Il n’y a pas de fumée sans feu. Et lorsque cette fumée sort depuis plus d’un an, on ne parle pas d’un petit feu de camp.

Pour une deuxième année de suite, des rumeurs ont circulé au sujet de l’avenir de la Ligue canadienne de football (LCF), plus précisément de son jeu à trois essais. C’est même davantage que des conjectures puisque la LCF aurait sérieusement envisagé de passer à quatre essais au cours des derniers jours.

Actuellement à Toronto pour le camp d’évaluation national et afin de prendre part à des réunions de la ligue, Danny Maciocia et Khari Jones ont toutefois confirmé que le football professionnel canadien continuerait d’être joué à trois essais… en 2022.

« Je peux vous dire qu’on va trouver des façons de conserver ce qui est en place. On va possiblement modifier certaines choses, mais on va jouer à trois essais », a dit Maciocia.

« C’est une décision qui nous plaît beaucoup. Je pense qu’on partage cette opinion et cette vision. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Danny Maciocia, directeur général des Alouettes

Sans vouloir entrer dans les détails, le directeur général des Alouettes a précisé que la LCF explorait plusieurs avenues afin d’améliorer le spectacle et pour qu’il se marque davantage de points que la saison dernière.

On veut continuer d’améliorer le produit à trois essais. C’est un vœu que l’on partage, nous et les autres équipes.

Danny Maciocia

Pour être honnête, il aurait été impossible, ou du moins absurde, de passer à quatre essais alors que les neuf clubs ont déjà construit leur alignement pour jouer à trois essais… On ne recherche pas le même genre d’alignement à trois essais ou à quatre essais. Ce serait comme construire une équipe de badminton pour aller jouer au tennis. La comparaison est bancale, mais n’est pas si loin de la vérité.

En ce sens, ce n’est pas une surprise que la LCF ait choisi de jouer au moins une autre saison avec trois essais. À moyen terme, c’est beaucoup moins clair.

La USFL et la XFL

À mon humble avis, ce n’est pas tant pour marquer plus de points que la LCF envisage sérieusement de jouer à quatre essais. La preuve, c’est que les rumeurs circulaient déjà avant la saison dernière…

D’ailleurs, en jouant à quatre essais avec les dimensions actuelles des terrains de la LCF, les matchs se termineraient 85-69 et 77-58. Ce n’est pas du basketball qu’on veut.

La vraie raison, c’est plutôt ce qui se profile au sud de la frontière avec la USFL, qui disputera son premier match à la mi-avril, et la XFL, qui doit reprendre ses activités l’an prochain. La USFL appartient au réseau FOX, tandis que la XFL est menée par le « Rock » – Dwayne Johnson de son vrai nom. Autrement dit, ces ligues auront un large auditoire et beaucoup de publicité.

Si ces ligues jouent bien leurs cartes, leurs cotes d’écoute devraient passer de respectables à très bonnes au cours des cinq prochaines années, ne serait-ce qu’en raison de la légalisation du pari sportif. Les Américains voudront regarder de plus en plus de football sur lequel ils pourront parier. Ils n’ont rien à se mettre sous la dent entre le botté d’envoi de la NFL en septembre et le Super Bowl en février.

À l’inverse, le marché de la LCF, lui, semble plafonné. Au mieux. L’auditoire vieillit et les trois plus grands marchés (Toronto, Montréal et Vancouver) en arrachent depuis longtemps. La croissance de la NFL ne ralentira certainement pas, et la USFL et la XFL occuperont maintenant le vide entre mars et août.

Pendant ce temps, la LCF continuera de voir sa deuxième moitié de saison passer complètement dans le vide, cachée par la NFL et la LNH. Au risque de déplaire aux puritains, il ne fait absolument aucun sens que la LCF concurrence directement la NFL durant trois mois (de septembre à novembre). C’est presque suicidaire.

Une ligue de l’Ouest

Ces mêmes puritains souhaiteraient le statu quo à jamais pour la LCF. Les mêmes villes, les mêmes règles et le même calendrier. Le problème, c’est que ce seraient également les mêmes résultats financiers dans ce cas.

Et le statu quo sur le plan financier n’est assurément pas une option pour Toronto ni Montréal. On peut peut-être même dire la même chose d’Ottawa et de Vancouver.

Plus que jamais, la LCF est une ligue de l’Ouest, alors que la Saskatchewan, Edmonton, Winnipeg et Calgary connaissent un certain succès, tandis que les autres villes cherchent des solutions afin de se maintenir à flot. En mode survie, constamment.

La meilleure solution serait une ligue à 20-25 équipes qui regrouperait la LCF, la USFL et la XFL. Un circuit qui serait comparable à la MLS et qui jouerait de mars à août. Une telle fusion renforcerait toutes les parties impliquées, surtout si la NFL décidait d’apporter une certaine aide, comme elle le fera en conseillant la USFL cette saison.

Mais allez dire ça aux joueurs et aux gens qui ont fait carrière dans la LCF. La position de Maciocia et de Jones était d’ailleurs assez bien campée, jeudi…

Il y a évidemment des partisans qui préfèrent le jeu canadien ou qui boudent tout simplement la NFL (et leur plaisir) avec une forme de patriotisme mal placé. Ceux-là tiendront coûte que coûte à ce que la LCF reste telle qu’on la connaît.

En contrepartie, il y a fort probablement autant de partisans du jeu à quatre essais dans plusieurs villes au Canada, dont les deux plus grosses. On ne parlera même pas du marché des États-Unis…

Selon Maciocia, personne dans la LCF n’a toutefois fait pression afin que le jeu à quatre essais soit adopté ou afin qu’il y ait des changements majeurs. « Je n’ai jamais senti que des gens nous forçaient à considérer fortement les quatre essais. Je pense qu’on a eu une bonne conversation [à Toronto] et qu’il y a eu de bons échanges entre les présidents d’équipes, les directeurs généraux et les entraîneurs-chefs. »

« Je ne peux pas me prononcer sur ce que l’avenir nous réserve, mais j’aime le jeu à trois essais. J’ai été entraîneur au football à trois essais, que ce soit dans les rangs universitaires ou dans la LCF. J’ai grandi avec le jeu à trois essais et c’est ce que je connais, mais il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée. »

Les avantages du présentiel

Plusieurs autres réunions entre la ligue et les neuf équipes étaient prévues, jeudi et vendredi. L’attention se tournera ensuite vers les espoirs qui participeront au camp d’évaluation au cours du week-end.

Après une absence de deux ans en raison de la pandémie, ce rendez-vous annuel est encore plus apprécié par Maciocia et Jones.

« Il n’y a rien comme voir les joueurs de près. Pouvoir observer la façon dont ils bougent, marchent et parlent, je pense que c’est très important », a estimé Jones.

« On peut voir leur langage corporel, la façon dont ils réagissent lorsqu’ils reçoivent des instructions ou la façon dont ils se comportent avec leur entourage. Ce sont toutes des choses qui sont difficiles à évaluer sur Zoom ! Alors je suis très heureux d’être ici », a dit Maciocia.