Les joueurs de sept équipes de la Ligue canadienne de football (LCF) sont en grève depuis dimanche et il en sera probablement ainsi pour ceux des Elks d’Edmonton et des Stampeders de Calgary lorsqu’ils pourront légalement le faire en Alberta à compter de ce mercredi. Doit-on s’attendre à un conflit de travail d’une longue durée ? C’est très improbable.

De ce que l’on sait, les négociations entre la LCF et l’Association des joueurs sont rompues depuis que la partie patronale a quitté la table de négociation, samedi. Son offre « finale » venait d’être rejetée par l’Association des joueurs.

Le commissaire du circuit, Randy Ambrosie, a ensuite publié une lettre ouverte adressée aux partisans et aux joueurs dans laquelle il a dévoilé l’offre de la Ligue. Une stratégie qui n’a bien sûr pas été très populaire au sein du syndicat…

De son côté, l’Association des joueurs a indiqué dans un communiqué que les équipes interdisaient l’accès à leurs installations en utilisant la formule « locked out ». Mais ce sont bien les joueurs qui font la grève, rappelons-le. Bref, les deux côtés font de leur mieux pour s’attirer la faveur du public. Un public qui s’intéresse très peu à ce conflit de travail, devons-nous préciser.

À ce qu’il paraît, ce ne serait plus tant des questions salariales qui déplairaient aux joueurs. Il s’agirait plutôt du fameux ratio de joueurs canadiens, entre autres.

La Ligue voudrait que le nombre obligatoire de joueurs canadiens soit diminué de 20 à 19 par équipe, et que le nombre de partants canadiens obligatoires passe de sept à six par club. Le joueur canadien en moins devrait obligatoirement être remplacé par un joueur américain qui aurait disputé au moins quatre saisons dans la LCF ou trois avec son équipe actuelle.

À première vue, cette demande de la Ligue semble tout à fait raisonnable. Surtout lorsque l’on sait que les joueurs américains – qui sont généralement plus utilisés que les joueurs canadiens – gagnent souvent le salaire minimum de la ligue et qu’ils sont interchangeables pour la plupart vu le bassin de joueurs de talent que l’on retrouve aux États-Unis.

L’Association des joueurs représente-t-elle uniquement les intérêts de ses joueurs canadiens ou de tous ses membres ? C’est une question légitime.

Cela dit, Ambrosie et les gouverneurs de la LCF méritent une bonne part de blâme pour avoir utilisé une tactique un peu basse. Une tactique à l’aide de laquelle ils croyaient pouvoir coincer les joueurs. Comme cette ligue l’a trop souvent fait par le passé.

En attendant le plus tard possible pour amorcer les discussions, la LCF pensait sûrement que les joueurs capituleraient à la dernière heure, comme ils l’ont si souvent fait par le passé. Mais cette fois, ça ne s’est pas produit.

Qui plus est, la Ligue aurait présenté une première offre dérisoire à l’Association des joueurs, gaspillant encore plus de temps précieux. Un contrat de travail de 10 ans sans aucune augmentation salariale… alors que l’inflation est le sujet de l’heure. Et alors que la manne du pari sportif n’a pas fini de faire pleuvoir des dollars sur l’industrie du sport professionnel. Les cotes d’écoute devraient normalement augmenter au cours des prochaines années et c’est sans parler des annonceurs – une publicité sur deux est celle d’un quelconque site de paris sur les différentes chaînes sportives.

L’offre de la Ligue qui est sur la table serait d’une durée de sept ans, ce qui n’est certainement pas un hasard. Si la LCF soutient que c’est pour trouver l’harmonie et pour savoir quels seront ses frais de fonctionnement à long terme, elle ment à pleines dents. La Ligue sait fort bien qu’il est très probable que ses revenus augmenteront considérablement au cours des prochaines années. À condition qu’elle joue bien ses cartes, ce qui est une tout autre histoire…

Une réalité différente des autres ligues

Les salaires des joueurs de la LCF n’ont rien à voir avec ceux des grandes ligues professionnelles en Amérique du Nord (NFL, baseball majeur, NBA et LNH). Alors qu’on calcule à coups de millions ailleurs, on parle en tranches de 5000 $ ou de 10 000 $ dans la LCF, où la majorité des joueurs gagnent moins de 100 000 $ par année.

Les contrats ne sont même pas garantis – bien que la Ligue soit maintenant prête à garantir une partie de ceux-ci si l’on se fie à sa dernière proposition.

On peut comprendre la position des joueurs, dont la carrière ne dure normalement que quelques années dans la grande majorité des cas. Ils veulent être rémunérés à leur juste valeur.

Ils tiennent à leur santé à long terme, aussi. L’un des autres points d’achoppement serait la volonté des équipes de voir leurs joueurs s’entraîner avec leurs épaulières un certain nombre de fois par année. Les joueurs préféreraient pouvoir s’entraîner sans contact, comme ils le font actuellement.

Mais au bout du compte, et comme l’a bien résumé Kristian Matte dimanche à Trois-Rivières, personne n’aime perdre de l’argent. Et ce n’est pas comme s’il coulait à flots dans le monde du football canadien ! Les joueurs veulent toucher à leur salaire lorsque la saison s’amorcera et la Ligue ne veut pas avoir à annuler des matchs. C’est encore plus vrai après la pandémie de 2020 et la saison écourtée de 2021.

La seule autre fois qu’il y a eu un conflit de travail dans la LCF, c’était en 1974, et aucun match n’avait eu à être annulé. Ça devrait ressembler à ça 48 ans plus tard. Les deux côtés pourraient choisir de sacrifier les matchs préparatoires en restant bien campés sur leur position, mais les probabilités que la saison ne débute pas comme prévu avec le match entre les Alouettes et les Stampeders le 9 juin à Calgary sont extrêmement faibles.