Le football a connu une croissance phénoménale au Québec depuis les 20 dernières années. En 1993, on estime qu'il y avait environ 4000 jeunes footballeurs dans la Belle Province, alors qu'on évalue ce chiffre à près de 27 000 aujourd'hui.

Les institutions scolaires ont reconnu les nombreux bienfaits de ce sport pour leur communauté étudiante et elles ont investi massivement afin d'obtenir des programmes de football. Les ligues civiles ont également connu une effervescence, et de nombreuses équipes ont vu le jour pendant cette même période.

C'est sans surprise que cet engouement rapide a augmenté la demande pour un personnel de soutien qualifié. Administrateurs, arbitres et entraîneurs ont dû être recrutés afin d'assurer le fonctionnement des différentes ligues. Football Québec, l'organisme qui chapeaute le sport dans la province, fait beaucoup d'efforts afin de contrôler la pratique du football, d'édicter les règlements et d'assurer une formation adéquate pour ses entraîneurs et ses arbitres. Mais son pouvoir est toutefois limité en ce qui concerne l'aspect pédagogique, l'esprit sportif ou les valeurs véhiculées par ses entraîneurs.

Bâtir la confiance des jeunes

À mon avis, ceux qui entraînent les jeunes joueurs devraient leur apprendre les vertus du travail d'équipe et de l'esprit sportif, et leur faire valoir que l'effort est la seule façon d'accomplir de grandes choses. Tout cela afin de bâtir la confiance des jeunes et de les inciter à faire de l'activité physique.

Le football est aussi le sport le plus inclusif qui soit, car tout le monde peut y trouver son compte: petit ou grand, maigre ou gros, rapide ou lent. Une réalité qui transmet de belles valeurs d'acceptation et de respect pour son prochain.

Mais malheureusement, certains entraîneurs se lancent dans le coaching comme dans une carrière professionnelle, alors qu'on ne leur confie que des gamins. À ce stade, on parle d'initiation et de développement plutôt que de compétition et d'excellence. «On enseigne aux entraîneurs à inciter les jeunes à s'amuser, à rendre le football agréable», explique Jean-Charles Meffe, président de Football Québec.

Or, une histoire récente que m'a confiée un parent - hélas beaucoup trop commune - confirme que la situation n'est pas toujours aussi vertueuse.

L'entraîneur de l'équipe pee-wee de son fils n'en avait que pour la victoire. Au cours de la saison, celui qui dirige des enfants de 11 à 13 ans a régulièrement fait jouer certains de ses joueurs tant en attaque qu'en défense (both ways).

Agir de la sorte n'est pas catastrophique, mais peu souhaitable, puisque cela enlève inévitablement du temps de jeu aux autres joueurs un peu moins talentueux.

Leur temps de jeu en entraînement ayant aussi été limité afin de faire place aux joueurs «vedettes», certains se sont découragés et ont tranquillement commencé à mépriser leur entraîneur et leur sport préféré. Quelques-uns de ces jeunes ont même quitté l'équipe en cours de saison en raison de l'indifférence des entraîneurs à leur égard.

Un de ces «décrocheurs» était un jeune garçon un peu grassouillet qui avait fait peu de sport dans sa vie. Peu athlétique, il était plutôt du type jeu vidéo que sport d'équipe.

Mais voilà que le football s'est présenté à lui et lui a offert une chance de faire partie d'une équipe, de bouger et de se trouver une valeur au sein d'un groupe. Or, l'entraîneur en question a préféré le reléguer aux oubliettes puisque ses performances n'étaient pas aussi bonnes que celle des autres. La confiance, déjà fragile, du jeune garçon en a pris tout un coup. Il a quitté l'équipe et il est difficile de s'imaginer comment il voudra recommencer à faire du sport.

De quoi faire réfléchir

Le comble, c'est que l'entraîneur-chef a demandé à quelques jeunes de ne pas revêtir l'uniforme pour le match éliminatoire du dernier week-end afin de donner plus de place aux meilleurs joueurs et augmenter les chances de l'équipe de l'emporter. Triste sort pour des enfants qui n'y verront que de l'exclusion et une atteinte à leur confiance.

L'équipe s'est finalement inclinée par plus de 30 points. De quoi faire réfléchir l'entraîneur, j'espère! Peut-être réalisera-t-il avec le temps que ses chances sont encore meilleures s'il valorise le concept d'équipe plutôt que celui de la performance individuelle.

Les entraîneurs au niveau amateur doivent réaliser l'ampleur du rôle qu'ils entreprennent. Ils sont des mentors et des modèles pour leurs jeunes joueurs. Il ne s'agit pas de faire tout ce qui est possible pour offrir un championnat aux jeunes, bien que cela soit agréable, mais de leur donner les outils pour devenir de meilleures personnes.

Un pourcentage infime d'entre eux atteindra un jour les rangs professionnels, mais 100% d'entre eux seront des citoyens et auront à vivre en société. Pour ceux qui porteront un jour un casque et des épaulettes, n'oublions jamais que le football contribuera à leur développement personnel, pour le meilleur ou pour le pire.