Selon ses propres dires, Cody Fajardo est loin d’avoir atteint son potentiel. À 30 ans, le nouveau quart-arrière des Alouettes de Montréal arrive dans la métropole avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Il veut gagner, relancer sa carrière… et manger de la bonne bouffe italienne.

Fajardo était à son domicile de Reno, au Nevada, lors de la visioconférence organisée par La Presse. Le Californien portait une veste de sport grise et une casquette des Alouettes couleur marine. « Je viens de la recevoir par la poste, je l’aime beaucoup », dit-il en courbant la palette avec ses deux mains comme un père de famille au match de soccer de ses enfants le dimanche matin.

Fidèle et éternel amant des Angels de Los Angeles, Fajardo est heureux d’avoir un peu de rouge dans sa garde-robe, autre que celui des chandails aux couleurs de l’équipe de son enfance. « Je suis content parce que le bleu ressemble à celui de mon université. Depuis que j’ai 6 ans, je n’ai jamais joué dans un uniforme rouge. »

Décontracté, pince-sans-rire et visiblement encore emballé de s’être entendu avec les Alouettes, Fajardo pourrait devenir la coqueluche des partisans montréalais. Non seulement grâce à ses prouesses sur le terrain, mais aussi par sa loquacité, sa curiosité et sa fraîcheur.

Lors de l’entrevue, l’auteur de ces lignes se trouvait attablé au stade IGA. Le bruit des balles de tennis en trame de fond a enthousiasmé Fajardo. « Je joue au tennis ! Je le regarde quelquefois le soir, mais j’aime vraiment y jouer ! J’ai reçu justement une nouvelle raquette pour Noël. Il a beaucoup neigé ici, donc je n’ai pas pu l’essayer. Est-ce qu’il y a de beaux terrains à Montréal ? J’ai plus joué au pickleball, c’est populaire à Montréal ? »

Cet intérêt sincère envers son nouveau milieu de vie s’est traduit dans la majorité de ses réponses.

Si le quart-arrière a choisi Montréal lorsqu’il est devenu joueur autonome, ce n’est pas seulement pour y jouer. C’est pour y vivre.

Les Alouettes et les Argonauts de Toronto étaient les deux équipes au haut de sa liste. Sa priorité était d’aboutir dans une formation où il serait le quart partant dès le premier match de la saison.

« Après une année plus difficile, tu ne peux pas rester là en attendant qu’une équipe t’appelle désespérément pour recoller les morceaux. Quand ta réputation est affectée, tu veux jouer le plus tôt possible. C’était important pour moi d’oublier les mauvais coups et d’être partant dès la première semaine. »

L’année dernière, les Roughriders de la Saskatchewan avaient démarré sur les chapeaux de roues avec 4 victoires à leurs 5 premiers matchs, mais ils ont encaissé 11 défaites à leurs 13 derniers, dont 7 de manière consécutive.

Pour lui, Montréal est synonyme de nouveau départ. Il est convaincu d’avoir rejoint une équipe talentueuse, mais d’avoir misé sur une ville ayant la capacité de rendre sa famille et lui heureux à nouveau.

« Il y a tellement de boutiques, je pense que ma femme a hâte d’y être. Il y a aussi de très bons restaurants. Je veux apprendre le français justement pour comprendre ce que je commande ! Il y a de la cuisine de partout dans le monde, c’est merveilleux, lance l’adepte de plats italiens. Tu vas avoir besoin de m’envoyer tes meilleures adresses ! »

Prendre des risques

Fajardo se décrit comme un quart-arrière « solide » et « peu orthodoxe ».

À vrai dire, il est plutôt téméraire : « Je ne suis pas un quart qui fera juste des passes de sa pochette. Je vais courir et plonger avec les épaules devant pour aller chercher une verge de plus. Je joue chaque jeu comme si c’était mon dernier. »

La saison dernière, il a terminé au deuxième rang des quarts de la ligue canadienne pour le nombre de verges accumulées par la course.

Je sais que ça peut en effrayer certains. Plusieurs aimeraient que je me laisse glisser plus souvent.

Cody Fajardo

Il en est conscient : « Par le passé, j’essayais de trop en faire. C’est là que les erreurs surviennent. » Il a toutefois attendu son tour trop longtemps pour « éviter le trouble, favoriser l’option facile ou [se] protéger sans arrêt ».

Il a patienté quatre saisons avant d’obtenir son premier départ, en 2019. « Je laisse tout sur le terrain, comme si c’était mon dernier jeu chaque fois. »

D’ailleurs, il fait la promesse aux partisans des Alouettes que le meilleur est encore à venir. « Je ne crois pas avoir atteint mon plein potentiel. Je suis excité de le montrer aux partisans des Alouettes et aux gens de la ligue. »

Il veut, dit-il, « être pris au sérieux ».

Les retrouvailles

Fajardo n’avait jamais perdu le contact avec son ancien entraîneur à Regina, Jason Maas. Le nouveau pilote des Alouettes a été un élément crucial pour convaincre le quart-arrière de s’entendre avec les Moineaux.

« On a traversé tellement de choses ensemble. On a gagné beaucoup de matchs, on est allés en finale de l’Ouest et on a raté les éliminatoires », souligne l’athlète de 6 pieds 2 pouces et 223 livres.

Le nom de Maas a été prononcé à maintes reprises au cours de l’entrevue.

Ce que je respecte le plus à propos de coach Maas, c’est que peu importe la situation, il reste le même.

Cody Fajardo

En connaissant son système, ses goûts et ses schémas, Fajarado croit partir avec une longueur d’avance, puisqu’il pourra mettre l’accent sur autre chose dès l’ouverture du camp d’entraînement. « Je vais pouvoir me concentrer sur ma technique, les vidéos, et apprendre à connaître les gars. Ce sont des détails très importants », précise le quart-arrière au sujet de son entraîneur.

Entraîneur qui, paraît-il, excelle aussi au pickleball. « C’est un immense fan ! On a essayé de jouer ensemble à Regina, mais je n’avais pas ma raquette, sauf que c’est sûr que je vais l’apporter à Montréal s’il y a des terrains », confie le vétéran.

Fajardo a souri tout au long de l’entrevue. Notamment parce que, selon lui, l’avenir est radieux pour les Alouettes : « Ce n’est pas une reconstruction, assure-t-il. En regardant notre alignement, on a vraiment une équipe talentueuse. Je pense qu’on surprendra beaucoup de gens. D’après moi, on sera très compétitifs. »

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Cody Fajardo contre les Alouettes au stade Percival-Molson en octobre 2021

Toute l’histoire entourant le changement de propriétaire, l’implication de la Ligue, les enjeux autour de la présidence et les problèmes financiers de l’équipe ne l’ont jamais inquiété. Il a fait confiance au directeur général, qu’il surnomme Danny Mac, et la Ligue canadienne.

Avec Pierre Karl Péladeau comme propriétaire, l’organisation peut enfin regarder vers l’avant, croit-il : « En écoutant la conférence de presse, même si la majorité était en français et que je ne comprenais rien, je pouvais sentir son énergie. On a un nouveau propriétaire, un nouveau coach et un nouveau quart. Si on est capables de traduire cet optimisme sur le terrain, on gagnera beaucoup de matchs en début de saison. »

À plus court terme, Fajardo était fébrile également pour son alma mater, l’Université du Nevada, en ouverture du March Madness. Il allait regarder le match en soirée, car « tout le monde est excité à Reno ».

Le Wolf Pack s’est finalement incliné devant les Sun Devils d’Arizona State. De toute façon, dans son pool, il a prédit une finale entre Alabama et Houston. « Quand tu joues à la maison, comme Houston, tu bénéficies d’un énorme avantage. »

Il espérera sans doute confirmer cette affirmation sur le terrain du stade Percival-Molson. D’ici là, il devrait emménager dans sa nouvelle maison montréalaise d’ici quelques semaines.

Juste avant de fermer son ordinateur, à la dernière seconde, Fajardo a insisté sur une toute dernière chose : « N’oublie pas de m’envoyer ta liste pour les restos ! »