J’espérais le Super Bowl de tous les Super Bowls. J’espérais un match serré et enlevant jusqu’au bout. J’espérais une confrontation historique entre le meilleur quart-arrière de l’histoire de la NFL et son dauphin.

On a plutôt eu droit à un duel à sens unique, sans réelle tension dramatique. Le genre de soir où, sur la tribune de presse, les journalistes amorcent en toute quiétude la rédaction de leur article au milieu du troisième quart. Non, il n’y aura pas de revirement spectaculaire en fin de rencontre obligeant une réécriture en catastrophe.

À défaut du Super Bowl de tous les Super Bowls, ce fut le Super Bowl de Tom Brady. Encore. La victoire des Buccaneers de Tampa Bay est d’abord la sienne. Bravo à tous ses coéquipiers, dont ce bon vieux Rob Gronkowski, mais nous savons tous que sans le célèbre numéro 12, les Bucs ne seraient pas les nouveaux champions.

La performance de Brady fournit une réponse claire à une question souvent débattue : qui est le grand responsable des neuf participations des Patriots de la Nouvelle-Angleterre au Super Bowl de 2002 à 2019, Brady ou l’entraîneur Bill Belichick ?

PHOTO SHANNON STAPLETON, REUTERS

Tom Brady

Je ne veux pas minimiser l’immense impact du grand coach, surtout au début de la carrière de Brady, lorsque celui-ci avait beaucoup à apprendre. Mais en transformant les Bucs en une courte saison, en faisant d’eux la meilleure équipe de la NFL, Brady a balayé toute interrogation à ce sujet. Il est le moteur des clubs avec lesquels il s’aligne.

Ce n’est pas tout : en mettant fin à son association avec Belichick et les Patriots après la dernière saison, Brady est sorti de sa zone de confort. Pas évident de tout reprendre à zéro avec une nouvelle équipe, encore moins à 43 ans. Les choses auraient pu mal tourner pour lui.

On connaît depuis longtemps son cran sur le terrain, on sait maintenant qu’il possède la même qualité dans la gestion de sa carrière.

Si les Bucs avaient connu une saison décevante, ses critiques les plus sévères auraient soutenu que sans Belichick, sa magie n’opérait plus. Et qu’il devrait envisager la retraite. Son leadership exceptionnel lui a plutôt permis de tourner la situation à son avantage.

C’est bizarre à dire à propos d’un homme ayant accompli autant d’exploits, mais la présence de Brady sur le terrain ne m’a jamais semblé aussi forte que durant ce match. On aurait cru un aimant autour duquel tout le reste s’est articulé, de la performance des siens à l’écrasement psychologique de ses rivaux. Toutes ces pénalités inutiles imposées aux Chiefs ont illustré à quel point Brady les a intimidés.

On répète souvent, avec raison, qu’à son arrivée au sein d’une nouvelle équipe, un joueur doit doucement apprivoiser son environnement afin de bien s’intégrer. Avec Brady, j’ai plutôt l’impression que le contraire s’est produit. La direction des Bucs, les joueurs et tout le personnel ont vite dû s’habituer à Brady et à ses standards d’excellence. Ce n’est pas lui qui s’est fondu dans sa nouvelle organisation, mais plutôt celle-ci qui s’est regroupée autour de lui. Cette sage décision leur a permis de soulever le trophée Vince-Lombardi.

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Pour Patrick Mahomes, ce fut un match catastrophique. Le nouveau visage de la NFL a connu une soirée pénible. D’accord, la défense des Bucs a disputé une rencontre remarquable, pleine d’énergie et de sang-froid, mais c’était à lui de semer un doute dans leur esprit. On n’a pas vu le Mahomes opportuniste, capable d’orchestrer une poussée décisive dans un moment clé. Au fil du duel, cela a augmenté la confiance de ses adversaires.

Au premier quart, Mahomes n’a complété que deux passes en huit tentatives pour des gains de 9 verges. Sur le plan statistique, cela semblait une anomalie. On a ensuite compris que c’était une tendance. Il n’a jamais été dans le coup.

Au quatrième quart, c’était pénible de voir Mahomes courir partout dans l’espoir d’apercevoir un receveur libre.

Comment se remettra-t-il de cet échec ? Brady aussi a perdu des Super Bowls, mais jamais de manière aussi convaincante. Ses trois revers ont été par des écarts de 3, 4 et 8 points. En clair, ses équipes ont menacé jusqu’au bout. Ce ne fut pas le cas des Chiefs dimanche. Perdre par 22 points un match de cette importance laisse un œil au beurre noir.

À la fin de la rencontre, l’analyste Tony Romo a déclaré au réseau CBS : « Brady n’est pas prêt à transmettre tout de suite le flambeau à Mahomes ». En effet. Quelques instants plus tard, après avoir reçu le titre de joueur par excellence de la rencontre, Brady n’a pas fait de mystère sur ses intentions : il sera de retour la saison prochaine. Et encore une fois, il serait téméraire de parier contre lui.

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Si le match n’a pas répondu à mes attentes, le spectacle de la mi-temps a été au-delà de mes espérances. The Weeknd a été excellent.

Dans un contexte de pandémie, la NFL et lui ont bien fait de mettre sa musique au cœur de l’affaire et de ne pas multiplier les artifices. Un minimum de sobriété s’imposait, même dans un spectacle qui, par nature, est à grand déploiement. On a ainsi renoué avec une certaine tradition du Super Bowl, où on ne ressentait pas toujours la nécessité d’épater encore plus que l’année précédente.

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La saison de la NFL est maintenant terminée. Dans cette période difficile, elle nous a apporté des moments bienvenus de bonheur et de distraction. La semaine dernière, le commissaire Roger Goodell a reconnu qu’il était encore trop tôt pour savoir dans quel environnement sanitaire le prochain calendrier sera disputé. « J’ignore quand la normalité reviendra », a-t-il dit en conférence de presse.

Pour l’instant, la seule chose dont on peut être sûr, c’est que Tom Brady voudra encore nous en mettre plein la vue… à 44 ans !