Anthony Calvillo s’est retiré du monde du football avec trois Coupes Grey et de nombreux records faisant de lui l’un des sportifs les plus accomplis à Montréal. Malgré des démons qui l’ont hanté toute sa vie, il est parvenu à trouver la paix. Et à l’apprécier.

Calvillo a vécu le rêve de tous les sportifs. Il a gagné. Il a connu la gloire et tous les agréments qu’engendre le fait d’être une célébrité. Néanmoins, chaque fois qu’il pouvait entrevoir la lueur, une part d’ombre le ramenait à ce qu’il était. Un garçon qui avait commencé sa vie avec un deuxième essai et long, avec peu de munitions pour traverser le terrain en quête d’une meilleure situation.

C’est l’acteur oscarisé Matthew McConaughey qui a déjà dit que la vie était injuste. Qu’elle l’a toujours été et qu’elle le sera toujours.

Calvillo a grandi dans une banlieue défavorisée de Los Angeles. Bousculé quotidiennement par la violence à la maison, engendrée par son père envers sa mère, sa fratrie et lui-même. Il a réussi à mettre la tête hors de l’eau, dans une province francophone du nord de l’Amérique qui l’a accueilli à bras ouverts. Puis pendant qu’il était occupé à faire de Montréal une ville de football, en coulisses, il a dû combattre deux cancers. Le sien et celui de sa femme.

C’est pour raconter « les choses [qu’il a] apprises, les choses [qu’il a] faites et les choses [qu’il a] dû surmonter » que l’homme de 50 ans a lancé sa biographie Le passeur, écrite en collaboration avec Joanie Godin, à la mi-novembre. Il croit qu’en couchant sur papier son histoire hors de l’ordinaire, il pourrait aider à sauver quelqu’un.

Toute sa vie, Anthony Calvillo a refusé de s’acharner sur son sort, préférant avancer toujours, allant même jusqu’à nier ce qu’il avait dû subir.

C’est lorsque la Ligue canadienne de football (LCF) a tourné un documentaire sur lui, en 2011, qu’il s’est ouvert pour la première fois sur la violence dont il avait été témoin.

« Pour être honnête, c’est la première fois qu’on en parlait aussi entre nous [avec sa famille]. Ça a fait remonter à la surface beaucoup de souvenirs, beaucoup d’émotions. Mais ça a été très thérapeutique de parler de ça, parce qu’on ne l’avait jamais fait. »

Il a toujours voulu protéger sa femme et ses enfants de cette période trouble de sa vie. Il voulait épargner les siens du malheur. Cependant, il n’a rien pu faire pour empêcher la maladie.

En 2010, il a annoncé être atteint d’un cancer de la glande thyroïde. Trois ans auparavant, c’est sa femme Alexia qui avait été frappée par un lymphome malin aux poumons.

« C’était ma vie. Je ne pensais pas à vivre une meilleure vie. J’essayais juste de survivre. Je n’avais pas d’attente. »

Un vrai Montréalais

Au moment de prendre sa retraite, Calvillo était le meilleur passeur de l’histoire du football professionnel. Il détenait aussi les records de la LCF pour le nombre de passes de touché et de passes réussies.

Non seulement il a contribué à ramener la Coupe Grey dans la métropole, mais il a aussi participé à l’établissement d’une « culture du football » dans la province.

« À ma retraite, lorsque je repensais à ce qu’on avait accompli, oh que j’étais fier ! », a lancé Calvillo.

Les conquêtes de 2002, 2009 et 2010 auront permis aux Montréalais de vivre une véritable frénésie.

Puisqu’il est établi dans la métropole à temps plein depuis 2000, les gens qu’il croise ici et là le remercient encore. C’est pour eux qu’il est allé de l’avant avec son ouvrage. C’est un peu pour les remercier de l’avoir accueilli chez eux. Aujourd’hui, ces gens sont ses concitoyens. Et il leur parle en français.

Nul doute, Calvillo est chez lui à Montréal.

J’ai vécu ici plus longtemps que n’importe où ailleurs dans ma vie. C’est ma maison. Quand les gens nous demandent d’où on vient, on dit qu’on vient de Montréal.

Anthony Calvillo

Si Calvillo a été le visage des Alouettes pendant une quinzaine d’années, il raconte que le succès collectif de l’équipe a « donné envie aux jeunes d’ici de jouer au football ».

Dans son livre, qui par ailleurs n’était offert qu’en français à son lancement, il explique que les joueurs, les entraîneurs et les dirigeants ont aussi contribué à cette recrudescence. « Les gens ne comprennent pas à quel point c’était difficile de gagner année après année. »

Au jeu de la vie, Calvillo n’a peut-être pas toujours eu les devants, mais il a toujours eu le dernier mot. Avec les trois femmes de sa vie, sa conjointe et leurs deux filles, il entame la cinquantaine avec l’objectif de mordre dans chaque jour qui lui est offert. Il sait trop bien que la vie est si fragile.

Le passeur

Le passeur

Les Éditions de l’Homme

224 pages