyton demeure un gars tout simple, le genre à sortir du vestiaire en jeans et en t-shirt. Le succès ne l'a pas transformé en vedette; dans la rue, Eli a plutôt l'air d'un étudiant à l'université, pas du joueur le plus utile au dernier Super Bowl.

 

La deuxième chose qui frappe, c'est que le quart des Giants n'aime pas parler de lui.

C'est comme ça. Vous pouvez lui poser toutes les questions, lui demander s'il est nerveux ou s'il ressent un peu de pression, et la réponse, inévitablement, va commencer par un «nous». Il n'y a pas souvent de «je» dans le monde merveilleux d'Eli Manning.

C'est confirmé, le gars est encore terriblement modeste.

«On a gagné le Super Bowl la saison dernière, mais ça ne veut pas dire qu'on va le gagner cette fois-ci, a-t-il rappelé cette semaine. Il va encore falloir mériter la victoire, comme l'an passé. Je suis certain que les Eagles se moquent pas mal de ce qu'on a accompli il y a un an...»

Les Eagles, c'est l'équipe de Philadelphie, celle qui va atterrir ici demain après-midi pour un choc fort attendu avec les Giants. C'est assez simple: une victoire, et le gagnant passe en finale de la Conférence nationale, dernière étape avant le Super Bowl.

Même si l'enjeu est énorme, Eli ne donne pas l'impression d'un type rongé par la nervosité. Pas du tout. En fait, il donne l'impression d'un gars qui ne s'en fait pas trop avec la vie. Tous les joueurs des Giants vous le diront: gagne ou perd, Eli est le même.

Le même... mais en version améliorée.

«Je suis arrivé chez les Giants en même temps que lui en 2004, et c'est incroyable de constater combien il s'améliore à chaque année, explique le porteur de ballon Derrick Ward. C'est incroyable de constater combien il grandit en tant que joueur à chaque saison. Il ne s'emporte jamais trop dans la victoire, et il ne se décourage jamais trop dans la défaire. Il est toujours le même.»

Eli Manning est arrivé chez les Giants il y a cinq ans, après avoir refusé de porter la casquette des Chargers de San Diego au repêchage. Devant lui, sur son chemin, il y avait le vétéran quart Kurt Warner, un gagnant du Super Bowl avec les Rams de St. Louis. En plus de Warner, Eli devait faire face à sa propre réputation, à ce titre de perdant qu'on lui imposait. Eli, c'était celui qui s'écrasait toujours quand ça comptait...

Les premières saisons n'ont pas aidé. On avait parfois l'impression que, oui, Eli s'écroulait quand ça se mettait à chauffer. Certains avaient même commencé à laisser entendre qu'il n'avait pas ce que ça prenait pour avoir du succès dans une ville comme New York.

Puis, il y a eu 2007. Il y a eu cette saison magique et ce Super Bowl tout aussi magique disputé aux Patriots de la Nouvelle-Angleterre. Ce soir-là en Arizona, en menant ses Giants à une victoire-surprise de 17-14, Eli a effacé d'un trait cette mauvaise réputation qu'il traînait sur ses épaulettes depuis trop longtemps.

C'est peut-être un jeu qui lui a permis d'entrer dans la légende: sa passe de 33 verges au receveur David Tyree en fin de match, lors de la poussée victorieuse. Tyree a attrapé le ballon d'une seule main contre son casque après un jeu spectaculaire de Manning, qui avait réussi, on ne sait trop comment, à se défaire de ses adversaires.

«David et moi, on a eu l'occasion d'en parler à quelques reprises, a raconté Eli cette semaine. Je continue de croire qu'il a fait tout un jeu là-dessus. C'est lui qui a réussi l'attrapé... En fait, ça ne m'intéresse pas de savoir qui devrait prendre tout le crédit pour ce jeu-là. Je m'en moque pas mal. Mais c'était excitant. Nous voici maintenant de retour en séries, et ça aussi, c'est excitant. J'adore cette ambiance.»

Cette saison, le quart de 28 ans a poursuivi sur sa belle lancée, en obtenant plus de 3000 verges de gains, en lançant 21 passes de touché contre seulement 10 interceptions. Satisfait, le jeune homme? Pas encore.

«Notre victoire au Super Bowl n'a rien changé... J'ai entrepris la saison avec la même attitude, en essayant de devenir un meilleur quart, en essayant de jouer du mieux que je le peux. Je sais qu'il n'y a jamais rien de facile dans cette ligue, et ce n'est pas parce qu'on obtient du succès qu'on doit changer sa façon de faire les choses. Je dirais même que c'est encore plus dur la deuxième fois, parce que toutes les équipes veulent battre les champions.»

C'est probablement plus dur aussi parce qu'Eli a un peu moins de munitions dans son sac cette fois-ci. Depuis un mois, il doit se débrouiller sans sa cible préférée, le receveur Plaxico Burress, qui est suspendu pour les raisons que l'on sait. Il a aussi dû disputer la saison en entier sans son pote David Tyree, qui a passé l'année sur la liste des blessés.

C'est peut-être pour ça que certains experts laissent entendre que les Giants, ce ne sera pas pour cette fois. Ce qui fait bien l'affaire d'Eli et ses amis. Dans le vestiaire new-yorkais, ce «nous contre le reste du monde», un concept si cher à l'équipe lors de la conquête de l'an dernier, est encore bien présent.

Un manque de respect, donc? Eli n'a aucun problème avec ça.

«Si les experts ne nous respectent pas, ça ne me dérange pas, répond-t-il. Le plus important, c'est de croire en nos moyens. De croire en nous.»