Après avoir analysé sa situation sous tous ses angles, Laurent Duvernay-Tardif en est venu à la conclusion qu’il devait placer la médecine avant le football à partir de maintenant. Il a ainsi décidé de commencer sa résidence en médecine dès cet été.

« J’ai été accepté en médecine à la résidence. J’ai mon permis de travail et je vais commencer le 1er juillet. Je n’avais pas le choix de faire mon application en médecine ce cycle-ci, sinon, ça aurait fait plus de quatre ans depuis le moment où j’ai gradué et je n’aurais pas pu réappliquer en médecine », a expliqué Duvernay-Tardif lors d’un entretien avec La Presse, mercredi.

« J’ai appliqué quelques semaines après avoir été échangé aux Jets. La volonté est encore de pouvoir combiner médecine et football. J’ai eu une entrevue en mars et j’ai été accepté à la résidence à la mi-mai. J’ai discuté avec le Collège des médecins du Québec et on a déterminé qu’il fallait que je commence le 1er juillet. »

Duvernay-Tardif aurait-il pu demander un privilège afin de reporter le début de sa résidence et ainsi poursuivre sa carrière dans la NFL ? Peut-être. Mais il a préféré suivre les règles à la lettre.

« C’est un peu une zone grise parce que personne ne fait ça [commencer sa résidence plus de quatre ans après avoir obtenu son diplôme], mais en théorie, ton doctorat en médecine n’est plus valide. J’avais huit ans pour compléter mes études en médecine, et c’est ce que j’ai fait. Je devais commencer ma résidence quatre ans après avoir été diplômé, et c’est ce que je ferai. »

Je ne voulais pas profiter de ma notoriété pour faire les choses différemment, je voulais faire comme les autres.

Laurent Duvernay-Tardif

Cela dit, Duvernay-Tardif, qui est actuellement joueur autonome, pourra se joindre à une équipe de la NFL en septembre.

« Je pourrai décider de prendre une pause après deux mois de résidence. Mais de ne pas commencer la période d’introduction à la spécialisation en même temps que tout le monde, ça aurait eu un impact négatif sur mon cursus, surtout que ça fait quatre ans que je n’ai pas été dans le système, en excluant ma contribution durant la pandémie.

« Je vais prioriser ma médecine cet été, puis on considérera ce qui sera sur la table sur le plan football cet automne. »

Des offres de contrat

Échangé des Chiefs de Kansas City aux Jets de New York l’automne dernier, Duvernay-Tardif est devenu joueur autonome en mars. Le garde et son agent Sasha Ghavami ont discuté avec plusieurs équipes.

« On a reçu l’appel de plusieurs équipes qui nous ont proposé des offres de contrat depuis mars, certaines d’elles ont même appelé Sasha toutes les semaines durant des mois. Mais il y avait l’incertitude entourant la médecine.

« Je ne savais pas de quelle façon les équipes réagiraient en sachant que j’allais commencer la médecine le 1er juillet, mais il y a quand même eu une ouverture de certaines d’entre elles. On a donc convenu avec celles-ci de se reparler après le camp d’entraînement. »

PHOTO BRAD PENNER, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Laurent Duvernay-Tardif avec les Jets de New York

La plupart des équipes de la NFL amorcent leur camp dans la dernière semaine de juillet. La saison débutera le 8 septembre.

Il n’y a bien sûr aucune garantie que Duvernay-Tardif recevra une offre en septembre ou en octobre.

Je suis conscient que mes chances d’être un joueur partant dès la première semaine de la saison auraient été supérieures si j’avais signé un contrat en mars ou en avril et si je m’étais entraîné avec l’équipe durant toute la saison morte. Ce ne sera peut-être pas le cas en ayant pris la décision que j’ai prise.

Laurent Duvernay-Tardif

« Mais si j’ai encore l’amour du football en septembre, c’est sûr que je vais mettre le pied sur un terrain. Je vais choisir une équipe qui me donne les meilleures chances de le faire. Sur 64 gardes partants [dans la NFL], nommez-moi une année où aucun d’entre eux ne s’est blessé durant le camp ? Je pense que je me donne une plus grande liberté au bout du compte.

« Le fait que j’ai été capable d’assimiler un nouveau livre de jeux en me joignant à une nouvelle équipe en si peu de temps [10 jours] sera un avantage. Et d’avoir joué au niveau auquel j’ai joué si rapidement sera la carte la plus importante dans mon jeu, je pense. »

Des probabilités de 50 %

Lorsqu’on a demandé à Duvernay-Tardif d’évaluer les probabilités qu’on le voie sur un terrain de la NFL l’automne prochain, il a hésité durant quelques secondes.

« C’est 50-50. Je dirais que les probabilités de recevoir un contrat sont à 90 %, mais les chances que ça cadre bien, que la médecine se soit bien passée, et que j’accepte de retourner dans la NFL sont de 50-50.

« Je ne sais pas si c’est ce que je souhaiterai faire, car il faudra voir de quelle façon se dérouleront mes deux mois à l’hôpital. Est-ce que je sentirai que j’ai pris trop de retard en médecine au cours des quatre dernières années ? Si je sens que je vais nuire à ma pratique médicale en retournant jouer au football, je ne le ferai sûrement pas. Mais la porte est ouverte et l’horaire le permettrait sûrement. »

C’est en médecine de famille et en urgence que Duvernay-Tardif amorcera sa résidence dans le système de l’Université McGill. Bien qu’il ait déjà discuté de la possibilité de prendre une pause de cinq mois afin de pouvoir se joindre à une équipe de la NFL dans quelques mois, Duvernay-Tardif est convaincu qu’il fait le bon choix à court terme.

À une ou deux années de ma retraite de joueur, je ne peux pas prendre une décision qui pourrait mettre ma médecine en péril pour les 40 prochaines années.

Laurent Duvernay-Tardif

Le Québécois avoue avoir sérieusement songé à annoncer sa retraite au cours des derniers mois. Mais il reconnaît qu’il aurait eu beaucoup de difficulté à refuser une offre intéressante en septembre ou en octobre si elle s’était présentée.

« J’ai songé à annoncer ma retraite, mais lorsque j’ai parlé de la médecine avec les équipes qui étaient intéressées à mes services, elles comprenaient. Il n’y a aucun directeur général qui peut dire que je ne prends pas la bonne décision. C’est possible qu’il y ait moins d’intérêt qu’il y en a actuellement [cet automne], mais personne ne peut remettre en doute mon choix. C’est la décision à prendre, j’ai étudié 14 ans en médecine. »

Non aux Alouettes

Les équipes qui ont de l’intérêt pour Duvernay-Tardif lui ont assuré qu’elles ne fermeraient pas la porte et qu’elles resteraient en contact avec lui. Tout en se préparant pour sa résidence, le joueur continue de s’entraîner pour rester fin prêt.

« C’est sûr qu’on ne peut pas entièrement se préparer à jouer au football sans le faire, mais je connais la routine de mon sport et je connais mon corps. Je sais que je suis suffisamment en forme pour jouer. Si je prenais un vol pour me joindre à une équipe demain matin, je ne serais pas intimidé du tout au niveau de la forme physique. »

S’il décide de jouer à nouveau, Duvernay-Tardif le fera pour une équipe qui aspire au Super Bowl. « Ce n’est plus une question d’argent. Le plus important sera de faire partie d’une équipe qui a des chances de gagner le Super Bowl. »

Et si les choses ne devaient pas fonctionner dans la NFL ? Duvernay-Tardif accepterait-il de jouer pour l’équipe de sa ville, les Alouettes ? Il a déjà joué au football canadien à l’université et il n’y a pas le moindre doute que sa présence chez les Alouettes remplirait à elle seule le stade McGill. L’intérêt pour les Oiseaux n’aurait peut-être jamais été aussi grand, certainement pas depuis la gloire des années 1970.

« Ce sont des belles idées de marketing ! Mais non, je ne pense pas que ce soit une possibilité. J’ai l’impression que si je mets ma médecine en veilleuse à nouveau, ce sera dans l’optique d’aller gagner un autre Super Bowl.

« Je le dis en toute humilité et je ne veux pas avoir l’air de faire la grosse tête, mais je mise sur moi-même. Je me permets de regarder ce qui est le mieux pour moi d’un point de vue plus holistique et macro au lieu de simplement voir ça d’un point de vue football. Je suis heureux dans ma position actuelle. »