Eli ou Ben? Ben ou Eli? Quatre ans et demi après le repêchage de la NFL qui n'avait pas plu ni à Eli Manning, ni à Ben Roethlisberger - une journée marquée par le mélodrame, d'egos meurtris, d'avertissements voilés et d'un échange complété à la hâte - les choses n'auraient pas pu mieux tourner pour les deux quarts. Ou pour leurs équipes, qui sont toutes deux au sommet de leur division et qui ont toutes deux remporté un Super Bowl depuis ce repêchage.

Quand les Giants de New York (5-1) d'Eli affronteront les Steelers de Pittsburgh (5-1) de Ben dimanche, il s'agira du premier duel de quarts gagnants du Super Bowl issus du même repêchage depuis le match entre les 49ers de San Francisco et les Giants du 3 décembre 1990, au cours duquel s'affrontaient Joe Montana et Phil Simms, tous deux repêchés en 1979. 

Même si, selon Manning, la seule chose qu'auront en commun Roethlisberger et lui sera qu'ils évolueront sur le même terrain, le même jour.

«Ben et moi ne sommes pas en compétition l'un contre l'autre», a-t-il déclaré.

Ils le seront toutefois aux yeux du public cependant. Et ils l'ont été depuis le premier jour où ils ont été repêchés à 10 rangs d'écart. Leur jeu a été scruté à la loupe, comparé et analysé depuis leurs débuts dans la NFL et le sera probablement jusqu'à ce que l'un des deux ne cesse de jouer, comme l'a dit Roethlisberger.

«Il y a toujours un petit quelque chose en vous qui veut que vous soyez le meilleur, alors je dois remporter un autre Super Bowl avant qu'il ne le fasse», a ajouté le quart des Steelers.

Il n'y a que trois paires de quarts repêchés la même année qui ont remporté le Super Bowl - Jim Plunkett et Joe Theismann (1971) composent la troisième - mais aucune n'a remporté de championnats aussi rapidement que ces deux quarts: Roethlisberger dès sa deuxième saison, Manning à sa quatrième.

Comment ont-ils accompli l'exploit? Une histoire compliquée.

Manning, tel que prévu, a été repêché au premier rang par les Chargers de San Diego. Il a toutefois été très clair, faisant passer le message par son père Archie, lui-même une ancienne vedette de la NFL, qu'il ne voulait pas jouer là. Cela a permis aux Giants, qui choississaient au quatrième rang, de sélectionner Philip Rivers et de concocter un échange avec les Chargers.

Ce scénario a déçu Roethlisberger, qui croyait que la sélection de Manning par San Diego lui ouvrait alors les portes de New York. Quand les Giants ont sélectionné Rivers, l'ancien entraîneur de Roethlisberger à l'Université Miami of Ohio, le regretté Terry Hoeppner, a lancé son portable dans un élan de colère, en plein devant les caméras de télévision.

La sélection de Rivers a donc fait chuter Roethlisberger jusqu'au 11e rang, propriété des Steelers, ce qui l'a fait ragé, à tout le moins jusqu'à ce qu'il se présente à Pittsburgh et qu'il y découvre une équipe mature, capable d'absorber les erreurs d'un quart recrue et de remporter des matchs.

Roethlisberger a ensuite gagné comme aucun autre quart recrue ne l'avait fait avant lui, conservant une fiche de 13-0 en saison régulière en 2004. La suivante, il a remporté le Super Bowl, menant les Steelers à une séquence de huit victoires consécutives, dont quatre sur la route - en comptant le match ultime - en séries.

Les débuts de Manning ont été tout sauf aussi bons. Les Giants ont conservé une fiche de 6-10 en 2004 - 1-6 pour Manning - et les médias et les amateurs ont remis en question la décision des Giants d'y aller avec Manning au lieu de Roethlisberger. Ce débat a perduré jusqu'à ce que Manning mène les Giants au Super Bowl la saison dernière, un parcours qui a drôlement ressemblé à celui de Roethlisberger en 2005, avec plusieurs matchs sur la route, culminant par une surprenante victoire contre les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, parfaits jusque-là.

C'est seulement à ce moment que Manning a cessé d'entendre que les Giants auraient dû sélectionner Roethlisberger.

Statistiquement, Roethlisberger a encore le dessus sur Manning. Il a une meilleure fiche que le quart des Giants (44-17 contre 35-26), a lancé plus de passes de touché (93 contre 85) et à un meilleur coefficient d'efficacité (93,0 contre 74,9). Certains dépisteurs de la NFL vous diront même que Roethlisberger est plus important aux Steelers que Manning ne l'est aux Giants.

Mais les Giants adorent de la façon dont Manning a su gérer la pression médiatique new-yorkaise et celle de porter son nom, le même qu'un certain Peyton, son frère aîné.

Les Steelers et leurs amateurs, en comparaison, ont parfois eu à tolérer les élans d'immaturité de leur quart-arrière, comme son entêtement à ne pas porter de casque en motocyclette, un geste qui a bien failli tourner au drame lors d'une collision en 2006. Cet incident n'aurait peut-être pas été aussi bien accepté à New York.

Une chose est sûre: les deux quarts ne manqueront pas de confiance dans l'important match de dimanche, qui opposera deux équipes parmi les meilleures de la NFL.

«Ils se sont tenus debout et ont accepté tous les défis qui leur ont été lancés, a dit l'entraîneur-chef des Giant, Tom Coughlin. Les deux ont grandement contribué aux succès du football et de leur club respectif.»