Il s’était écoulé 672 jours depuis le dernier match des Stingers de Concordia, la dernière équipe à amorcer sa saison de football universitaire, samedi, face au Rouge et Or de l’Université Laval. De longs mois au cours desquels les étudiants athlètes ont dû faire face à des défis inattendus.

Habitués à former des groupes très soudés, les joueurs des cinq équipes de la conférence universitaire de football du RSEQ ont perdu plusieurs de leurs repères. Leurs entraîneurs et tout le personnel des services des sports de leurs établissements ont donc dû faire preuve de beaucoup d’imagination.

« Je suis un peu comme un dinosaure, raconte avec humour Glen Constantin, l’entraîneur-chef du Rouge et Or de Laval depuis 23 ans. Il y a un an, je ne connaissais rien aux applications Zoom ou Teams. Aujourd’hui, ce sont des outils de travail dont je ne peux me passer. Je croyais avoir tout vu au football, mais la pandémie nous a mis face à des situations imprévues. »

Garder le contact avec les joueurs, quand les consignes limitaient tout regroupement, est devenu un enjeu majeur. « Une chance qu’on n’était pas en 1938, explique Ronald Hilaire, l’entraîneur-chef des Redbirds de McGill. La technologie nous a vraiment aidés à garder le contact avec tout le monde, à garder tous les joueurs engagés dans leur parcours académique et dans leur parcours de vie. Avec l’application Zoom, on a pu organiser des réunions et des séances d’entraînement virtuelles.

« Une équipe de football, c’est une grande famille et même si la saison universitaire ne dure que quatre mois, nous encadrons et accompagnons nos joueurs toute l’année. Je suis très proche de mes joueurs ; en temps normal, mon bureau est toujours ouvert et les gars savent qu’ils peuvent compter sur moi et sur tous mes adjoints. »

L’automne 2020 a été particulièrement difficile, rappelle l’entraîneur des Redbirds.

« C’est sûr que la pandémie a forcé tout le monde à vivre des choses auxquelles nous n’étions pas préparés. On a tous l’image d’un joueur de football un peu macho, un peu coupé de ses émotions aussi, mais là, les gars ont vécu des choses très chargées en émotion qui les ont amenés à montrer un côté plus humain. »

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Ronald Hilaire, entraîneur-chef des Redbirds de McGill

Les joueurs ont très mal reçu l’annulation de la saison 2020. Ç’a été un gros choc pour eux, mais on a trouvé des moyens de les garder motivés.

Ronald Hilaire, entraîneur-chef des Redbirds de McGill

À l’Université de Montréal, l’entraîneur-chef Marco Iadeluca a succédé à Danny Maciocia le 11 février 2020, quelques semaines avant l’annulation de toutes les activités du RSEQ. Celui qui arrivait du Collège André-Grasset, après plusieurs saisons avec les Carabins, a vite pris les choses en main.

Grâce à la technologie et aux ressources offertes par l’université, les Carabins ont traversé les 21 mois d’inactivité forcée. Tout le monde s’est impliqué et, comme dans les autres programmes, les vétérans ont joué un rôle essentiel.

« Les plus vieux sont allés au-devant des recrues, pour les aider à se retrouver dans un nouvel environnement et à s’intégrer plus facilement dans l’équipe, souligne Iadeluca. C’est d’autant plus important que nous travaillons cette année avec une double cohorte de recrues. »

Trois semaines essentielles

Ce n’est donc qu’il y a quelques semaines que les équipes se sont finalement retrouvées pour leurs camps de préparation.

« Nous avions déjà pu reprendre un peu contact au printemps, puis pour un mini-camp en juillet, souligne Ronald Hilaire. Mais c’est lors du camp de préparation du mois d’août que le gros du travail s’est effectué. Nous avons eu 21 jours, une semaine de plus que d’habitude, et nous avons vraiment pu commencer à bâtir un sentiment d’équipe. »

À Québec, Glen Constantin constate : « Cette semaine supplémentaire a été très positive et j’espère que nous pourrons répéter l’expérience à l’avenir. Cela nous permet d’y aller plus graduellement avec les joueurs et, si c’était particulièrement important cette année, cela sera toujours pertinent. »

À l’Université de Montréal, Marco Iadeluca rappelle : « Les gars n’avaient plus porté leur équipement complet depuis novembre 2019 [en finale de la Coupe Vanier] et la plupart n’avaient que des contacts virtuels entre eux depuis le début de la pandémie. »

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Marco Iadeluca, entraîneur-chef des Carabins de l’Université de Montréal

C’était vraiment spécial quand on s’est retrouvés il y a quelques semaines, l’énergie était incroyable et je crois que nous avons fait du bon travail.

Marco Iadeluca, entraîneur-chef des Carabins de l’Université de Montréal

À Sherbrooke, l’entraîneur-chef Mathieu Lecompte estime que « c’est toujours extrêmement méritoire pour nos joueurs et nos entraîneurs de commencer une saison, car la phase de préparation dans notre sport et très longue pour une saison relativement courte. Cette année, avec tous ces mois sans football, c’est d’autant plus vrai. On est tous très fiers du travail accompli en préparation et de la façon dont on a pu surmonter les nombreuses embûches qui se sont présentées sur notre parcours. »

Des équipes transformées

Avec deux années de recrutement, le départ de plusieurs vétérans, toutes les équipes sont très différentes de celles qui ont disputé la saison 2019. Si le Rouge et Or et les Carabins peuvent encore miser sur d’excellents nouveaux venus, les autres équipes ne sont pas en reste à ce chapitre.

« C’est étrange, car nous ne connaissons pas vraiment les autres formations, explique Marco Iadeluca. J’ai l’impression que tout le monde a progressé et qu’on aura droit à une belle compétition tout au long de la saison. »

« Avec deux cohortes de recrues, nous avons maintenant une véritable profondeur de talent, estime d’ailleurs Ronald Hilaire. Cela va nous permettre d’être compétitifs toute la saison et aussi lors des prochaines années.

À Concordia, Brad Collinson confirme : « Nous avons un bon mélange de vétérans et de nouveaux venus. Nos efforts de recrutement nous ont permis d’attirer des joueurs de talent à des positions clés, ce qui fait en sorte que nous avons maintenant une belle profondeur, aussi bien en attaque qu’en défense. »

Reste à voir à quel rythme les équipes vont retrouver tous leurs moyens. Dimanche dernier, à Québec, le Rouge et Or a peiné devant les Redbirds et même si la machine était mieux « huilée » samedi à Concordia, il y a encore des choses à améliorer.

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Glen Constantin, entraîneur-chef du Rouge et Or de l’Université Laval

Nous sommes simplement très heureux d’avoir pu jouer.

Glen Constantin, entraîneur-chef du Rouge et Or de l’Université Laval

« Ce n’était pas nécessairement le plus beau spectacle de football, avoue Glen Constantin, mais il faut comprendre qu’il y a eu une longue période d’inactivité. On ne peut recréer l’intensité d’un match dans un camp d’entraînement. Le but est de s’améliorer chaque semaine jusqu’à notre dernier match. »

À Concordia, Brad Collinson confirme l’opinion de son mentor. « Nous avons établi un plan de 13 semaines. Nous y allons pas à pas, en nous concentrant sur notre objectif et en essayant de ne contrôler que ce que nous pouvons contrôler. Nous voulons être compétitifs chaque semaine avec le but d’atteindre notre meilleur niveau en novembre [pour les séries]. »

Dans le contexte actuel, tous les entraîneurs sont conscients de l’incertitude qui règne encore sur la saison. « Avec la pandémie, il se pourrait qu’on doive annuler une journée de pratique, qu’on ait une journée de préparation de moins pour un match, rappelle Glen Constantin. Pour cette raison, on se doit d’avoir des jeux sur lesquels on peut miser n’importe quand, quitte à ce qu’on soit plus prévisibles.

« L’important, c’est de renouer avec le sport qui nous passionne et d’avoir du plaisir à la faire, avec une approche jeu par jeu, série par série, match par match. »

Laval et McGill s’imposent

La deuxième semaine du calendrier du football universitaire québécois s’est déroulée comme prévu, avec deux matchs disputés et des victoires du Rouge et Or de l’Université Laval et des Redbirds de l’Université McGill.

À Concordia, le Rouge et Or s’est imposé 33-7, dans un match plus serré que ne l’indique le pointage. Les Stingers ont cogné à la porte des buts en fin de match, mais la défense adverse a résisté avec un sac du quart sur un troisième essai. Le Rouge et Or en a profité pour réussir un dernier touché sur une longue course de Philippe Lessard-Vézina. Au total, les visiteurs ont amassé 416 verges en attaque, le receveur Jordan Duprey se signalant avec cinq réceptions spectaculaires pour 105 verges de gains et un touché.

Au stade Percival-Molson, les Redbirds ont difficilement battu le Vert & Or de Sherbrooke, 21-18. À égalité 11-11 avec leurs rivaux à la mi-temps, les Redbirds se sont détachés au troisième quart avec une passe de touché de 39 verges du quart Dimitrios Sinodinos à Mathieu Soucy (sa deuxième du match), et deux placements d’Antoine Couture. Le Vert & Or est revenu avec un touché du quart Anthony Robichaud dans la dernière minute de jeu, sur une course d’une verge, mais les Redbirds ont ensuite écoulé les dernières secondes au tableau.

Le week-end prochain, les Carabins de l’Université de Montréal recevront les Stingers, vendredi à 19 h, alors que le Rouge et Or se rendra à Sherbrooke samedi à 14 h pour affronter le Vert & Or.