(Montréal) Ce n’est pas de cette façon que John Bowman aurait aimé quitter les Alouettes de Montréal et le football de la Ligue canadienne. Il se fait tranquillement à l’idée que c’est à la suite d’un simple appel téléphonique.

« Je pense que j’ai été à la fois déçu et en paix de cet appel (du directeur général Danny Maciocia), a déclaré Bowman à La Presse Canadienne. Je l’ai entendu dire à la radio que si je voulais revenir, il allait me faire une place, alors ce n’était pas vraiment mon choix finalement. Mais en même temps, à quoi s’attendre ? C’est le côté business. Plus tu vieillis, plus tu risques ce genre de situation. En plus, avec la saison ratée et la situation financière qui prévaut dans la LCF, les équipes vont chercher à réduire des salaires ou retrancher certains joueurs. Je ne leur en veux pas. »

Maciocia a admis que la conversation avec Bowman n’avait pas été facile.

« Il n’y a pas grand monde qui n’aime pas John Bowman à Montréal. C’est certain que c’est très difficile. C’est un joueur qui a marqué l’organisation et la Ligue canadienne, qui sera admis au Temple de la renommée, et qui méritera tous les honneurs que nous lui rendrons quand nous pourrons accueillir des spectateurs au stade Percival-Molson. »

Bowman sentait que ce moment arrivait. Après le dernier match éliminatoire des Alouettes en 2019, il avait pleuré à chaudes larmes devant son casier. Savait-il alors ce qu’on vient de confirmer cette semaine ?

« Je suis toujours très émotif à la fin de chaque saison, parce que j’ai toujours été une vieille personne dans un corps jeune, a-t-il dit en riant. J’ai toujours pris chaque match comme s’il allait être mon dernier. Je ne savais pas que ça allait se passer comme ça, mais en même temps je l’ai toujours su, car je suis un vieil homme. Personne ne veut d’un vieil ailier défensif au sein de son équipe. Je pouvais le sentir venir.

« Ce n’est pas que moi : plusieurs joueurs ne seront pas de retour cette saison en raison de la saison perdue. Je sais que c’est triste pour les partisans des Alouettes de ne pas me voir partir selon mes termes, mais nous serons plusieurs dans mon cas. »

Bowman ne ferme pas la porte à disputer une autre saison, mais il ne croit pas qu’il recevra une offre.

« J’ai 38 ans : il n’y pas beaucoup d’équipes à la recherche d’un ailier défensif de 38 ans ! Je ne m’attends pas à recevoir d’offre, mais si on m’appelle, je vais écouter. J’en doute beaucoup. »

Bowman quitte donc après avoir réécrit le livre de records des Alouettes au cours de ses 14 saisons passées à Montréal. En 230 matchs, il a inscrit 134 sacs à sa fiche, plus du double que son plus proche poursuivant, Anwar Stewart, qui en compte 66.

Sans être parfaitement prêt à passer à la prochaine étape — « Qui l’est vraiment ? » —, Bowman a des options.

« Je ne peux pas dire que je me suis préparé, mais j’ai économisé et j’ai parmi mes meilleurs amis qui pourront me tendre une main si j’en ai besoin en Marcus Brady (qui vient d’être promu coordonnateur à l’attaque des Colts d’Indianapolis) et Anwar Stewart (qui est l’entraîneur de la ligne défensive à l’Université du Kentucky). Ils sont en position de me permettre de mettre mon pied dans la porte. Alors je vais compter sur eux.

« Dès que je peux me mettre au parfum, je compte me lancer. À quoi bon attendre quelques années, alors que j’ai envie de me diriger vers le coaching ? »

Tout au long de l’entretien, Bowman a paru serein, échangeant plusieurs blagues avec l’auteur de ces lignes. Il ne regrette rien… sauf peut-être ne pas avoir lui-même appelé Maciocia pour lui dire qu’il libérait une place dans sa formation.

« Tous les athlètes de tous les sports veulent jouer une saison de plus, surtout — et je ne pense pas me flatter l’égo en disant cela — que j’ai plutôt très bien joué au cours de mes dernières saisons. J’étais encore compétitif ; c’est ce qui me laisse un arrière-goût en bouche.

« Quatre-vingt-dix-9 % des athlètes ne quittent pas selon leurs propres termes. Soit les blessures ont raison de vous ou quelqu’un vous dit que vous n’êtes plus assez bon. De quitter en ayant pratiquement jamais été blessé, en n’ayant jamais été libéré, c’est plutôt belle façon de quitter. »