Le camp d'entraînement des Alouettes s'amorcera demain, sur le campus de l'Université Bishop's à Sherbrooke. Même si plusieurs rumeurs ont circulé au sujet d'un retour dans la NFL, Marc Trestman entamera plutôt sa troisième saison à la barre des Alouettes. L'entraîneur-chef des champions en titre a accordé une entrevue exclusive à La Presse le mois dernier, alors qu'il achevait les derniers préparatifs en vue de la prochaine saison.

Q Votre prolongation de contrat a été annoncée plusieurs mois après que l'entente eut été conclue l'année dernière. Pouvez-vous nous raconter comment les négociations se sont déroulées?

 

R Les pourparlers ont commencé en janvier 2009. On échangeait des propositions, mais à vrai dire, je n'y accordais pas une grande importance au départ. Or, les choses ont tombé en place rapidement. Discrètement, mon agent a donc trouvé un terrain d'entente avec Paul Harris (directeur exécutif des Alouettes) et Robert Wetenhall. Or, j'étais un peu mal à l'aise de l'annoncer au cours de la saison, car je voulais que l'attention reste sur notre équipe.

Q Votre nom revient régulièrement lorsqu'il est question du poste d'entraîneur-chef des Raiders d'Oakland. Est-ce votre relation avec le propriétaire Al Davis qui est à la base de ces rumeurs?

R Ça fait deux ans que je le répète: je suis parfaitement satisfait de ma situation actuelle, et je n'ai aucun désir d'y changer quoi que ce soit. Je compte 17 années d'expérience dans la NFL, alors c'est normal que certaines équipes - dont les Raiders - communiquent avec moi afin d'obtenir mon opinion à propos de tel ou tel sujet. Les gens peuvent interpréter ça comme ils l'entendent.

Q Avez-vous fermé la porte à un retour dans la NFL?

R Je ne ferme jamais aucune porte. Ce que je peux vous dire, c'est que j'apprécie pleinement ce que je possède à l'heure actuelle. Je pense très rarement à ce que l'avenir me réserve. Je suis concentré sur mon travail et je veux tellement bien faire pour les gens qui m'ont donné cette chance qu'il ne me reste plus de temps pour y penser. C'est difficile pour moi de répondre à cette question. Ma réponse aurait été différente il y a 10 ans, mais présentement, je ne changerais rien à ma vie.

Q Vous avez souligné par le passé que de travailler dans la LCF vous permettait de passer plus de temps avec votre famille, comparativement à si vous étiez dans la NFL ou la NCAA. Cela vous donne également la possibilité de travailler avec certains jeunes espoirs de la NFL, par exemple les quarts-arrières Tim Tebow et Jimmy Clausen cette année. Est-ce un avantage important pour vous?

R C'est effectivement un privilège de pouvoir travailler avec de jeunes premiers comme eux. Je suis un amoureux du football, et j'aime particulièrement enseigner aux quarts-arrières. Ça fait quatre ou cinq ans que je travaille avec des espoirs, notamment Jay Cutler et Jason Campbell. Je ne passe que quelques jours avec eux, mais je pense pouvoir les aider, et ça me permet du même coup de parfaire mes habilités d'enseignant. Et dans 20 ans, je pourrai dire que j'ai travaillé avec tel ou tel quart. Je suis comme un jeune fan à cet égard. D'avoir eu un impact dans leurs succès, aussi minime soit-il, c'est spécial.

Q Puisque vous êtes un spécialiste des quarts-arrières, est-ce que vous considérez que le jeu offensif que l'on retrouve dans la LCF vous convient particulièrement bien?

R Je dirige l'attaque ici de la même façon que je le faisais dans la NFL. Ce qu'on exige du quart-arrière reste fondamentalement la même chose, que ce soit ici ou là-bas, qu'il soit âgé de 8 ans ou 30.

Q En ne considérant que l'aspect mental, croyez-vous qu'Anthony Calvillo aurait pu jouer dans la NFL?

R Je le dis souvent, Anthony est aussi bon que n'importe quel autre quart-arrière que j'ai dirigé au cours de ma carrière - sur le terrain, et à l'extérieur. Il possède toutes les qualités qu'on recherche chez un quart. Grâce à lui, j'ai toujours hâte de commencer ma journée de travail. Je suis l'entraîneur-chef le plus chanceux de la planète, car je peux compter sur lui. C'est d'ailleurs le grand avantage qu'on a sur les autres équipes de la LCF. Je peux vous confirmer que chaque fois qu'un entraîneur-chef est louangé, c'est qu'il possède un bon quart-arrière.

Q Vous avez accordé beaucoup d'attention à l'attaque lors de votre première saison avec les Alouettes, et on a senti que vous étiez plus impliqué au niveau de la défense en 2009. Croyez-vous que vous atteindrez une certaine zone de confort à votre troisième saison?

R Je ne serai jamais confortable, car il y a trop de choses qui se déroulent simultanément. Et c'est ce que je préfère, lorsque tout se déroule à une vitesse folle, et que ça arrive de tous les angles. J'étais plus impliqué du côté défensif à ma deuxième saison, c'est vrai, mais les accolades doivent revenir à Tim Burke (le coordonnateur), aux autres entraîneurs défensifs, ainsi qu'à Jim (Popp), qui a amélioré la qualité de nos joueurs grâce à de bonnes embauches.

Q Il ne reste qu'une année au contrat de Jim Popp. Est-ce que vous seriez plus confortable s'il concluait une prolongation de contrat?

R C'est grâce à Jim si je suis ici, et nous sommes des partenaires sur toute la ligne. Je ne sais même pas comment je pourrais effectuer mon travail sans lui. Notre chimie est excellente, et notre formule est bien définie. Sa négociation de contrat ne me regarde pas, et le football est parfois un drôle de business, mais je suis incapable d'imaginer notre organisation sans Jim. Robert (Wetenhall) et Larry (Smith) sont très importants, mais Jim est à la base de tout ce qu'on fait.

Q Vous n'aviez jamais été un entraîneur-chef avant votre arrivée à Montréal, en 2008. Avez-vous l'impression d'avoir grandi dans ce rôle au cours des deux dernières saisons?

R Scott Milanovich (le coordonnateur de l'attaque) et les autres entraîneurs comprenaient mieux ce que je désirais du côté offensif à ma deuxième saison, ce qui m'a permis de me consacrer davantage à mon rôle d'entraîneur-chef. J'ai donc pu prendre plus de responsabilités. J'ai énormément confiance en Scott, ce qui me permet de passer plus de temps avec la défense et les unités spéciales, et c'est ce qui est agréable. Il y a tellement d'aspects différents au football.

Q Quel est votre principal objectif à l'aube du camp d'entraînement?

R Je peux vous dire que le camp sera extrêmement compétitif, car Jim et Marcel Desjardins (l'assistant au directeur général) ont réalisé plusieurs bonnes embauches. Et aucun joueur ne participera à notre camp d'entraînement si on ne croit pas réellement qu'il peut se tailler une place dans notre équipe. Plusieurs nouveaux venus auront une chance réelle de percer notre formation partante, et il y aura des surprises, comme chaque année. Cela dit, il n'y aura que six jours entre le début de notre camp régulier et notre premier match préparatoire, alors ces joueurs devront s'adapter rapidement. Alors, je ne sais pas s'il s'agit d'un objectif, mais je peux vous assurer que la compétition sera féroce.

Q À sa deuxième saison complète chez les Alouettes, Luc Brodeur-Jourdain est-il un candidat pour un poste régulier au sein de la ligne à l'attaque?

R On fera preuve de prudence avec Bryan Chiu, Paul Lambert sera donc souvent utilisé au centre pendant le camp d'entraînement. Ça permettra à Luc de jouer beaucoup, et oui, il obtiendra la chance d'obtenir un poste régulier. Il a démontré qu'il pouvait être un joueur régulier dans notre ligue en 2009.

Q Le demi de coin Paul Woldu est un autre joueur canadien qui semble posséder un beau potentiel. Pourrait-il représenter une solution de rechange au départ de Davis Sanchez?

R Paul est un joueur très instinctif, suffisamment robuste pour connaître du succès dans les rangs professionnels, et son attitude est irréprochable. Il obtiendra la chance de devenir notre demi de coin du côté large au camp, comme plusieurs autres demis défensifs, dont Étienne Boulay.

Q Y aura-t-il une compétition pour le poste de maraudeur entre Boulay et Matthieu Proulx, ou ce dernier est-il officiellement le partant?

R Il y aura une compétition. J'ai pris une décision injuste en remplaçant Étienne en fin de saison, même s'il avait très bien joué pendant l'absence de Matthieu. Je n'avais aucune raison de prendre cette décision, sinon que je me sentais plus à l'aise avec Matthieu sur le terrain. C'était injuste pour Étienne, mais il a accepté la décision sans se plaindre, en parfait joueur d'équipe. Alors il aura maintenant la chance d'obtenir un poste de partant.

Q Les Tiger-Cats de Hamilton ont connu leur meilleure saison depuis plusieurs années en 2009, et les Argonauts de Toronto et les Blue Bombers de Winnipeg ont procédé à plusieurs changements pendant la saison morte. Croyez- vous que la compétition à l'intérieur de votre division sera plus forte cette année?

R Je ne dirais jamais que la division Est sera meilleure que celle de l'Ouest, mais je crois qu'il y a une parité qui s'installe. L'arrivée du nouvel entraîneur-chef, Paul LaPolice, et du quart Buck Pierce aideront certainement les Blue Bombers; la défense des Argonauts est l'une des meilleures du circuit et l'attaque sera améliorée par la présence de Jim Barker (entraîneur-chef) et de Jaime Elizondo (coordonnateur); et Marcel Bellefeuille fait un travail exceptionnel avec les Tiger-Cats, une équipe jeune et dynamique. Il n'y a donc aucun doute à mon avis que notre division sera beaucoup plus forte qu'à mes deux premières saisons.

Q Votre conquête de la Coupe Grey changera peut-être la perception qu'ont certains observateurs de votre équipe. Est-ce qu'il y aura moins de pression sur vous en 2010?

R Je n'ai jamais senti qu'il y avait plus de pression sur nous à cause des années antérieures, car je n'étais pas ici auparavant. C'est certain que je n'ai pas la même perspective que quelqu'un qui était ici. Et de toute façon, on ne se motive jamais en pensant à la saison précédente, il n'y a aucune corrélation. Ce n'est pas du baratin, je le pense réellement. La saison dernière est terminée, on ne recevra pas un laissez-passer («mulligan») parce qu'on a gagné l'an dernier.