Au football, bien qu'on en parle moins souvent, la défense a un immense rôle à jouer dans le dénouement des matchs de séries éliminatoires. À l'approche de la finale de l'Est, jetons un regard sur les deux unités défensives en présence.

D'abord, il faut savoir que la philosophie des coordonnateurs torontois et montréalais est assez semblable. Tous deux misent sur une pression constante sur les quarts adverses. Tous deux savent très bien que harceler le quart-arrière est essentiel dans une ligue où le football aérien domine.

Mais pour y arriver, on procède toutefois différemment. À Toronto, le coordonnateur défensif Chris Jones a une approche plutôt traditionnelle. Il met ses joueurs en situation de un contre un et souhaite qu'au moins un de ses joueurs gagne sa bagarre pour ultimement aller frapper le quart. Régulièrement, il appliquera de la pression avec un joueur de plus que l'attaque en compte en protection. Ainsi, il fonctionne sous la prémisse que la pression doit s'exercer dans un délai maximal de 1,8 seconde.

Si on applique la pression de la sorte, il faut être en mesure de jouer efficacement la couverture homme à homme, ce que les Argonauts font très bien. C'est d'ailleurs l'unité défensive qui a accordé le plus bas pourcentage de passes complétées cette année. Mais peu importe la qualité de couverture sur les receveurs adverses, la pression doit se rendre au quart, et rapidement. Plus le quart a de temps pour lancer le ballon, plus l'avantage passe du côté des receveurs.

Le problème, c'est que la ligne défensive torontoise n'a pas été à la hauteur une bonne partie de la saison. Elle a peiné à atteindre les quart-arrières et a éprouvé des difficultés à stopper la course. Jones a donc été forcé de modifier son approche et de jouer davantage en couverture de zone.

Au-delà des stratégies, Jones s'assure d'aligner un groupe rapide et extrêmement combatif sur le terrain. J'ai joué sous ses ordres pendant trois saisons et il a toujours admis aimer les joueurs avec un «edge», qui jouaient à la limite de la légalité. Son groupe de secondeurs en est la preuve. Marcus Ball et Brandon Isaac ont chacun réussi des jeux importants cette année, mais ont été pénalisés beaucoup trop souvent. À l'approche d'un match sans lendemain, Toronto devra être bien plus discipliné afin de l'emporter.

Du côté de Montréal, le coordonnateur défensif Jeff Reinebold attaque aussi le quart-arrière, mais il tente d'y arriver avec plus de créativité. Il désire gagner ses bagarres un contre un, mais ajoute également des blitz complexes et de la fantaisie pour créer de la confusion dans le camp adverse. Et il y arrive avec une formation 3-4, c'est-à-dire trois joueurs de ligne défensive et quatre secondeurs. Il a sélectionné des joueurs hybrides en mesure de remplir plusieurs rôles et capables d'effectuer différentes tâches.

En début de saison, on sentait de la confusion dans l'équipe quant à la compréhension du plan de match. Mais la saison a progressé et certains vétérans semblent s'être approprié le système et font preuve de leadership pour que tous le connaissent et remplissent leurs rôles respectifs.

Toutefois, le risque de confusion demeure présent. Lorsque la défense ne réussit pas à déranger le quart-arrière, les failles dans les couvertures de zone sont flagrantes et peuvent être exploitées par le quart adverse. Lorsque les demi défensifs des Alouettes jouent à la hauteur de leur potentiel, ils peuvent couvrir les meilleurs joueurs du circuit. Ils devront cependant mieux attaquer les receveurs à la ligne d'engagement pour désynchroniser l'attaque torontoise.

Chose certaine, les Alouettes pourront compter sur la constance de Shea Emry pour contrer le jeu au sol et réaliser des jeux importants. Son émergence cette année a été une véritable bénédiction permettant à son unité de combler et de colmater certaines lacunes présentes dans le système de Reinebold.

Pour l'emporter, Reinebold ne devra pas hésiter à jouer d'audace et prévoir plusieurs formations différentes afin de déjouer la lecture de Rickay Ray à la ligne de mêlée.

Les joueurs de défense des deux équipes que nous verrons à l'oeuvre ce week-end ont connu une saison en dents de scie en étant pitoyables par moment et éblouissants à d'autres. II n'en demeure pas moins que selon moi, malgré la présence de Ray et d'Anthony Calvillo, ce match sera gagné par l'unité défensive qui jouera le meilleur football.