Quand il était jeune, Benjamin St-Juste n’a pas eu une tonne de modèles de joueurs de football québécois qui pouvaient aspirer à la NFL.

Dans les faits, ils sont une dizaine du Québec à avoir été repêchés dans la NFL, et peu s’y sont vraiment établis. Et personne n’a entendu son nom aussi rapidement que St-Juste depuis Tshimanga Biakabutuka, choisi au premier tour en 1996.

Vingt-cinq ans plus tard, St-Juste a été repêché au 3e tour, 74e au total, par l’Équipe de Washington, et la roue recommence à tourner.

« Ça me tient à cœur pour les joueurs du Québec ; j’en ai fait une priorité », a dit St-Juste lors d’une visioconférence avec les médias de la province. « Je voulais réussir à la NFL parce que j’ai toujours pensé au portrait global. Je pense à l’impact d’être repêché si haut par une bonne équipe, l’image que ça projette pour une génération plus jeune. On a besoin de représentants. Je n’en avais pas plus jeune, je me vois donner de la motivation aux plus jeunes du Québec et je crois qu’on va en voir encore plus dans les années à venir. »

St-Juste a surtout évolué comme demi de coin à l’Université du Minnesota, mais avec ses 6 pi 3 po et 202 lb, il pourrait aussi être employé comme demi de sûreté. Une polyvalence qui a sans doute joué en sa faveur aux yeux des recruteurs.

Dans tous les cas, sa relation avec Washington remontait à janvier dernier, et il avait eu de bonnes rencontres avec l’équipe qui allait le repêcher.

PHOTO TONY DEJAK, ASSOCIATED PRESS

Un partisan de l’Équipe de Washington se réjouit de la sélection de Benjamin St-Juste, vendredi à Cleveland.

« J’avais eu plusieurs rencontres de janvier à avril, j’ai parlé à plusieurs dépisteurs, entraîneurs de position, entraîneurs des unités spéciales, mais je ne pensais pas qu’ils me choisiraient. J’entendais plutôt parler d’autres équipes. »

Puis, à quelques rangs de sa sélection, il a reçu un appel de l’entraîneur-chef de Washington, Ron Rivera, qui lui a confirmé que son tour approchait. Quelques minutes plus tard, il se savait dorénavant drapé du bourgogne et doré, et frappé du W stylisé.

C’est assez fou. J’avais la famille de ma copine avec moi, et 20 personnes sur le Zoom, puis j’ai eu l’appel de coach Rivera. C’était bizarre, j’ai vécu tellement d’émotions, j’étais sur un nuage. Le fait que ça arrive si vite, je vais toujours m’en souvenir.

Benjamin St-Juste

Embûches

Si vite, parce qu’il ne croyait pas que Washington le choisirait. Mais la compétition devenait féroce pour les demis défensifs polyvalents, ce qui a précipité sa sélection.

« J’ai tout de suite pensé à ma famille, au fait que je n’ai pas pu être avec elle à cause de la COVID-19. J’ai pensé à tous les sacrifices de mon père, à mon frère qui était super ému – il suit mon parcours. Ma mère avait mon chandail du Senior Bowl ! »

Le Senior Bowl de janvier dernier est justement le moment où ses prouesses athlétiques ont écarquillé les yeux des équipes de la NFL. Le point d’orgue d’un parcours qui n’aura pas été de tout repos, à commencer par ce jour où il a été retranché d’Équipe Québec, à l’été 2014.

« C’est un évènement parmi tant d’autres, mais ça m’a donné le wake-up call, rien ne va m’être donné, et j’ai commencé à m’entraîner plus fort. Puis, j’ai eu une bourse pour aller jouer à Michigan, puis au Minnesota. Ça a forgé mon processus vers la NFL. »

C’est évidemment un exploit rarissime de partir du cégep du Vieux Montréal, aussi réputé que puisse être son programme de football, pour être repêché dans la NFL. Reste que ce n’est que le jour 1. À court terme, St-Juste devra répondre aux centaines de messages qu’il a reçus. De son propre aveu, son téléphone s’est fermé de lui-même sous le poids des notifications.

Puis, il devra prendre conscience de ce qu’il vient de vivre, ce qui n’est pas simple non plus. Il prendra le temps de décanter tout ça, calmement, et d’en jaser avec ses proches. Il a déjà communiqué avec le directeur des opérations à Washington pour discuter des prochaines étapes logistiques. Puis, ce sera le mini-camp des recrues, le 17 mai.

Après, ce sera à St-Juste de trouver sa place dans le schéma défensif de sa nouvelle équipe.

« Je n’ai pas encore réalisé ce que je vis, ça me prend du temps pour réfléchir, appeler tout le monde, en jaser. D’ici quelques jours, je vais le réaliser, mais je pense déjà aux prochaines étapes. »